GOTTA GO FAST #brenwina

Pour être tout à fait honnête, lorsque Malwina a manqué (d’un cheveu) de le renverser quelques jours plus tôt, Brendol s’est demandé si cette jeune fille, malgré ses dénégations, ne lui en voulait pas personnellement tant l’incident semblait grotesque et donc intentionnel.

Maintenant qu’il est sur le siège passager plutôt que sur le passage piéton, il a abandonné l’idée.

Cette fille n’en veut à personne, elle est juste un DANGER PUBLIC au volant d’une potentielle arme de destruction massive car pesant plusieurs tonnes.

Main crispée sur la portière à s’en faire blanchir les phalanges, il se demande s’il ne couve pas des tendances suicidaires, pour mettre deux fois sa vie en danger avec elle dans un intervalle de temps si court.

Il ne soupçonnait pas que même les routes perdues des alentours d’Arcadia pouvaient être si effrayantes.

— Bien.

Non, ce n’était pas bien du tout.
Il sourit malgré tout mais un observateur attentif saura sans grande difficulté noter que ce n’est pas vraiment naturel.

— Est-ce vous pouvez vous garer là et couper le contact, s’il vous plait ?

Ce n’est qu’une fois le moteur à l’arrêt que Brendol détend ses muscles contractés, dont certains qu’il n’aurait pas su exister si ça n’avait pas été la base de sa profession, et qu’il relâche sa respiration qu’il retenait depuis le début de la… balade.

— Ca fait combien de temps que vous avez le permis ?

Simple curiosité.

Une poule ???? Dans la boite à gants ???????
Dafuck ??????  

Dans un premier temps Brendol sursaute, ce qui fait entrer en collision sa tête et le plafond (c’est pas lui qui est trop grand, c’est la voiture qui est trop petite, en plus d’y risquer sa vie ça fait vingt minutes qu’il est contorsionné pour réussir à y rentrer ses genoux) ; et puis il en explose de rire (enfin, pas littéralement, bien sûr, sinon ça serait un peu sale et Malwina devrait répondre à des questions louches après).  

Il regarde un moment la poule gambader tranquillement à travers champs --la pauvre, ça faisait combien de temps qu’elle était dans cette boite à gants ?!

Quand il se retourne finalement vers le siège conducteur, il a un œuf dans les mains et une conductrice terriblement motivée sur les bras.

— Nan nan nan nan nan.

Psychologiquement il n’est pas prêt.
Avec un enthousiasme désespéré, il lui colle l’œuf sous les yeux ; dans l’attente peut-être que la vision de cette pauvre créature désormais orpheline lui inspire suffisamment de compassion pour la dissuader de repartir.
Ou qu’elle décide de se le faire cuire, peu importe, tant qu’elle lui laisse un peu de répit.

— Objection !

(on sait tous avec quelle voix t'as lu cette exclamation, je ne te fais donc pas l’outrage de lier explicitement la référence)  

— J’ai une objection.

Au moins une objection, quoiqu’il soit difficile de choisir par laquelle commencer.

— Votre posture n’est pas du tout appropriée.

Ouais, autant débuter par le truc le moins important, tant qu’à faire hein ? Un modèle d’efficacité, ce Brendol.

— C’est la première chose qu’on est censé vous avoir appris non ? En fait, je vois même pas comment vous pouvez avoir eu… l’idée de conduire comme ça. Si vous voulez faire du gainage, pratiquez tranquillement chez vous, plutôt –je vous offre un tapis de fitness si c’est tout ce qui vous retiens.

Sérieusement, qui est le plus incompréhensible dans l’histoire, je vous le demande ???

A chaque phrase qui sort de la bouche de Malwina, Brendol passe au stade supérieur de « wtf ?? » ; ses justifications lui font découvrir des horizons totalement insoupçonnés et toujours plus enfoncés au cœur de la vaste contrée du mindfuck.

— Oui mais le skate c’est prévu pour être pratiqué debout, la voiture est prévue pour être assis… il me semble que les fauteuils sont quand même un indice fort…

Sentez dans ces points de suspension l’abyssal désarroi qui a pris possession de lui.  
Qui se creuse encore un peu plus à sa question finale (enfin au moins elle sait qu’il enseigne, ce qui semble déjà un petit exploit en soi).

— Je ne sais pas, mais il doit y avoir un prof d’espagnol à Volfoni, je lui demanderai si vous voulez.

Peut-être qu’il devrait changer totalement d’approche plutôt que l’encourager dans cette conversation.

— Bon, on va sortir un peu d’accord ?

Sans vraiment attendre de réponse, il ouvre la portière et fait quelques pas, juste pour savourer la joie d’être vivant (son cœur bat encore un peu trop vite).

Puis il s’arrête à côté de Malwina et, d’un ample geste du bras, lui désigne la voiture garée vautrée en travers de la route --heureusement que personne ne passe par ici.

— Dites-moi, qu’est-ce que vous voyez ?

A part les pneus qui sont quasiment tous à plat et en fait peut-être n’est-ce pas une si bonne chose que cette route soit si peu fréquentée…

— Moi, je vais vous dire ce que je vois, je vois – attention, il va sortir quelqu’un chose de totalement imprévu – oh, votre poule revient !

Cette diva s’est sans doute rendu compte que le rôle qu’elle avait joué dans l’histoire qui nous intéresse actuellement est bien trop mineur par rapport à l’enthousiasme débordant qu’elle a déclenché chez son public et s’est décidée pour un triomphant comeback.

Ou peut-être veut-elle simplement récupérer son œuf ; toujours est-il qu’elle attaque Malwina de violents coups de becs et de piaillements hargneux.

Brendol est bien trop occupé à rire pour intervenir.
Cette poule surexploite ses zygomatiques.

Voir Malwina choir (avec panache, bien sûr) dans le fossé coupe assez immédiatement le rire de Brendol.

— Ca va ???

Son problème principal est l’avenir de la poule donc oui, ça doit aller.

L’inquiétude reflue donc aussi sec.

Il envisage sérieusement l’adoption (de la poule, pas de Malwina, il sait où se trouvent ses limites) avant de secouer la tête.

— Je pense qu’elle sera beaucoup plus heureuse dans un champ de tournesols que dans mon appart.

Maintenant qu’il y réfléchit, peut-être que lui-même serait plus heureux dans un champ de tournesols que dans son appart alors il ne voudrait pas priver la poule de cet avenir radieux qui lui tend les bras.

Poule qui serait finalement un coq ?

Ca a l’air de beaucoup perturber Malwina (dur dur de revenir au monde réel entre toutes ces siestes, hein ?) mais lui se contente d’accepter la nouvelle d’un haussement d’épaules ; à la notable exception des chiens, il n’y connait foutrement rien en bestioles alors loin de lui la volonté de remettre cette affirmation en doute.  

— Ah ben, doublement non alors. J’ai déjà bien assez de mal à supporter mes quatre réveils tous les matins sans y ajouter un cocorico en plus.

Quatre réveils, oui. Les trois derniers sont de simples boosters motivationnels.  

Peut-être que la poule/coq a besoin de son propre booster pour se relever à son tour alors Brendol se penche pour lui donner l’œuf que Malwina lui a glissé pas-si-subtilement-que-ça dans la poche (il est loin d’être aussi stupide que certains ne peuvent le croire, n’est-ce pas)

Le gallinacé au sexe indéterminé lui file un coup de bec pour tout remerciement, avant de s’enfuir en piaillant.  

Sale bête. ça lui ferait presque regretter d'être végétarien, tiens

Dans un puéril espoir de faire refluer sa douleur, il suçote l’index qui fut attaqué (valeureux soldat tombé sur le champ de bataille, ton sacrifice ne sera pas oublié) tout en tendant l’autre main à Malwina pour qu’elle se sorte de son trou.

Si elle se met en tête d’y faire une sieste, ça va lui compliquer sérieusement la vie. 

En fait, ils se sont arrêtés en pleine faille spatio-logico-temporelle. Cela expliquerait qu’il n’y ait pas de réseau, aucun passage automobile, des poules qui se transforment en coq avant de redevenir poules, et surtout, surtout, cela expliquerait ces mois d’inaction totale.  

Peut-être ces champs sont-ils le Triangle des Bermudes local.

Depuis son emménagement, Brendol s’est promis d’aller visiter l’épave du Barracuda mais finalement il n’avait vraiment pas besoin de se donner autant de mal pour aller chercher du paranormal.
Il cligne des yeux trois fois afin de se défaire péniblement d’un engourdissement qui a saisi ses muscles trop longtemps immobiles.

Evidemment, c’est n'importe quoi. Malwina n'aurait pas attendu si longtemps. Volfoni ne pourrait plus… ne pourrait plus… organiser de concerts d’harmonicas sans elle ?

Il en est à son troisième et dernier clignement d’yeux lorsqu’icelle se met brutalement en mouvement. Il ne comprend même pas totalement la cause de toute cette agitation (son œuf, encore ??) mais toujours est-il que c’est bien trop brutal pour lui.  
Incapable de rattraper sa seconde de retard à la réaction, Brendol eut beau courir derrière la voiture, il fut laissé en plan.

— Et merde.

Il se retrouve donc paumé au milieu de nulle part. Sans réseau. Sans passage. SANS NOURRITURE. SANS EAU. SANS FEU --clairement la panique n’est pas loin      

Inspiration. Expiration. Réflexion.

Finalement, il vaut peut-être mieux être perdu ici que dans le véhicule d'une folle furieuse?

Quoique de toute façons, Malwina ne doit pas être partie si loin que ça, il entend rugir le moteur de sa voiture dont elle maltraite sans pitié l’accélérateur.
A avoir pourchassé de toute son ardeur un animal stupide l’élément perturbateur de ce rp, elle a tourné en rond comme lui. En fait, on peut la retrouver très facilement ; il suffit de suivre les ruines qu’elle laisse dans son sillage.

Ou alors c’est la Faille qui l’a ramenée à son point de départ.

Peu importe, Brendol ne sera pas obligé de rentrer à pieds, finalement. Chouette, hein.

— Eh, Malwina !!!

Il agite les bras comme un forcené pour attirer visuellement son attention.

— Quitte à avoir ruiné les fleurs –tout à fait honnêtement, il a envie de pleurer au chevet de ces pauvres tournesols innocents – j’espère que vous avez au moins rattrapé ce que vous pourchassiez ??

Afin d'éviter de continuer à s'égosiller inutilement, il s’approche d’elle en coupant à travers champs, extrêmement attentif à ne pas écraser le moindre tournesol supplémentaire.

— Wahou, mais il lui reste combien de pneus disponibles à votre voiture ?!

Un. Il en reste précisément un seul. Malheur. Enfer et damnation. Au secours.
Brendol fait un bouquet de quelques cadavres de tournesols pour oublier sa peine.