Le bateau allait sombrer, le mât presque brisé, les voiles déchirées. Tout annonçait de mauvaises choses et la tempête violentait de plus en plus la pauvre carcasse. À bord, un petit garçon regardait le ciel de ses grands yeux bleus. Ce n'était qu'un petit garçon dans sa tête. Ses mains étaient liées, il tremblait à en entendre ses os claquer. Il priait pour que quelqu'un le sauve, pour que le bateau résiste, pour que le soleil pointe le bout de son nez et apaise la mer d'un coup de baguette magique. Mais les cieux n'étaient pas décidés à l'aider, pourquoi le voudraient-ils ? Après tout, c'est la première fois qu'il s'adresse à ce fameux Dieu. Il ne le blâmait pas non, c'était l'heure de dire au revoir. Bien que trop tôt. Tout s'écroule autour de lui, la mer a engloutit le navire et le garçon avec. Elle l'accueille violemment sans lui laisse la moindre chance. À la recherche d'air, tout ce qui vient à lui n'est pourtant que douleur. Il sent ses poumons se remplir d'eau, ses mains frappent sa poitrine, il se débat de cet hôte malveillant.
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5 ans
« L'abandonner à une bande de marins un jour de tempête, t'as rien trouvé de mieux pour la faire payer ? Heureusement que la garde côtière était au courant pour leur bateau, j'aurais eu de la peine sinon. 'fin, un p'tit peu quoi. »
« Écoute Anna, tu aurais pu juste nous acheter deux billets d'avions et nous l'aurions laisser dans un orphelinat en disant que ses parents sont morts. »
« Il fallait le dire, avant ! Maintenant nous allons avoir ton ex-femme sur le dos et elle est vraiment chiante. »
« Elle ne nous fera rien et s'occupera du petit comme si c'était son propre enfant ne t'inquiète pas. »
« Cette salope doit souffrir après ce qu'elle m'a fait ! »
« Anna... Pour elle, tu lui as volé cet enfant qui était supposé être le sien et le mien. Ce qu'elle a fait est certes, impardonnable mais mets-toi à sa place. Il n'y avait rien de plus logique de son point de vue. Le traumatisme psychique peut conduire à de sérieuses conséquences négatives. »
« Tais-toi avec tes trucs de médecin et rejoins-moi, l'eau va devenir tiède et je hais ça. »
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6 ans
« AAAAAAAAAAAAAAAAH ! Maman ! Maman ! »
« Qu'est-ce qu'il se passe mon chéri ?! »
« Le petit garçon, il est encore dans ma tête, il me ressemble tellement tu sais maman. Il me fait peur, je ne lui ai rien fait pourtant ! Tu me crois, hein maman ? »
« Bien sûr Aiden, je te croirai toujours. Viens dans mes bras sécher tes larmes. »
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8 ans
« Dis, maman. Tu penses que je mettrai combien de temps pour lire tous les livres qu'il y a dans la bibliothèque de grand-père et grand-mère ? »
« Je suis certaine que tu y arriveras rapidement ! On habitera ici pour toujours, alors tu as toute la vie devant toi. »
« Oh super ! C'est trop chouette. Merci maman, je t'aime ! »
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10 ans
« Hahaha regardez-le, avec ses bouclettes de mouton. Y'a quelque chose en-dessous de cette touffe ? T'es bête n'est-ce pas ? Un gamin avec une telle tête, ça peut être que bête. »
« Mais... Mais... Mais pourquoi vous dites ça ? C'est vous qui avez des problèmes, c'est ça ? Si vous voulez en parler moi je veux bien être votre ami, mais pas pour longtemps s'il vous plaît. »
« Hein ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Personne ne veut être ami avec toi qui passe tout son temps tout seul. Hahaha c'est bien la première fois que j'entends un truc pareil ! »
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14 ans
« Aiden je peux te voir une seconde ? »
« Oui monsieur. »
« Tes résultats son plutôt impressionnants, tes parents te forcent-ils à étudier de trop ? »
« Non monsieur, j'apprends dans les livres, ils ne sont pas ennuyeux, eux. »
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17 ans
« Aiden, m'accorderais-tu ce tango argentin ? C'est un peu formel sachant que nous sommes au cours, mais je t'aime bien. »
« Non, Mary. Les humains font trop de fautes en dansant, je préfère m'entraîner seul. Ne me demande plus, c'est agaçant. »
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18 ans
« Maman... Le petit garçon dans mes rêves, c'est moi, n'est-ce pas ? »
« De quoi est-ce que tu parles ? Allez, viens dîner. »
« Maman. Sérieusement. Est-ce que c'est moi ? »
« Je... Aiden écoute, nous en parlerons plus tard si tu veux, mais maintenant viens manger, ça va être froid. »
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20 ans
« Bonjour monsieur Abberline, comment allez-vous? »
« Bien. »
« Expliquez-moi les raisons de votre venue, je suis là uniquement pour vous aider. Et on m'a averti, avant d'aller plus loin, que vous êtes victime d'une perte de mémoire. »
« Aha. Vous voulez vraiment savoir pourquoi je suis là ? Ma mère me paie cette séance pour me faire aller mieux. Parce que selon elle je suis 'malade' et j'ai besoin 'd'aide'. Mais elle se trompe, c'est elle qui devrait être assise ici à ma place. Et certes il y a certaines souvenirs qui m'échappent, mais la réalité n'est que l'addition de la fiction et du souvenir. Or, je n'ai nul besoin de vivre dans la réalité pour être au meilleur de ma forme. Sur ce, bonne journée. »
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26 ans
« Belle journée, n'est-ce pas ? »
« Oui. »
« Quoi ? Pourquoi tu me réponds aussi froidement ? »
« Je ne fais que te répondre. Tu me demandes si c'est une belle journée. Le ciel est dépourvu de cumulonimbus, les oiseaux sont en pleine période de reproduction, l'air n'est ni trop frais ni trop lourd, le taux d'humidité dans l'air est à un pourcentage en parfait équilibre avec le reste des éléments, les rayons UV ne brûle pas encore nos peaux, encore quelques années peut-être. Donc oui, c'est une belle journée en effet. »
« ... Sérieusement. C'était juste pour faire la conversation ! Bref, reprenons. Chapitre trois deuxième entrée.
« 'Peut-on encore rêver dans un monde prisonnier du réel ? Dans un monde toujours plus complexe traversé de conflits, de luttes idéologiques, nous créons des métaphores, des images, des symboles et des mots qui forment des représentations sociales. Celles-ci permettent de questionner...' »
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32 ans
« Aiden, mon chéri ? »
« Oui maman ? »
« Je voudrais juste te dire que je suis très fière de toi. Tu sais, tes passions, tes diplômes,... je te respecte vraiment pour ce que tu as accompli. »
« Merci. »
« Maintenant que tu es sortis des études je me demandais juste dans quel genre d'endroit tu voudrais travailler. »
« Tu as une idée derrière la tête, n'est-ce pas ? »
« Oh mon chéri... »
« Maman, non ne... Maman ne me prends pas dans tes bras c'est vraiment gênant. »
« Tu aimais ça quand tu étais petit. »
« Bien, je ne le suis plus. »
« Pourtant tu es si distant des gens je ne comprends pas comment tu as pu tourner comme ça. »
« Ces 'gens', ces humains, je n'en veux pas. Ils sont si ennuyants. »
« Pourquoi as-tu fait des études en assistance sociales alors ? »
« Leurs problèmes m'excitent. S'ils sont compliqués, évidemment. »
« Alors je pense avoir trouvé l'endroit parfait pour toi... »
« Je n'ai pas besoin de ton aide. »