Toxique - Prudence

« Prudence. »

C’est comme un chant - un chant d’ivrogne, un cri rauque et moite, à demi-sifflé, à demi-dégluti, comme un souffle lourd, l’haleine chargée d’alcool ou de fatigue ou de perversité, peut-être un peu de tout, parce qu’elle est toujours un peu ivre, un peu lasse, un peu vicieuse ; elle l’est, c’est tout, et il n’y a pas de raison à donner, elle vit comme ça, de ces fragments d’émotion comme des éclats de verre suspendus dans l’espace qui lui tailladent la peau à chaque pas. Rouvrent les plaies à chaque inspiration, ce souffle de vie qui fracture sa cage thoracique, incapable de ne pas déborder hors d’elle - comme pour la fuir, le fuir, ce corps mort, ce reste d’animalité pourrissant, et toute sa spiritualité évanouie, évanouie dans un cri.

« Hé Prudence ! »

La main qui saisit la manche de l’autre ; piège. La main qui glisse sur la peau de l’autre ; mensonge. Les yeux qui cherchent ceux de l’autre ; attentat.
Le regard froid comme la lame d’un rasoir, l’éclat brûlant, brûlé, irradiant, irradié.
Toxique.

« Tu me fais belle ? »
Je peux être une poupée pour quelques heures. Je peux être la tienne.
« Allez, dis oui. »
Ça irait plus vite.
« J’ai toujours été gentille avec toi, non ? »
Je ne t’ai jamais approchée.
« Je vois mon amoureux ce soir. »
Le type, je ne le connais pas.

Sourire, bouche en cœur et pommettes hautes.
Gamine capricieuse.
Gaby.