Justin, il aurait bien aimé être un personnage de conte ou de bandes dessinées. Pouvoir vivre des histoires fantastiques remplies de magies et de mystères, dans un monde inventé de toutes pièces. Il serait le héros de sa propre histoire, battrait des dragons à coups d'épée, sauverait une belle princesse. Son histoire aurait commencé par
il était une fois et finirait par
ils vécurent heureux pour toujours.
Mais tout cela, c'est pas la réalité, comme lui disait les gens, il faudrait arrêter de rêver Justin. Toutes ces histoires, toutes ces choses en quoi ils croyaient, ce n'était rien d'autre que des mirages, que du vent. Ses parents le trouvaient touchant à croire en tout ces rêves, toute cette poussière de fée. Alors qu'à côté, ses frères et ses sœurs aimaient le charrier.
Arrêtes de croire à la magie Justin.
Redescends sur Terre p'tit frère.
Ouvres les yeux imbécile. Et ses yeux il les a ouvert. Il a vu le monde dans lequel il vivait, et a alors décidé de se créer sa propre histoire, ses propres péripéties. Il deviendrait le héros de sa propre vie.
Il était une fois, un garçon qui voulait exister.
- C'est toi le loup !Une tape sur l'épaule, un sourire malicieux et ce rire dans la voix alors que l'enfant décampe à toute vitesse. Son ami n'a pas le temps de réagir qu'il était déjà bien loin. Il s'élance pour le rattraper, une brise dans les cheveux et du bonheur dans les yeux, c'est dans ces moments-là qu'on se dit que c'est bon de vivre en Floride.
Justin, il avait toujours adoré l'école. Il trouvait amusant de devoir coller des paillettes sur une boule en polystyrène pour noël, ou encore faire des bonhommes qui ne ressemblaient à rien en pâte-à-sel. Mais ce qu'il préférait, c'était de loin les récréations. Les jeux qu'ils y inventaient, les histoires qu'ils partageaient et les fous rires qu'ils pouvaient avoir, tout cela, c'était presque
magique. Il aimait tellement ça qu'il voulait toujours arriver un peu plus tôt avec sa bande d'amis pour pouvoir profiter de la cours, et c'était aussi l'un des derniers à la quitter le soir quand ses parents revenaient le chercher.
Gamin un peu turbulent et très énergique, il se faisait très vite connaître en tant que pitre de la classe, celui qui aimait faire rire les gens avec des blagues un peu idiotes. On a tous connu ce genre de personne qui aimait bien se faire remarquer, qui faisait des grimaces en classe, qui posait des questions stupides au professeur pour faire rire ses camarades. Et bien cette personne, c'était Justin.
On l'aimait bien Justin, il était plutôt gentil et amusant quand il essayait de jouer les héros. Même les professeurs qui le grondaient par moment ne pouvaient pas être bien méchant contre lui. Pour canaliser un peu l'énergie et l'imagination débordante de ce boute-en-train, on lui conseilla même de s'inscrire au club de théâtre. Ce qu'il fit. Et jamais il ne le regretta. Lui qui aimait être vu et remarqué, il trouva dans cette activité un moyen de s'épanouir.
Sur la scène de sa vie il se voyait déjà. Le vent dans les cheveux, le soleil contre sa joue et une bonne vieille musique de George Michael à la radio, ça sentait bon les vacances chez la famille O'Brian. Ils allaient à la mer, dans un camping, pour la première fois. Même si les plus vieux - alors âgés de 19 ans - paraissaient relativement calmes, Justin, lui qui avait à peine 10 ans, était absolument excité par ce voyage, il avait bien du mal à tenir en place. C'était un peu comme une conquête vers un monde extérieur pour lui.
- C'est quand qu'on arrive ?
- Bientôt mon chéri
- Mais t'as dis ça y'a tren-
- Tais-toi abruti j'écoute la musique
- Maman Jess' m'a traité d'abruti !Soupire général, on peut dire qu'avec deux parents, quatre fils et deux filles, la cohabitation n'a jamais été de tout repos chez les O'Brian. Comme dans n'importe quelle famille, les disputes, les cris, les pleures sont devenues des moments du quotidien. A la différence qu'ici, ils pouvaient être plus nombreux et, par conséquent, plus bruyants.
Arrivé au bungalow, Justin s'empressa de visiter toutes les pièces avec un certain émerveillement dans les yeux, alors que les autres se battaient déjà pour les chambres. Jess', qui avait deux ans de plus que lui, lui balança joyeusement un coussin à la figure pour lui faire revenir à la réalité. De toute la fratrie, c'était sûrement elle qui aimait le plus taquiner son frère. Elle le trouvait un peu trop gamin, surement très stupide. Elle aimait jouer le rôle de la grande sœur un peu supérieur, ce qui déplaisait à Justin et engendrait alors pas mal de disputes entre-eux.
Mais en contre-partie c'était aussi elle dont il se sentait le plus proche, ils s'amusaient beaucoup ensemble, partageaient énormément. C'était un peu les Tic et Tac de la famille. Justin n'avait pas de lien aussi fort avec ses autres frères et sœurs qui - pour certains - passaient la majeure partie de leur temps sur l'ordinateur, avec leurs petites amies ou leurs amis, ou qui n'avaient tout simplement
pas le temps pour s'amuser avec le petit dernier.
Et quelque part, ce petit dernier, ce bout d'chou, avait l'étrange sentiment d'être
invisible pour ses aînés. Il avait toujours été considéré comme le plus gentil de la famille, mais également comme le plus agité.
Il voulait juste de l'attention. Il voulait être vu, remarqué. S'il faisait des bêtises, s'il embêtait ses aînés, c'était juste un moyen pour dire
hey je suis là moi aussi, regardez-moi.
Mais il y avait bien une personne qu'il évitait d'embêter. Son plus grand frère. Pas qu'il en avait peur, mais il le respectait énormément. Il
l'admirait, réellement. Il voulait devenir astronome, ce genre de métier qui faisait rêver rien que d'en parler. Justin adorait lui poser des questions, car alors il voyait son frère avec cette détermination dans le regard, ce on-ne-sait-quoi dans la voix, cette passion à chaque fois qu'il regardait le ciel, comme si les étoiles avaient pour une fois une âme. Ses parents s'amusaient à les comparer, Justin et lui. Pour eux, ils étaient un peu pareil, avec cette même avidité pour les choses qu'ils aimaient.
L'un c'était les héros, l'autre c'était les étoiles, mais tout deux visaient un rêve.
Le calendrier annonçait la fin des vacances, et un brin de nostalgie planait dans l'air. Justin rentrait au collège cette année-là, il se souvient qu'il avait le trac la première fois qu'il avait passé les grilles de l'établissement, mais il était heureux à la fois.
Il avait retrouvé ses amis et, très rapidement, il avait prit ses marques dans cette nouvelle école. Après moult conneries Justin était de nouveau le pitre de la classe, ce qui était loin de lui déplaire. On appréciait ce pseudo héros un peu con-con qui ne prenait jamais les choses au sérieux, mais tout avec légèreté. Il était de nouveau le bon pote qu'on voulait avoir, celui sur qui on pouvait compter et qui aimait s'amuser. Il avait même fait un pari où il devait se teindre les cheveux en rouge, ses parents n'avaient pas vraiment apprécié et il s'était fait sévèrement punir, mais la coloration était vite partit, et c'était aussi un moyen pour lui de se démarquer et de s'affirmer.
Car les héros ont toujours un signe distinctif qu'il disait. Plus tard il testa le vert puis s'arrêta sur le bleu quelques temps après.
Malgré ça, quelque chose avait changé. C'était minime, à peine visible, même Justin avait mit du temps à remarquer, mais il semblerait que son attitude d'extraverti avait finit par attirer la jalousie de certains élèves plus vieux. Au début, on ne s'en prenait pas à lui physiquement, c'était des mots par-ci par-là, des insultes glissées comme ça, Justin laissait couler. Il ne disait trop rien, répliquait rarement. Il avait tendance à lancer des regards noirs et dévisager ces élèves s'ils décidaient de s'en prendre à l'un de ses proches, ce qu'ils prirent rapidement comme de la provocation. Quand les autres élèves ont vu qu'il était la cible des quelques racailles de l'école, ils s'éloignèrent de plus en plus de Justin, si bien qu'il se retrouvait par moment seul.
Et puis vint le temps où il rentra chez lui avec des bleus aux visages, le nez qui saigne, des hématomes sur le corps. Il ne disait jamais rien à ses parents, et arrivait toujours à trouver des excuses quand on lui demandait ce qu'il se passait. A l'école, il lui arrivait de voir ses potes presque en cachette car ils avaient peur d'être eux aussi la cible de ces élèves. Justin ne s'en plaignait pas, croyant dur comme fer que c'était à lui de les protéger. Et puis, ils savaient qu'il pouvait compter sur eux et, dans un sens, il voyait plutôt ça comme des obstacles à surmonter pour devenir un véritable
héros. Car eux ont toujours eu des moments difficiles à surmonter dans leur vie, Justin s'était dit que c'était son moment.
Mais Justin, il a beau être franc du collier et avoir du courage dans le pantalon, c'est qu'un gosse, qu'un putain de môme au fond. Et comme tous les gosses il peut avoir peur lui aussi, on a tous peur de quelque chose.
Lui, c'était la piscine. Il n'en avait pas peur à proprement parlé, mais il avait cette espèce de boule à l'estomac, cette crainte à chaque fois qu'il s'approchait de l'eau. C'était comme ça, il n'y pouvait rien. C'était sa kryptonite à lui, et ses bourreaux l'avaient bien compris.
Si au départ il n'en avait qu'une crainte, Justin avait très vite finit par développer une véritable
phobie.
Volfoni, ça sonnait vachement bien comme nom quand même. Ses parents lui en avaient parlé. Voyant qu'il s'épanouissait vraiment dans le monde du théâtre, ils s'étaient dit que - peut-être - l'inscrire dans une école spécialisée lui serait bénéfique. Justin avait tout de suite accroché, espérant ainsi rencontrer de nouvelles personnes, qui pouvaient le comprendre, avec qui il pourrait partager. Mais c'était sans compter sur les racailles qui le prirent rapidement pour une proie facile.
- J'ai sauvé deux personnes aujourd'hui !
- Tu t'es fais tapé dessus à leur place, nuance.
- Mais je les ai sauvé ! Son coloc' soupira et dévisagea la mine endommagée de Justin.
- C'est toi qu'on devrait sauver mec.
- J'devrais m'trouver une phrase d'accroche, un truc super cool à dire, une genre de "punchline" tu vois ?
- Non j'vois pas.
- Mais si ! Genre "tu ne le sais pas encore, mais tu es déjà mort", l'une des phrases les plus cultes de Hokuto No Ken.
- C'est toi qui risque de mourir si tu dis ça.
- Raaaah, t'es pas drôle. Justin se pinça les lèvres comme un enfant de quatre ans et partit bouder plus loin.
Il se sentait bien à Volfoni, il avait pour ambition d'être comédien ou bien acteur, il s'était inscrit au club de jeux de rôle et quand bien même il y aurait quelques personnes qui lui voulaient du mal, il ne se laisserait pas abattre.
Silence dans le temple, personne n'osait élever la voix, ni même faire de bruits.
Deux semaines, cela faisait deux semaines depuis l'accident de Volfoni, depuis que le toit s'était effondré sur deux élèves. Tout le monde avait été un peu secoué par cette nouvelle, qu'on les connaissait ou non. Très vite on avait demandé aux élèves de quitter l'établissement et de rejoindre leur famille. Justin avait décidé de se recueillir une dernière fois dans ce temple, en leur mémoire, avant de définitivement partir.
Une autre page se tournait, d'un livre qu'il aurait préféré ne pas ouvrir. Le soleil brillait fort là-haut dans le ciel, comme toujours ici en Floride. Des étoiles pleins les yeux et le sourire aux lèvres, Justin arpentait les couloirs de la nouvelle école, construit pour eux.
Nouvelle école, nouveau départ.
Nouvelles aventures.