Scandaleusement moi [Méliès]

Les yeux fermés et la bouche entrouverte donnent un air de béatitude stupide qui ne peut être à l’avantage de personne ; heureusement que Mercedes compense immédiatement par son agressivité habituelle, n’est-ce pas ?

Méliès pourrait en passer son chemin, partir pour essayer de s’installer ailleurs mais il cherche le calme depuis trop longtemps maintenant, ses réserves de patiences sont épuisées
et c’est vraiment une provocation beaucoup trop facile.

Il hausse un sourcil qu’elle ne peut pas voir, de ses yeux fermés par il ne sait quel caprice aujourd’hui, mais ne s’aventure pas jusqu’au sourire mesquin
il n’est pas ouvertement mesquin mais lui qui est trop petit d’habitude profite qu’elle soit assise pour la regarder de haut, avec un peu de morgue, oui, il avoue que ça fait un peu de bien parfois.

- « Ah bon. »

Que Mercedes attende quelqu’un d’autre, c’est-à-dire ne se contente pas de sa propre présence, c’est déjà suffisamment rare pour être souligné de ce genre de grotesque interjection, cet « ah bon » insolemment dubitatif que Méliès regrette à peine prononcé.
Elle n’a pas véritablement l’attitude d’une personne qui en attend une autre, de toute façon, juste de quelqu’un agacé qui veut qu’on lui fiche la paix. A peine plus que d’habitude, hm.

tu as beau croire le contraire, t’es pas si compliquée à comprendre, tu sais

Il aurait pu tenter d’argumenter, un petit peu, lui dire que si c’était la solitude silencieuse qu’elle voulait, elle pouvait se contenter de le dire, ça serait plus crédible et donc plus efficace, il pourrait ajouter que de toute façon, il valait mieux que ce soit lui qui s’installe plutôt que quelqu’un comme Pepper ou Angel, parce que lui ne dirait rien du tout si elle ne le lui demandait pas. En revanche il n’irait pas jusqu’à dire qu’elle oublierait sa présence au bout d’un moment, parce que ce serait mentir.  

De toute façon, il ne dirait rien du tout, même pas le « c’est dommage » moqueur qui lui brûle les lèvres, parce qu’il sait qu’avec Mercedes, ce serait relativement inutile ; elle n’écoute personne autant qu’elle-même et il y a encore une récompense offerte pour quiconque trouvera sa bonne foi.

Alors il se contente de s’asseoir. Sans douceur, certainement, la délicatesse du mouvement n’étant pas son point fort, mais au moins se débrouille-t-il pour ne pas l’effleurer en s’installant.

- « Je m’en irais quand ce quelqu'un arrivera. »
et je ne te demande pas ton avis parce que tu me l’as déjà donné.

Il a parlé doucement, presque gentiment, pour ne pas définitivement l’agacer ou pour ne pas qu’elle se rende compte qu’il n’en croit pas un mot ; parce que si on part du principe que Méliès admet l’arrivée imminente de quelqu’un, c’est une proposition relativement honnête, n’est-ce pas ?
Mais il ne s’en ira pas et au fond ils le savent tous les deux.

Il l’aime bien Mercedes, faut pas croire, mais parfois il veut simplement pouvoir s’arrêter quelque part (se prouver qu’il n’est pas pire qu’un autre ?) et honnêtement il en a vu d’autres, des petites princesses solitaires parce que trop géniales pour le reste du monde.  

Comme il se l’est promis, il ne dit rien de plus, il n’est pas venu ici pour discuter de toute façon, juste parce qu’il préfère être assis –mais il y a quelqu’un à côté, alors il lui faut se donner une légère contenance et pour cela il range son sac. Il aime quand les livres qu’il transporte sont bien alignés, quand sa trousse rentre tout juste dans l’espace que ses cahiers laissent à droite et quand son portefeuille cale son agenda, mais son sac est trop souple pour que cet agencement dure et les cartables de cuir coutent décidément trop cher.

Méliès a la tête un peu baissée, la nuque qui ploie sous il ne sait quel poids, comme souvent.
 

Sur Méliès glisse le regard désapprobateur que Mercedes réserve à la Terre entière ; ce qui est drôle c’est qu’il n’en soit même plus vexé. Avec le recul, il aurait plutôt peur de finir par s’en lasser sérieusement.
Il a du mal à concevoir ce qu’elle peut voir chez elle de si extraordinaire, lui qui s’arrête au sabre et cheveux factices tout en se persuadant qu’elle est moyenne dans ce qu’elle considère personnellement comme ses domaines de compétences (ça inclut le chara design et l’écriture, s’il a bien compris), mais bon, soit.

Ca ne fait de mal à personne et de toute façon elle referme vite les yeux, juste après avoir posé une question dont la teneur l’a surpris et à laquelle il répond machinalement.

- « Non, non, je range mon sac, c’est tout. »

D’ailleurs, il a fini, et c’est quand même nettement mieux comme ça.

C’est sans doute pour se récompenser, comme le disent tous ceux qui repoussent leurs régimes, qu’il ouvre une canette de Coca ; 33 cl et 0 g de sucre, il a décidé de se mettre au light, ça donne bonne conscience pendant approximativement 10 secondes, jusqu’à ce qu’on se rappelle que l’aspartame c’est mauvais aussi.

Tout est mauvais alors il boit.

Son prénom lui paraît se vider de sa substance à force d’être répété, un peu comme lorsqu’à force de chercher l’orthographe d’un mot on a l’impression qu’il n’existe plus.
Il attend un moment la suite de cette litanie, un commentaire, une question, n’importe quoi, mais l’attente s’éternise suffisamment pour lui paraître gênante et qu’il lui apparaisse donc nécessaire de répondre quelque chose.

- « Hm, ouais…. Parait que c’est assez space comme prénom. Rien que les accents sont bizarres. Sans doute parce qu’à la base, c’est le nom d’un réalisateur. Il était français, m’semble. D’où les accents. »

En vrai j’en suis sûr, je sais aussi que son domaine de compétence à lui c’était les effets spéciaux, et c’est mon père qui a choisi ce prénom, parce que ma mère (le despote familial) avait imposé sa préférence sur la majorité des précédents, et mon père est un cinéphile, tu vois, mais je vais pas dire tout ça parce que là ça deviendrait vraiment chiant.

- « Enfin, de toute façon il est mort depuis belle lurette. Bref. »

Ouais, voilà, bref, ferme-là Méliès et bois.
 

Encore un regard dégouté et Méliès en avale presque sa gorgée de travers –tout est dans ce presque parce que c’est lui qui sauve son honneur, du moins ce qu’il considère comme tel.  
Peut-être que Mercedes pressent que le sien se fissure lorsqu’elle se cogne, lorsqu’elle laisse échapper ce petit couinement lamentable ; en tout cas, lui le vivrait mal.

Il lui semble cependant qu’elle allait ajouter quelque chose, quelque chose pour effacer cette impression qu’elle puisse être gentille (comme si c’était une tare, mais il comprend, il ferait pareil), quelque chose qui fatalement lui aurait déplu ; alors il ne la plaint pas. Il ne va pas jusqu’à sourire, il ne va même pas jusqu’à réagir, en fait.

Ce qu’il peut être morne, c’est atterrant (son inertie est mécaniquement augmentée par rapport à la moyenne, disons donc que ce n’est pas vraiment de sa faute).

- « Hmmmm, merci je suppose… »

Il y a de la tristesse dans ses yeux, dans la façon dont il soupire et dans son ironie latente ; il y a une hésitation quand il ouvre la bouche, une hésitation quand il se ravise et même quand il décide finalement de passer outre.

- « Même si bon… On est forcément moins beau quand on est gros ? »

C’est une vraie question, la vraie question de celui qui se la pose dès qu’il croise une vitrine, la fenêtre d’une voiture ou même le regard des autres, dès qu’il a le malheur de se heurter ne serait-ce qu’à l’ombre de son propre reflet.

Ca enmochit d’être gros ? "Gros" ce n'est pas juste "gros", comme "blond" c'est "blond"?

C’est une vraie question et elle est tellement banale. Affligeant. Il aurait du se taire; mais tant qu'à partir, autant développer un peu hein.

- « C’est vraiment ce que tu penses, ou ce que les magazines veulent que tu penses ? Les magazines, ou la télé, ou ce que tu veux… la société. »

C’est complètement con de parler de la société comme d’une entité abstraite, mais c’est juste pour que t’esquive pas en disant que tu vaux mieux que des magazines. Le fais pas, s’te plait, j’aimerais bien que tu te donne la peine d’y réfléchir, ne serait-ce qu’un quart de seconde avant un nouveau regard dégouté, avant la prochaine heure de cours, avant qu’on reprenne nos vies sans que ça n’y ait rien changé.

C’est une vraie question.  

- « Tant mieux. J’ai vraiment pas envie d’apparaître dans un yaoi. » notons qu'il sait ce qu'est un yaoi

Merci d’y avoir réfléchi.

Méliès en est resté comme un con et c’est tout ce qu’il trouve à répondre. Il ne se mettra pas à gémir comme elle pour l’apitoyer, certainement pas, mais ce serait mentir qu’essayer d’affirmer que sa tirade ne l’a pas touché, qu’il ne voudrait pas qu’elle s’excuse et qu’elle regrette.
Il a mal dans sa fierté, Mercedes l’a juste cassé en deux ; il a brièvement envie de chialer comme un gosse mais rien à répondre. Si elle voulait se venger d’un affront quelconque, elle a amplement réussi.

D’un autre côté…
C’est une analyse intéressante.
Ca lui ferait sans doute plaisir s’il le lui disait.

Son Coca est dégueulasse, mais il boit parce qu’il n’a rien à répondre. C’est tragique.  
Allez, pense à quelque chose, Méliès. Tu ne feras croire à personne que tu n’as jamais envisagé cet aspect des choses, hein ; mais c’est toujours tellement plus simple de blâmer la société que des standards biologiques.

- « C’que tu dis est intéressant, hm, mais je sais pas, déjà je suis pas sûr qu’il y ait un pic de naissance en hiver venant corréler ton idée que nous sommes purement des animaux et puis les mannequins de 40 kilos  ne semblent pas particulièrement à même de porter des enfants et d’accoucher ou quoi et pourtant elles génèrent pas mal d’attraction sexuelle, non ? »

J’en suis pas vraiment sûr, en fait ; à moi, elles ne font rien, mais je crois qu’elles plaisent aux autres.

- « Et puis c’est nier les changements de paradigmes, c’est nier tout ce qui est culturel, c’est nier ce bouquin que tu viens de sortir pour me faire comprendre que ça serait bien si je pouvais fermer ma gueule ; m’enfin ça va pas servir à grand-chose que je développe, t’es sans doute déjà trop persuadée d’avoir raison de toute façon. »

C’est ça ton vrai problème Mercedes.

Méliès est trop affecté pour être plus agressif, enfin il a surtout l’impression que ses réponses vaseuses lui ont juste donné l’air encore plus con ; il aurait du essayer de garder un silence digne et détaché comme les héros pseudo-mystérieux des conneries que Mercedes a l’air d’adorer. Pourquoi il a voulu essayer de la ramener, d’ailleurs ?

Ah oui, c’est vrai. Pour atténuer l’humiliation.

Il a chaud et ce Coca ne fait pas passer la sécheresse dans sa gorge.

Un soupir triste, si triste et une main qui frotte ses yeux pour gagner du temps.
Méliès se sent vraiment débile et c’est dans ces moments-là qu’il est le plus fragile ; parce que son intelligence est tout ce en quoi il croit chez lui.

- « Mercedes, Mercedes, Mercedes… »

Comme une impression de déjà-vu.

Un nouveau gain de temps dérisoire, de nouveaux mots inutiles pour tenter d’organiser les phrases suivantes –il sait bien, pourtant, qu’il n’y arrive jamais, qu’il est tellement plus à l’aise à l'écrit (c'est ce qui continuerait de le distinguer de Salvatore même s'il perdait 30 kilos).

- « J’me range nulle part, j’essayais juste de réfléchir, tu sais. J’t’ai pas critiqué toi, j’trouvais juste ton approche un peu réductrice… Pas la peine de te sentir agressée comme ça. Des fois, on dirait que t’as un espèce de délire de persécution, c’est… dommage. »

Qui est-il pour juger ? Il a le même. Le même.

Un nouveau soupir et la phrase suivante sort tellement à contrecœur qu’elle lui fait presque mal.

- « Mais t’as raison, j’suis un peu con, j’sais pas vraiment m’exprimer,  j’parlais de la culture dans le sens de l’aspect culturel de l’humanité et pas de la culture américaine, celle qui valorise les femmes filiformes, -il ne peut pas s’empêcher de se justifier, d’essayer de montrer qu’il n’est pas si bête que ça; il a horreur de l’idée que ses propos puissent être mal compris, pardonne lui, c’est très prétentieux de sa part- mais c’était sans doute pas clair, alors t’es dans ton droit de te défendre comme ça. Tout le monde n’a pas ton don pour manier les mots. »

Son ironie amère ressemble à une moquerie qui ne s’assume pas au grand jour –juste histoire de compenser.

- « Et je rage pas. »

C’est important de le préciser.
Il est juste las, tellement las –alors que, franchement, il sait très bien qu’il n’a aucun problème sérieux dans son existence. Il est juste affreusement pessimiste.

Ca le fatigue de ne s’entendre avec personne ; brutalement, il se sent seul, il n’a pas envie d’argumenter, il renonce.

Les gens sont bornés, les gens le fatiguent.

Pourquoi, POURQUOI, est-ce qu’il a orienté la conversation vers ce sujet, plutôt que laisser couler comme il le fait si bien d’habitude ?

Fais chier.
Mercedes est vexée et Méliès a manqué une occasion supplémentaire de se faire un ami.
Il ne sait pas vraiment ce qu’il a fait de mal, il lui semblait pourtant essayer d’améliorer la situation ; mais décidément, ceux qui ont bravé son manque de tact sont affreusement rares.
Il y avait Scott mais cet abruti a disparu de la circulation (il devrait peut-être s’inquiéter ?), il y avait Narcisse mais cet imbécile a peur de son surpoids (il comprend),  il y avait Dana mais ça fait un moment qu’il n’a pas pris de ses nouvelles (il fait vraiment un ami indigne).

…
Sa vie sociale est affligeante.

Un soupir de découragement.

Et un autre, car le silence qui s’est installé entre eux s’étire jusqu’en devenir gênant ; puis la question de Mercedes le surprend tellement qu’il en avale son soda de travers.
L’inviter au bal ? Sérieux ? Quel est le rapport ?

- « Euuuuuh… non ? J’ai pas l’intention d’y aller, en fait. »

Bettina lui répète souvent qu’il ne profite pas suffisamment de ses jeunes années ; elle a sans doute raison, mais il n’apprécie pas du tout ce genre d’évènements.
Trop d’inconnus, trop de gens de manière générale, trop de bruit, trop de discussions stériles dans le meilleur des cas.

Trop de préjugés ?  
Sans doute.

C’est triste mais c’est comme ça.

Méliès, encore surpris, jette un rapide regard en coin sur Mercedes –il essaie de sonder ses intentions, mais n’y parvient pas.

- « Hum… ça t’aurait fait plaisir ? »

Il a tenté d’adoucir sa voix, mais il aurait plutôt du se taire.
Il va se faire rembarrer, il le sent arriver d’ici.

- « Enfin j'me doute que tu préférerais un athlète, hein, épargne toi la peine de me le dire.»

Un sourire crispé.

Il tente de prévenir un minimum la douloureuse expérience qui va suivre.

C’est marrant comme Méliès aurait réagi exactement de la même façon si quelqu’un l’avait invité.
Ils se ressemblent trop, il en sourirait presque, puis il se rend compte qu’il a encore dit quelque chose de travers.

Pardon, pardon, pardon, je voulais pas te vexer, vraiment, je voulais juste conserver les restes de ma fierté en anticipant des remarques cassantes que j’imaginais devoir fatalement sortir de ta bouche, mais les conversations ne se déroulent jamais comme je l’imagine et je continue de me faire avoir.
C’est fatiguant. Je suis désolé.

Elle s'en contrebalance certainement.

- « Ouais, Bettina me dit que je suis dur à approcher, mais p’t’être que je suis juste pas sympa, en fait. »

Il se laisse aller en arrière, tout en veillant à ne pas se cogner contre le rebord de la fenêtre comme elle l’a fait quelques instants plus tôt.

- « Qui est-ce que tu trouves sympa, Mercedes ? »

Que je prenne modèle sur l’individu en question ?

Un simple haussement d’épaules face à toute cette bile.

- C’est bien aussi, les personnages fictifs.

Ce sont peut-être même ceux qu’il préfère. Ils ne déçoivent que rarement, et si c’est le cas, il suffit de passer à autre chose. Ou de justifier ce qui ne nous plait pas par des théories farfelues.

Surtout, ils ne parlent pas inutilement et ils ne lui bouffent pas son énergie.

M’enfin, Méliès n’est pas rendu au stade de fanboy non plus. Zevran ? Individu inconnu au bataillon, mais le patronyme lui semble familier. Quelque chose en rapport avec des rumeurs, il ne sait pas trop. Bref.

- Oh, d’accord. Je connais pas…

Dragon Age. Je suis pas très jeux vidéos, j’en ai, mais j’prends jamais le temps d’y jouer.

Tout ceci se perd dans la stupéfaction provoquée par un tel fou rire ; puis il s’autorise un sourire tranquille (qui succède toutefois à un bref regard hautain, pour être franc).

Mercedes parle de bal et il en revient aussitôt à la stupéfaction.

- Hein ?

Traduction = ton fou rire a bouffé tout l’oxygène prévu pour ton cerveau, fais gaffe, t’es plus en mesure de réfléchir correctement et ça te fait dire des trucs que tu vas regretter.

- Euuuh, je sais pas, ouais ? Si tu veux ?

Sa gêne est palpable, il va sans doute essayer de la dégoûter, se rabaisser pour masquer tout le reste.

- Mais les gens vont se foutre de ta gueule.

Qu’est-ce que je vous disais.

- Et je sais pas danser.

Ca se voit, t’inquiète.

Il ne fait vraiment gaffe à rien –c’est vrai, c’est vrai. Ca ne l’empêche pas d’ouvrir la bouche pour protester, mais Mercedes surenchérit plus vite que son absence d’argument ne lui permet de répondre.

Pourquoi elle parle autant, d’un coup ?

Méliès se contente d’acquiescer sans excès de volonté, soumis déjà à ce qu’elle préfère.

Au fond, il se dit qu’il aurait sans doute été plus aisé de dire non.

L’occasion qui lui est donnée de le faire est probablement la dernière dont il bénéficiera ; mais le prix serait de la défier ouvertement, la vexer peut-être, alors il recule.

- Non, sans doute pas. Rien qui ne puisse être annulé, aha.

Petit rire hypocrite et nerveux.

Si elle tient à ce qu’il « se fasse beau » (il n’aime pas du tout cette expression, maintenant qu’il y réfléchit), il lui faudra probablement demander l’aide de Bettina. D’un autre côté, s’il le fait, elle va s’exciter et vouloir les shipper avec toute l’ardeur dont son petit être est capable.

Seigneur, il frissonne rien que d’y penser.

Il aurait vraiment été plus aisé de dire non.

- C’est quand ?

Cette question est terrible parce que 1) il ne fait vraiment gaffe à rien et 2) elle prouve qu’il ne prévoit jamais rien de ses soirées.

Un mouvement de recul instinctif lui échappe lorsqu’une main se pose dans ses cheveux.

Méliès n’est pas quelqu’un de tactile, loin de là. Chez lui, passé 8 ans on ne se fait plus de câlins et l’aversion qu’il entretient vis-à-vis de son corps n’est probablement pas étrangère au malaise qu'un contact provoque chez lui.  

Il ne va pas jusqu’à soupirer de soulagement lorsque la main s’en va, mais il ne peut s’empêcher d’ébouriffer ses cheveux juste après. Ils sont trop longs, ils viennent quasiment masquer ses yeux.
Présentement, ça l’arrange presque.

- Les supers meufs m’intéressent pas. grogne-t-il en regardant ailleurs.

En plus de lui avoir fait ravaler sa remarque sarcastique sur le fait d'avoir l'air content, la gêne a dénuée cette affirmation de la mauvaise foi habituelle de Méliès.

Prenons l’exemple de Billie-Dean ; elle correspond plus que probablement à ce que Mercedes entend par « super meuf », mais si elle faisait quelque chose d'aussi trivial que lui parler, terrifié serait un adjectif encore au-dessous de l'état dans lequel cela le mettrait (heureusement, ça n’arrivera jamais).

Non, lui il préfère les filles à la Pepper –il établit des ambitions à sa hauteur.  

Ce qu’il vient de penser n’est pas sympa.

Tant pis.

La confession de Mercedes éveille un écho en lui, il essaie de se radoucir, tente un sourire.

- Humm, le bal me fait pas chier, tu sais.

Si.

- Si ça te fait plaisir d’y aller, ça me gêne pas de t’accompagner. On fait comme tu veux. T’façon ce soir-là, j’avais juste prévu de regarder un film, alors…

La trilogie originale de Star Wars que je connais déjà par cœur, plus précisément. J’suis vraiment un looser. Moi aussi j’suis censé être tout seul ce soir-là, tu vois. Bettina a été invitée à cette soirée dès que la première affichée a été collée.

Si elle se fout de la façon nerveuse dont il se mordille l'ongle du pouce, il jure qu'il se casse et qu'il ne lui reparle plus jamais.

Cette phrase est louche.
Cette phrase est vraiment louche.

Méliès se demande si c’est volontaire ou non mais comme d’habitude il ne trouvera pas de réponse à cette question et y réfléchira ce soir alors dans l’immédiat il redirige son énergie vers une activité plus efficace.
Chercher comment se débarrasser du sujet.

- On pourrait peut-être commencer par s’arranger pour moins se prendre la tête, nan ?

Il va jusqu'à lui offrir un petit sourire mais un soupir fatigué lui échappe tandis qu’il hausse les épaules.

- T’es pas pire que n’importe qui d’autre, Mercedes.

Comment ça, il est aussi doué pour donner des compliments que pour les prendre ?

- Ca serait super si tu t’en rendais compte.

Plutôt que la regarder, il préfère fixer sa canette et la soupeser d’un geste du poignet (elle sera bientôt vide et alors il n’aura plus d’excuse, c’est dommage).

Puis il lève l’index, comme pour la faire taire --elle n’a pourtant rien dit.

- Je sais ce que tu vas répondre, mais moi au moins j’essaie.

Avec plus ou moins d’énergie et de conviction selon les moments, évidemment, mais il a vraiment l’impression d’essayer.

C’est dingue, quand même, parce qu’il leur demande de se détendre mais c’est lui qui revient aussitôt sur la défensive.

Finalement, Méliès oublie ses calculs et boit une gorgée supplémentaire de Coca.