• Histoire
Cri de maman.
« JUSTIN ?! » Plus précisément, cri de maman qui voit son fils couvert de terre, de boue et de sang sur un genou – c'est à ce moment que Mr. Propre ou un canard magique intervient, dans les pubs.
« Maman tu m'donnes des c o o k i e s [j'aime la censure x''D] ? Peter et Lisa z'en veulent aussi ! Pis t'as un truc pour ça ? » Il désigne la tâche rouge.
« T'es... T'es pas possible ! » Maman s'en va quelque part, ailleurs, on sait pas, elle quitte la cuisine quoi. Et elle laisse le plateau de chapons aux morilles et au vin jaune... sans défense. Quand elle revient avec de l'alcool à 90° et des pansements, les chapons aux morilles et au vin jaune et le fils ont disparus.
Soupire de maman affligée.
« Faites des gosses, qu'ils disaient... » Si la vie de maman est dure, dure, dure, celle de Justin est pleine de tout ce qu'un morveux de 5 ans devrait avoir. Beaucoup, beaucoup d'amis, des chapons aux morilles et au vin jaune, des jouets à ne plus savoir où en mettre – les siens et ceux de ses frères qui sont passés à autre chose –, une montagne de DVD pour les jours de pluie et aucune carie. Et si on va plus loin que sa simple vision des choses à lui seul, on pourrait même dire qu'il a de la chance d'être dans un pays libre, dans une famille sans difficultés financières, entre quatre murs et un toit au sein d'une famille sans problèmes psychologiques ou de violence.
Comme tous les enfants de 5 ans, la plupart des gens
adultes et matures le prennent pour une sous-personne indigne d'une autre conversation que « Ça se passe bien à l'école ? Elles sont gentilles les filles dans ta classe ? Gouzi gouzi ? Areuh ? », mais tant pis, quand il y a ce genre d'invités à la maison, il va s'entraîner dans le jardin. À quoi ? À tout. Un super-héros se doit d'être
omnipotent – Justin aime ce mot.
En résumé, il mène la Vie Parfaite.
Pour le moment. /TIN TIN TIIIIIN/
* * *
À huit ans, Justin n'a toujours pas mentalement grandi. Il a appris de nouveaux mots, vécu de nouvelles choses et rencontré
encore plus de nouveaux amis, mais il est resté le même et en est fier. Il a la conviction que le nombre de centimètres qu'il prendra dans le futur ne changera en rien ses idéaux et ses buts : répandre la paix en masse, sauver la veuve et l'orphelin, tout ça tout ça.
« Pense d'abords à tes notes à l'école, ensuite on verra. » Ton de maman exaspérée.
Bah, les adultes comprennent jamais rien. C'est pour ça qu'il arrête de leur en parler. Si c'est pour qu'ils se moquent ou qu'ils fassent semblant de s'y intéresser... Ils verront le résultat dans quelques années de toute manière. Il passera de gringalet normalissime à bodybuilder adulé par le monde entier, tel Cap'tain América, le vaillant soldat qui vaincu les naz-... Ah oui, c'est vrai, c'était pas encore sorti à l'époque.
D'ailleurs, c'est vers ces années-là que ses parents l'ont inscrit au théâtre. Ils avaient pensé à tout dans l'espoir d'avoir un peu la paix et de le faire s'intéresser à quelque chose d'autre que la Justice. Arts martiaux ? Trop dangereux – pour Justin et la ville entière, s'il devenait doué. Musique ? Ahahah. Loul. Comme si un hyperactif comme lui aurait la patience de prendre des cours d'un instrument. Et puis le pauvre instrument ne tiendrait pas un mois. À la limite, de la batterie, mais... non. Surtout pas. Les murs n'étaient – et ne sont toujours – pas insonorisés. Athlétisme ? Trop loin. (Sinon, peut-être qu'à l'heure actuelle, Justin aurait été une racaille sportive de Volfoni... non?)
Restait... théâtre. Il s'y est opposé au début. À quoi ça lui servirait à lui, le théâtre ? Puis il s'est résigné, parce que c'était ça ou plus d'amis à la maison. Puiiiis... puis il en est tombé amoureux, peu à peu, sans même s'en rendre compte.
Au collège, ses amis sont partis. Ailleurs, avec d'autres. Ils ne le connaissaient plus. Il n'avaient plus personne à inviter chez lui. Et il a quand même continué le théâtre.
* * *
Cri de maman.
« JUSTIN ?! » Plus précisément, cri de maman qui voit son fils au pantalon déchiré et aux bleus par-ci par-là.
« J'suis tombé dans les escaliers. » Il n'y avait pas d'escaliers dans son collège.
« T'as un truc pour ça ? » Il désigne une écorchure au coude.
Depuis quand les escaliers déchirent les jeans et écorchent les coudes ? C'est une question que ne s'est jamais posée sa mère, quand elle lui jetait la bouteille d'alcool à 90° et les pansements à la figure – qu'il se débrouille lui-même, elle ne sera pas toujours là pour le soigner.
« Faites des gosses, qu'ils disaient... » Les escaliers de ses années collèges ont étés nombreux, plus violents et stupides les uns que les autres. Mais que faire d'autre, à part encaisser ? Rapporter à ses parents ? Et qu'est-ce qu'ils pouvaient faire, eux, à part s'attirer des problèmes en se mêlant des siens ? Rapporter à un professeur ? À quoi ça servirait, à part à énerver de plus belle les escaliers en plus de leur donner raison ?
Il ne pouvait rien faire, si ce n'était rendre les coups. Et c'est parce qu'il ne les rendait pas assez bien qu'il rentrait dans cet état.
Heureusement qu'il avait le théâtre.
* * *
Cri de maman.
« JUSTIN ! » Plus précisément, cri de maman qui vient de recevoir une lettre d'admission de la part de l'académie Volfoni – non, elle n'avait aucune honte à ouvrir la lettre avant le concerné. Après tout, ce n'était rien de plus qu'un document décisif dans la vie et le futur de son fils...
« JUSTIN RICHARD O'BRIAN, VENEZ SUR LE CHAMPS. » Justin, quinze ans, déboule les escaliers à la vitesse d'une batmobile, loupe une marche, se prend un mur, se relève avec difficulté, court, se cogne le petit doigt de pied contre le coin d'un meuble, et arrive devant sa mère en boitant.
« Mon fils... ! » Câlin de maman. Justin et sa fabuleuse nouvelle teinture bleue soupirent.
* * *
Au téléphone avec mamounette.
«
[Et comment on va faire, maintenant?], ton de maman dépitée.
-
Been. Ils ont dit qu'ils feront déménager l'académie en Floride.-
[En Floride?!]-
Ouais. En Floride. -
[Mais... Mais c'est génial ! On sera tout proches ! Hein ? Tu viendras me voir les week-ends, - hein ? Tu manques à ton père tu sais ! Et sinon, tu vas bien toi ? On m'a dit qu'il y avait eu des -blessés pendant l'effondrement, tu peux pas savoir comme j'étais inquiète !]-
Ça va, ça va, je vais bien maman, ton de fils en bonne santé. »
Ce qui est pratique avec les téléphones, c'est qu'on ne peut pas voir les bleus des escaliers à travers.