Kesstufouslà? [Robin Dubois & Adriel Lespérance]

Ça doit bien faire une vingtaine de minutes que Jiang et Crimson sont partis à leur entraînement de gym. Honnêtement, je suis bien content de ne pas faire partie d’un cursus sportif. Mes pratiques à moi, c’est de m’asseoir sur mon cul et de finir mes projets d’arts plastiques. D’accord, d’après moi, ça ne prend pas moins d’efforts. Je dessine et je peins pendant plusieurs heures à chaque jour, et ça, c’est sans compter le temps que je consacre aux dessins pour les tatouages que je dois réaliser pour mon travail. Mais au moins, je ne fais pas partie d’une putain d’équipe. Je ne comprendrai jamais comment mes colocs font pour fonctionner avec autant de gens dans le cadre de leurs études, mais eh, chacun son truc.

Je me mets donc au boulot, travaillant sur une demande qu’un client m’a faite au salon. Il s’agit d’une grosse pièce pour le dos – un crâne d’orignal style aquarelle avec ses bois entouré de fleurs parfois vives, parfois mortes. J’avoue que jusqu’à maintenant, je suis particulièrement fier de ce futur tatouage, et j’ai hâte de prendre rendez-vous avec le client afin de lui montrer le produit fini, et surtout, de le tatouer. Ça va être dément. Je n’oublie surtout pas d’augmenter le son de ma musique, du Opeth. Étant seul dans le bungalow, je peux me permettre d’écouter haut et fort du metal. Jiang et Crimson ne sont pas spécialement fans. Ils ne savent pas ce qu’ils manquent, franchement.

La pop, c’est de l’ordure médiatique. Ça me fait saigner des oreilles, mais eh, qu’est-ce que je peux y faire? Un peu tout le monde régurgite sans même y penser la merde que les médias nous envoient. C’est comme un human centiped à l’échelle de toute la société. Charmant, hein? Ouais, non, c’est dégueulasse, mais moins que ces films. Je me mets à l’étape délicate qu’est la couleur lorsque je crois entendre quelqu’un cogner à la porte par-dessus ma musique. J’hausse les épaules et je continue, concentré. J’ai sûrement rêvé. La plupart du temps, je travaille en noir et blanc, donc je veux vraiment réussir les couleurs sur ce dessin.

Ces temps-ci, j’essaie de sortir de ma zone de confort et tenter des techniques avec lesquelles je suis moins habitué, comme l’aquarelle. Dernièrement, j’ai même essayé les pastelles pour plusieurs projets en arts. Je sais, c’est dur à croire venant de ma part. Je sursaute légèrement lorsqu’on cogne plus fort encore. Non, finalement, je n’ai pas rêvé. Shit, qu’est-ce qu’on me veut encore? On peut pas me laisser tranquille deux secondes? Je baisse le son de  mon ordi, dépose mes crayons je vais ouvrir la porte avec un air franchement pas aimable. Pour une fois que j’suis seul dans le bungalow, j’adorerais qu’on me fiche la paix.

Je ne croyais pas que c’était possible, mais lorsque je vois qui se tient au pied de ma porte,  l’expression de mon visage s’assombrit encore plus. Sérieux? Robin? Tabarnak. Qu’est-ce qu’il fout là, lui? J’aurais préféré que ce soit Gandalf qui vienne toquer chez moi pour m’emmener dans une aventure épique avec une bande de nains. Franchement, y’a pas grand-monde dans tout Volfoni que j’aurais encore moins aimé voir en ce moment. J’oublie l’anglais pour l’instant, et même le français correct.

-Quess’ tu crisse là, toi?

Robin n'avait pas exactement d'état d'âme. Jiang et lui avaient couché ensemble à nouveau alors que Jiang ne voulait le faire au départ, mais Robin n'avait pas vraiment eu besoin de trop insister pour ça. Jiang l'avait presque supplié de le prendre alors qu'il venait à peine de l'embrasser. Non en fait il ne se sentait pas coupable du tout pour ça, il venait juste s'excuser pour la forme et pour s'assurer de rester en bons termes avec lui. En plus de ça, il trouvait ça injuste de la part de Jiang de réclamer de l'amour si Robin voulait coucher avec lui alors qu'il avait couché avec Adriel sans autres excuse que « j'allais pas bien et c'est mon pote ». Les gens étaient bizarres. Mais parfois, ils étaient excitant, ça rattrapait tout.

Il se présenta donc devant le bungalow que Jiang lui avait indiqué comme étant le sien et frappa à la porte. Il était presque sûr que le cursus gymnastique n'avait pas cours en ce moment et il espérait que l'asiatique n'était pas en train de traîner ailleurs avec des amis, ou de faire quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Il n'aimerait pas avoir à reporter les excuses, ça lui en coûtait déjà pas mal de devoir le faire alors qu'il l'avait crier de plaisir pendant toute une après-midi sans qu'il ai en plus à repasser plus tard.

Personne ne répondit, mais Robin entendait parfaitement de la musique à l'intérieur. Le genre de musique qui ne risquait pas de faire partie des goûts de Jiang. C'était pas son style les trucs de ce genre, d'après ce qu'il se souvenait. Car ouais, Robin avait quand même très bien connu Jiang, il ne se contentait pas de juste coucher occasionnellement avec lui, même si d'extérieur, c'était ce qu'on pouvait penser. Il frappa à nouveau, mais plus fort, se demandant quel genre de personne son colocataire pouvait être pour écouter ça.

Quand enfin on lui ouvrit, Robin faillit éclater de rire. C'était Adriel. L'air sombre. L'air pire que sombre quand il le reconnu, d'ailleurs. Ça faisait un moment qu'il ne l'avait pas vu et visiblement, celui-là était fâché contre lui pour une raison X ou Y. Alors c'était lui le colocataire de Jiang ? Ou bien Jiang s'était foutu de sa gueule juste pour le confronter à son « rival » ? Robin ne se considérait pas comme le rival d'Adriel. Première, parce qu'il se trouvait mieux que lui et deuxième, parce qu'il n'allait pas se battre pour coucher avec quelqu'un avec qui il l'avait déjà fait au moins des centaines de fois. Contrairement à son vis-à-vis, Robin fit un grand sourire.

-Salut Adriel, qu'est-ce qui se passe, t'as avalé un piercing ou quoi ? Je viens voir Jiang, faut que je m'excuse. Il m'a dit qu'il habitait ici. Je savais pas que t'étais son coloc, il est là ? Demanda-t-il.

En fait, la seule chose qu'il enviait à Jiang, c'est que lui au moins devait savoir tout ce que cette langue pleine de promesse avait à offrir. Adriel n'était pas le genre de personne avec qui il couchait habituellement, déjà parce qu'il préférait tout de même les filles et ensuite parce que des gens qui se coupaient la langue juste pour le fun, il n'y en avait pas des masses, à Volfoni. Surtout en Floride.

-T'as pas l'air ravi de me voir, est-ce que je t'ai offensé sans le savoir ? Il haussa un sourcil.

Beaucoup de gens faisaient la même tête en le voyant, mais en général, il y avait une bonne raison. Il avait couché avec par exemple, ou alors il avait couché avec son ou sa copine ou copain. Adriel, ils avaient juste prit un verre ensemble et Robin avait trouvé qu'ils s'entendaient plutôt bien. Le courant passait. Mais Robin avait eu autre chose à penser lorsque le toit c'était effondré. Son cousin était mort, après tout.

Si ça ne tenait qu’à moi, je claquerais la porte à son visage arrogant et je continuerais mon travail comme s’il n’avait jamais existé. Mais merde, j’ai promis un truc à Jiang. J’ai promis que j’allais lui parler, parce que l’Asiat’ n’a pas assez de couilles pour le faire. En plus, j’ai de bonnes raisons de croire que ça ne va servir à sweet fuck all. Il voudra rien entendre. J’en ai croisé des dizaines, des mecs comme lui. Ils sont tous sûrs qu’ils détiennent la vérité absolue, qu’ils ne sont jamais dans le tort. Ça va être comme faire la discussion à un mur. Et le pire, c’est qu’à quelque part, je le comprends. Si c’est pas frustrant, ça! Jiang est naïf, presque trop facile à jouer avec – même si ça n’excuse pas le simple fait que Robin en ait profité. Je soupire bruyamment et fais des efforts colossaux pour adoucir mon expression. Si je dois lui parler, vaudrait mieux que je ne m’énerve pas immédiatement.

Je n’ai pas une dent contre lui seulement à cause de Jiang. J’avoue, je ne suis pas à ce point une bonne personne, il y a un peu d’égoïsme là-dedans. Enfin, si je peux le dire comme ça. C’est ça, rester en retrait de tout le monde. La masse entend toutes les conneries du monde sur toi, mais t’entends pas celles à propos des autres. Et certaines sont véridiques. Alors moi, le con, j’adresse la parole à des gens qui ne l’auraient même pas mérité. J’aurais immédiatement su comment est  Robin. Aucun respect pour les gens. Il les considère tous comme des potentiels trophées sexuels, des objets à utiliser. En plus, je suis convaincu qu’il n’y voit aucun mal. Le hic, c’est que je déteste qu’on ne me prenne que pour un freak avec qui on pourrait clamer qu’on a baisé et non un être humain à part entière. On m’a assez pris pour une bête de foire dans ma putain de vie, j’suis pas partant pour un nouveau tour.

-Non, il a une pratique en gym. J’crois qu’sa prof en a changé les heures. Y’a que moi.

Ouais, c’est ce que je disais. Petit con. Qu’il fasse pas semblant qu’il ne sait pas au moins que je suis en pétard en partie à cause de l’histoire avec Jiang. Et après, s’il en a l’occasion, il va sûrement tout me foutre sur le dos.

-Malheureusement, j’ai rien avalé d’la sorte. J’me suis seulement fait déranger par un con pendant que j’travaillais.

Un autre soupir, un peu moins bruyant cette fois. Tu vas te calmer, hein, mon p’tit Adriel? On ne part pas une discussion sur des bonnes bases en disant ça. Bordel, c’que c’est dur d’être agréable.

-De toute façon, j’ai quand même deux mots à t’dire. Tu veux bien entrer? Promis, c’est pas un plan pour t’assassiner froidement loin de potentiels témoins.

Ça aurait pu. Ça aurait été drôle, mais malheureusement, contrairement aux rumeurs, j’ai jamais tué personne. J’ai déjà fracassé quelques mâchoires, mais rien de plus. Je laisse la porte grande ouverte et je vais m’asseoir à ma table à dessins. Elle prend beaucoup de place dans le bungalow, mais à quelque part, je n’avais pas trop le choix. Je ne peux pas toujours dessiner dans les locaux du campus. On a des devoirs et du temps donné pour finir nos projets hors des heures de cours. Je ne prends même pas la peine d’éteindre la musique qui, de toute façon, n’est pas très forte. S’il déteste le metal, peut-être que ça va un peu l’emmerder. Qui sait. Ça serait déjà ça de pris.

Robin fronça les sourcils. Les horaires avaient changé ? Salauds de gymnastes, ils lui avaient raconté des cracs. Peut-être qu'ils lui en voulaient aussi à propos de Jiang. Très sincèrement, cette histoire l'ennuyait. Il n'avait jamais promis l'amour éternel à Jiang, ne lui avait jamais ne serait-ce que dit qu'il l'aimait et surtout, il ne lui avait laissé aucune de ses illusions. Il s'était mis dans la merde tout seul en tombant amoureux et c'était lui, Robin, qui payait les pots cassés.

L'avantage, c'est qu'Adriel était tout seul, remarque. Avec un peu de chance, ou beaucoup de chance, il pourrait le convaincre de rester un peu et s'il s'y prenait bien, ils coucheraient ensemble. Robin ricana intérieurement. Même pour lui, c'était avoir trop d'espoir. Adriel avait l'air de lui en vouloir pour une raison qui lui échappait. En tout cas, c'est ce qu'il en avait déduit lorsqu'il s'était fait traité de con.

Il haussa un sourcil en croisant les bras. Il n'aimait pas qu'on l'insulte et surtout pas gratuitement, mais il ne pouvait pas se permettre de le frapper. En plus de ça, il se ferait mal avec tout ces piercings. Il ne souriait plus non plus. Il songea qu'il faisait un peu moins le malin que lorsqu'il avait une batte de baseball maculée de café brûlant entre les mains.

-Au lieu de me traiter de con, explique moi un peu ce que je t'ai fais. On s'est pas reparlé depuis des lustres, pourquoi tu m'insultes ?

Lorsqu'il l'invita à l'intérieur, Robin n'hésita pas et passa la porte. Il regarda un coin de la chambre et reconnu directement les cinquante paires de chaussures à talon qui était alignées contre un des lits. Est-ce que c'était la chambre de Crimson aussi ? Toujours aussi bordélique ce gars. Enfin, ce concept. Il n'avait du gars que les bijoux de famille.

-Mouais, je me méfie, si je me souviens bien, t'aime bien faire des sacrifices dans ta chambre.

C'était une référence à leur première conversation, allez savoir s'il allait s'en souvenir. Robin resta debout et regarda autour de lui pour repérer les lits. Il voyait parfaitement qu'il y en avait un qui appartenait à Crimson, son ancien colocataire, mais les autres ? Le lit plein de bordel devait être celui d'Adriel et le dernier à Jiang. C'était pas cool une chambre à trois, enfin, pas vraiment pratique. Si jamais on voulait être tranquille à deux, il y avait deux chances sur trois que l'un des colocataire revienne. Ou alors il faut installer un système, comme le coup de la cravate sur la porte.

-Alors, tu voulais me dire quoi ?

Robin haussa un sourcil. Bizarrement, il sentait qu'il allait s'en prendre plein la gueule. Pas de Jiang, un Adriel furieux, un message à passer et un triangle non pas amoureux mais totalement sexuel ? Ça sentait pas bon. Pas pour lui en tout cas. Il passa les éventualités en revue. Est-ce qu'il allait lui dire de ne plus jamais s'approcher de l'asiatique ? Qu'il était un salaud et qu'il lui avait du mal ? Le grand classique du « tu as trahi sa confiance » ? Ou du « mais il t'aime vraiment, pourquoi tu ne peux pas l'aimer aussi ? Pourquoi le faire rentrer, aussi ? Il aurait pu lui dire tout ça dehors non ? Remarque, Adriel avait l'air de le faire rentrer à contre cœur. Il devait y avoir un truc plus profond là-dessous.

J’te traite de con parce que c’est ce que t’es. Non mais sérieux, il n’a même pas une toute petite idée de la raison pour laquelle sa gueule me revient pas? Il fait par exprès d’être aussi lent à la détente? Ça doit être vachement bien d’être sûr de soi-même au point où reconnaître ses torts et ses défauts devient complètement futile. Miraculeusement, je me la ferme et je tente de plaisanter.

-M’ouais, bof, y’a pas assez d’place là-d’dans. J’dois abandonner les sacrifices pour l’instant. C’est triste, hein?

Le bungalow serait sûrement beaucoup plus spacieux si je ne le partageais pas avec Jiang et Crimson – probablement les deux seuls mecs de l’académie qui trimballent l’équivalent d’un magasin pour femmes à grande surface avec eux. Bon, d’accord, j’exagère, mais le contraste est quand même là : je peux faire entrer tous mes vêtements dans la même commode et laisser des tiroirs libres. J’ai quatre paires de chaussures et je trouvais que c’était trop avant de voir la collection de Crimson. Putain. Mais j’avoue que mes livres, mes CDs et mon matériel pour dessiner prennent leur grosse part d’espace, donc je leur pardonne. On ne dépense tout simplement pas notre argent pour les mêmes trucs.

J’avais presque oublié l’existence de Robin dans ma chambre avant qu’il me demande ce que je voulais lui dire. Je reporte mon attention vers lui, pensif. En réalité, je n’ai jamais songé à ce que je pourrais bien dire une fois que je le verrais. Je me disais que j’allais seulement l’engueuler pour faire sortir la pression, et je dois avouer qu’en ce moment, bien que je sois toujours furieux, je reconnais que ce n’est pas en beuglant des insultes que je vais faire entendre mon point de vue. Dommage.

-Bon, en fait, c’est surtout de la part de Jiang. Il veut que j’te parle parce qu’il a pas assez d’couilles pour te l’dire, donc ça passe par moi. En gros, il veut juste que t’arrêtes de lui parler pendant un p’tit bout t’temps pour qu’il se remette de tout ça. Te pose pas d’questions s’il t’évite.

Là, il va sûrement penser que je l’ai poussé à prendre cette décision, qu’en fait, ça vient carrément de  moi. J’avoue que je lui ai donné l’idée, mais c’est Jiang qui a approuvé et qui, du coup, m’a collé à la tâche. Je soupire une nouvelle fois. Je déteste qu’on m’appelle à la rescousse lorsqu’il s’agit d’amour. C’est toujours moi qui finis par dire les choses pour lesquelles les autres n’ont pas assez de couilles. Et après, qu’on me dise surtout pas que j’suis pas gentil. Je pourrais refuser, tout simplement.

-Personnellement, j’m’en branle que vous vous voyiez ou non. C’qui finit par m’énerver, c’est qu’aussitôt que Jiang te croise ou te parle, il revient en pleurant comme une madeleine. Et les torrents de larmes, ça, je gère mal. J’ai beau ne pas du tout comprendre comment il peut ben faire pour tomber amoureux en un claquement de doigts, j’tiens à lui pis j’en ai assez qu’il ait mal pour absolument rien. Parce qu’on s’entend, on dirait qu’il fait par exprès : il va s’enticher d’toi. On fera pas semblant qu’il connaissait pas au moins ta réputation.

Je marque une pause pour fermer complètement la musique et penser à ce que je vais dire ensuite pour ne pas gueuler. Et ça, c’est sans compter le fait que je n’ai pas du tout envie qu’il croie que je lui donne raison. C’est bien la dernière chose que je ferais.

-Il a été tellement naïf que c’en est stupide, c’est vrai. Mais t’sais quoi? C’est pas comme si, de ton côté, tu savais pas ne serait-ce qu’un peu à quel point il est fragile et émotif. C’est pas comme si t’en n’avais pas profité, en plus. Mais hey, j’ai pas fini. Ça pourrait s’annuler parce que vous êtes tous les deux crétins, mais entre le naïf trop mou et le gars qui profite dudit naïf trop mou, celui qui est le plus dans l’tort, c’est le profiteur. Dans c’cas-là, t’es le profiteur. J’dis pas c’est d’ta faute pis juste de ta faute, mais mettons que c’est à peu près soixante pourcent de ta faute. Ou cinquante-cinq pourcent, si t’es pas content. Tu peux pas t’attendre à c’que tu sois pas le salaud dans cette histoire-là.

Tiens, je m’impressionne. Mes paroles ont été quasiment politiquement correctes. Le ton de ma voix a été normal, aussi calme que d’habitude. Je mériterais une médaille.  

-Très triste.

Robin lui sourit vaguement et cherche un endroit ou s'asseoir avant de se décider pour le lit de Crimson. De toute façon, il avait déjà baisé dans son lit et pas forcément avec lui, d'ailleurs. Il ne pu empêcher un léger tressaillissement de ses lèvres en y repensant. Il n'avait plus de contact avec Crimson depuis l'incident et il avait cru comprendre que Crimson souhaitait l'oublier. Entre lui, Adriel et Jiang, ils allaient bientôt pouvoir accrocher une banderole à leur bungalow « JE HAIS ROBIN DUBOIS » et en sous titre « mais j'ai tout de même envie de le baiser ».

Pendant qu'il prend ses aises, Adriel à l'air pensif. Il ne semble pas savoir par quoi commencer. Bon alors, il devait lui parler oui ou non ? Autant ne pas y aller par quatre chemins, d'habitude le Canadien était plus direct. Tiens d'ailleurs, les Canadiens n'étaient pas censés tous être très gentils ? Quoi que lui-même était français. Paris, le romantisme, tout ça... c'était pas vraiment d'actualité non plus. Comme quoi la nationalité ne fait pas l'homme.

-Tiens donc.

Alors c'était de la part de Jiang. Jiang qui l'avait orienté exprès ici pour qu'il tombe sur Adriel qui pourrait lui dire ses quatre vérités tandis que l'asiatique serait tranquillement autre part, l'esprit tranquille et à l’abri du méchant Robin qui ne cherchait qu'à le séduire et à le faire souffrir à coups d'orgasmes et de plaisir intense. On se moquait de qui, là ? Il leva les yeux au ciel à la mention de sa réputation.

-J'y suis pour rien s'il est tombé amoureux de moi. Il était parfaitement heureux que ça ne soit que du sexe, au début. Et j'y suis pour rien s'il vient pleurer dans tes bras. Enfin j'ai cru comprendre qu'il faisait pas qu'y pleurer, donc j'imagine que t'as trouvé la solution pour le consoler.

Jiang n'avait pas de jugeote. Il pleurait à cause de lui, vraiment ? Il ne savait pas ce qu'il voulait. Robin n'avait presque rien demandé la dernière fois. Il lui avait fait un sourire, une caresse et pouf ! Jiang lui était tombé entre les bras en lui demandant encore et toujours plus. Bien sûr, il lui avait donné ce qu'il voulait. Eh ! Qui était-il pour refuser ? Jiang était beau et savait se montrer particulièrement convaincant, sans parler de son expérience dans un lit. Oui, vraiment, il ne voyait pas comment il aurait pu lui refuser quoi que ce soit.

Adriel coupe la musique et Robin se redresse mieux sur le lit de Crimson sur lequel il était affalé. En général ça sentait pas bon. Puis, le speech commença et Robin leva les yeux au ciel en s'allongeant sur le lit, les mains derrière la nuque. Et voilà. Ça recommençait. Et blabla Jiang était sensible, et blabla Robin aurait du faire attention à lui et blabla c'était lui le plus coupable des deux et blabla qu'il n'était qu'un putain de profiteur... c'était agaçant à la fin ! Comme s'il avait tout à se reprocher et les autres rien !

-Eh bien non, j'en ai pas profité. Jiang est un grand garçon. Enfin. Garçon. Jiang est grand, il sait se dire non s'il veut pas les choses. S'il savait que ça lui ferait mal, c'est stupide de venir me chercher et roucouler devant moi pour que je finisse par lui donner ce qu'il veut, c'est à dire un peu d'affection et un peu de sexe. Je vois pas en quoi je suis un profiteur ou un salaud quand quelqu'un me fait clairement comprendre qu'il me veut et que je me donne. Jiang m'a supplié de le prendre. Je l'ai prit. C'est tout. S'il voulait un résultat différent, il n'avait qu'à me demander un autre truc de réalisable, même si ça n'aurait sans doute pas été aussi agréable. Et je pige même pas pourquoi il est venu pleuré après avoir eu exactement ce qu'il voulait.

Les gens étaient bizarres. Pourquoi est-ce qu'ils réclamaient des trucs qu'ils ne voulaient finalement pas ? Robin savait ce qu'il voulait, il le prenait, il l'utilisait, puis quand il se lassait, il le jetait, c'était aussi simple que ça !

-Bref, en tout cas je vois pas en quoi TU devrais me traiter de con pour cette histoire qui te concerne pas franchement. Elle est passée où la diplomatie des Québécois ?

Il était en manque de sirop d'érable ou quoi ?

Et voilà, aussitôt qu’il ouvre la bouche, je regrette instantanément d’avoir accepté de lui parler. Attends, j’ai vraiment cru qu’il allait être raisonnable? Lui? C’est moi qui suis naïf, maintenant. J’ai envie de lui offrir mon expression la plus mortellement neutre en applaudissant ses propos complètement stupides et égocentriques. Et vas-y que, à son tour, il met toute la faute sur Jiang. Robin ne peut pas comprendre que ceux qui ont des sentiments hein – donc pas lui – ne deviennent amoureux sur commande, et parfois, ça tombe sur la mauvaise personne. Bien sûr que Jiang savait que le Français est un pur connard. Le problème, c’est que les sous-merdes de son genre on étonnamment des qualités et les font bien valoir tout en tirant sur vos cordes sensibles. Je pousse un soupir exaspéré. Ce gars est une légende du monde des douchebags.

-Si on tombe amoureux, c’est pour une raison, même si elle est conne. Donc ouais, t’y es pour quelque chose. Et c’est sûrement pas à cause de Freddy Krueger qu’il est v’nu chialer, donc encore une fois, ouais, t’y es pour quelque chose. C’est magique, avoir la capacité de tout nier, hein? Oh, pis la raison pour laquelle on a couché ensemble est vraiment pas d’tes criss d’affaires.

Je commence sérieusement à m’énerver, et si ça continue, rien ne bon va sortir de notre discussion. Enfin, si on peut appeler ça comme ça. Parce que pour discuter, il faut que l’interlocuteur soit ouvert. Lui, il est aussi fermé qu’un anus de mec hétéro. Je me force intérieurement à me calmer. Dans ma tête, je l’ai déjà tué dix fois. Je l’ai dépecé pour le domper dans le désert en regardant les vautours bouffer sa chair pourrie. Est-ce qu’il sait au moins dire une seule chose sensée?  Shit, je fumerais une clope, moi.

-Justement, Jiang sait pas dire non, surtout quand il aime quelqu’un. Avec lui, c’est toujours oui. À force de traîner avec, j’pensais qu’tu l’avais compris, mais on dirait que non. Tu connais sûrement pas ça, mais comme n’importe quel humain, son esprit, son cœur pis son corps lui criaient des choses différentes, et t’as dirigé sa décision. Tu peux vouloir baiser quelqu’un tout en sachant que c’est la pire idée ever, pis le faire quand même. Est-ce que c’était ce que tu voulais? Oui et non. Donc non, c’est pas ce qu’il voulait, mais des fuckings émotions, c’est l’truc le moins logique au monde. T’es capable de comprendre ça? Non, sûrement pas, j’sais même pas pourquoi j’te le demande.

Wow. Je donne des cours sur les émotions, moi, hein? J’ai trouvé quelqu’un d’encore plus insensible que moi. Comme quoi, y’a toujours pire que soi dans le monde. Je continue à écouter la merde qu’il déblatère à contrecoeur. Et puis, quoi, encore? Ça ne me concerne pas? Quoi? Il ose dire ça?

-Quoi? Comment ça, ça me concerne pas? Pis quelle diplomatie? Depuis quand j’suis supposé être diplomate? Ça me concerne, pis pas juste un peu. J’suis le gars à qui Jiang dit tout. À la fin de la journée, il me raconte tout, il peut même pas me cacher une p’tite connerie inutile. J’avoue que j’suis pas la personne la plus compatissante du monde, mais c’est mon ami. Comment tu veux que réagisse quand j’suis le premier sur qui il vient brailler?

Je me lève, trop en rogne pour rester immobile une seconde de plus. Je fais les cents pas quelques secondes avant de me lasser et de m’appuyer contre la porte. Je fais rien pour déplacer les mèches de cheveux qui tombent devant mes yeux.

-Non, en fait, j’ai menti, je m’en branle pas que vous vous voyiez. Juste pour éviter encore de la merde qui draine inutilement le peu d'énergie que j'ai, je l’empêcherais même de te regarder pendant le reste de ses études.  Mais j’suis qui, hein, sûrement pas son père. Donc qu’il décide lui-même pendant combien de temps il veut t’éviter, pis après, qu’il fasse ce qu’il veule, mais il ira pleurer sur quelqu’un d’autre que moi. Tout ce qu’on demande, c’est que tu coopères pendant un temps, parce qu’il a ben beau ne plus vouloir te voir, il contrôle pas ta volonté. Comme j’ai dit, c’est juste le temps qu’il aille mieux. J’compte sur l’infime partie d’toi qui a du bon sens et un semblant d’affection pour lui. Ça va lui simplifier la vie.

Enfin, si seulement cette partie de lui existe, parce que j’en doute fortement. J’suis sûr que c’est comme le Père Noël :on nous faire croire que ça existe. Je sais pas comment je fais pour persister à rester calme. J’ai juste envie de péter sa tête à répétition sur le plancher jusqu’à ce que ça pisse le sang.

Robin le regarda avec un certain ennui parler de Freddy Krueger et de la capacité de tout nier. Il n'avait rien nié, il avait juste dit exactement ce qu'il pensait. Jiang voulait quelque chose, il le lui avait donné, puis Jiang l'avait regretté. Pire qu'une femme, une vraie girouette. Robin aimait beaucoup Jiang, mais il devait avouer que depuis quelques temps, il était devenu vraiment agaçant avec ses histoires de sentiments et de choses comme ça. Comme si on avait besoin de ça pour bien s'entendre et passer du bon temps, même sans forcément coucher systématiquement !

Il sentait que Adriel n'aimait pas ses réponses et qu'il commençait à lui courir sur le haricot, mais cette situation amusait Robin. Adriel avait autrefois été quelqu'un avec qui il aurait aimé coucher, cependant Robin avait un peu oublié son ami depuis l'accident et les drames qui en avaient résulté. Deux morts et deux blessés. L'addition à payer était lourde pour Volfoni. À présent qu'il était à nouveau confronté à l'artiste ténébreux, Robin sentait poindre une nouvelle pointe d'envie. Surtout qu'il avait prit comme une offense personnelle le fait que Jiang ait pu coucher avec Adriel et pas lui.

-Mouais je comprends à peu prêt ce que tu veux dire à propos des émotions et tout ça et j'ai déjà dit à Jiang que je ne l'approcherais plus si c'était ce qu'il voulait. À la base je voulais juste prendre de ses nouvelles, ça a dégénéré c'est tout.

Il disait ça sans une once de regret ou de culpabilité. Comme s'il allait commencer à se sentir coupable pour faire l'amour à qui il avait envie, quand il le voulait.

-C'est juste dommage de perdre un ami tout ça parce que Jiang ne sait pas se retenir de me tendre les fesses... déclara-t-il avec nonchalance, comme s'il s'en fichait, en suivant du doigts les motifs du draps de Crimson.

Il voulait pousser Adriel à bout. Il préférait encore de la haine à de l'indifférence et pour le moment, Adriel avait l'air d'être vraiment remonter. Pour Robin, ça ne tarderait sans doute pas s'il continuait à être aussi furieux, mais d'une autre façon.

-Et c'est moi le salaud ? Moi je me contente de lui donner ce qu'il demande, de passer du temps avec lui, de m'inquiéter véritablement pour lui et toi tout ce que tu souhaites c'est te débarrasser enfin de lui et de ses pleures et de ses secrets honteux. Du coup tu te mets en colère contre moi parce que c'est plus facile que de s'énerver sur un Jiang qui a eu. Exactement. Ce. Qu'il. Voulait.

Robin se leva également lorsqu'Adriel se leva et réprima un sourire. Cette situation l'amusait réellement. Il se demandait si Adriel essayerait de le frapper. Peut-être que oui, ça serait amusant. Adriel avait bien plus de points faible que lui, rien qu'avec tout ses piercing, mais il avait aussi des chaussures à l'aspect plutôt douloureux, donc il faudrait se méfier des coups de pieds. Enfin, s'ils en arrivaient là.

Quand Adriel alla s'appuyer contre la porte, Robin se dit à quel point ça serait agréable de venir se coller à lui, de l'embrasser, d'enfin savoir ce que ça faisait de sentir cette langue sur lui et de parcourir son corps tatoué avant de le prendre brutalement contre la porte. Adriel était sexy à sa manière, une manière qui n'avait rien à voir avec celle de Robin. D'un autre côté, Robin finissait invariablement par trouver n'importe qui sexy. Il s'avança vers Adriel avec un demi sourire, rien que pour voir sa réaction.

-Je n'irais plus le voir si c'est ce qu'il demande, mais je ne pourrais pas non plus l'éviter dans les couloirs ou faire exprès de l'ignorer quand je le croise. Et il ne faudra surtout pas compter sur moi pour lui refuser quoi que ce soit si par erreur on se retrouve quand même et qu'il me fait comprendre qu'il me veut encore. Tu me connais, je ne peux pas résister...

Robin vient d’entrer dans un cercle un peu con. Il essaie de dire ce que je voudrais entendre. Essaie. Mais il finit quand même par avouer ce qu’il pense vraiment, donc ça s’annule. Tout s’annule. Pendant un instant – pas plus que quelques secondes – j’ai presque cru qu’il allait foutre la paix à Jiang. Presque.  Allez, vas-y, pousse un peu, c’est quasiment ça. Il manque seulement de la bonne volonté, mon pauvre. Le problème, c’est que tu t’en fiches royalement. Est-ce que je peux douter sérieusement du fait que cette ordure considère Jiang comme son ami? Qu’il puisse réellement considérer quiconque comme un ami plutôt qu’un nouveau truc pour foutre son pénis dedans? Je préfère me la fermer. J’ai fini de faire la morale dans le vide. De faire la morale tout court. À lui et à Jiang – enfin, lui au moins écoute ce que j’ai à dire. Contrairement à l’autre.

-M’ouais, très dommage. Une tragédie, que je lâche sarcastiquement.

Je croise les bras en le toisant. Y parait que c’est le signe psychologique d’une fermeture à la discussion. Eh ben soit. J’ai plus envie de prendre sa bullshit. Ce mec est le pur produit parfaitement inconsommable d’une société encore plus ordurière que lui. Le parfait exemple de ce que j’exècre – ou presque, parce qu’il y a toujours pire que soi. Et pourtant, mes poings ne me démangent même plus de le frapper. Non. Je suis las. Je suis fatigué. Que sa jolie tronche se fasse défigurer me ferait plaisir, aucun doute là-dessus. Mais pas par moi. Je me tiens loin de tout ça. J’écoute donc d’une oreille distraite la merde qu’il déblatère, pressé d’en finir, jusqu’à ce qu’il prononce des mots que je n’avais pas envie d’entendre. Je me retourne vivement. Si je pouvais tuer avec mes yeux, même sa mère ne reconnaîtrait plus son cadavre.

Le problème, lorsque je parle avec ce genre de personnes, c’est que contrairement à eux, je reconnais aisément que j’ai des torts et des défauts parfois horribles. Ils sont tellement habitués de foutre leur tête dans leur merde et de se convaincre que c’est de l’or que, lorsque quelqu’un les confronte à la réalité, ils ne voient que leurs propres mensonges. Moi, cette merde, ces cadavres, je les enferme dans un placard isolé. Parce que je ne sais que trop bien qu’ils existent et qu’ils me hantent. Donc lorsqu’on me met le nez dedans, je ne peux que reconnaître. Me détester. Parfois, je me dis que ce serait plus facile d’être aussi idiot que lui. C’est connu. Qui pense trop est malheureux, et les idiots sont heureux. Le bonheur, c’est avoir la tête vide.

Je sais parfaitement que mes intentions sont beaucoup moins louables que ce que je laisse paraître. Oui, j’ai envie que Jiang aille mieux. Bien sûr que c’est ce que je veux. Mais je me connais, ce que je chéris le plus au monde, c’est ma propre tranquillité. Mon sang ne fait qu’un tour. Robin a dit la vérité sur moi, peut-être même sans le savoir. Je me sens bouillir à l’intérieur. Je suis parfaitement égoïste. Et le pire, c’est que je suis très bien dans mon égoïsme. Dans mon hypocrisie. Je considère que j’ai trop de problèmes pour pouvoir aider convenablement quelqu’un sans y perdre toute mon énergie et péter un câble. Je laisse Robin parler dans le vide, je n’écoute même plus. J’le regarde même pas. Il n’obtient aucune réponse de ma part. J’ai juste envie qu’il me fiche la paix. Que le monde entier me crisse la sainte paix. Qu’on arrête de m’emmerder. Lorsque je le vois s’approcher de moi en souriant, je me redresse  et m’avance légèrement, le regardant dans les yeux. Moi, je ne souris pas. Je déteste cette comparaison trop flatteuse pour eux, mais ces mecs sont comme des prédateurs. Fuis, et ça les excite. Bon, dans certains cas, la confrontation fait exactement la même chose, mais j’y peux rien.

-C’est bon, j’en ai assez entendu. J’tirerai rien de plus de toi. J’dirai à Jiang que tu vas faire des efforts. Arrangez-vous.

Je mime les guillemets en prononçant le mot «effort».

Robin ne se laisse pas décontenancer par le mouvement d'Adriel. Lui-même s'engouffre dans son espace vital le plus naturellement du monde, bien trop prêt selon les standards de la bienséance. Adriel avait été un objectif pour lui pendant un long moment, mais après l'incident du toit et la mort d'Andrew, Robin avait légèrement oublié ses vues sur lui et sur la plupart des gens en général, surtout que Jiang n'avait pas été épargné par cet accident, l'inquiétant suffisamment pour qu'il s'en soucie.

Cependant, le revoir ainsi seul à seul, tentant malgré sa colère, lui rappelait à quel point il avait pu le vouloir à une époque. C'était le moment où jamais de tenter quelque chose avec lui, même si environs tout ce fichu contexte jouait contre lui. D'un autre côté, il y avait quelque chose d'étonnement intéressant à se lancer dans ce genre de plan visiblement perdu d'avance. Enfin, s'il s'était tapé Jiang, il n'y avait aucune raison que lui-même ne lui plaise pas.

-Tirer. Quel joli mot. Moi je crois que c'est le moment idéal pour « tirer » plus de moi, au contraire.

Cette fois, c'est Robin qui mit des guillemets imaginaires pour souligner le mot ''tirer''. Il avait légèrement détourné le sens premier du mot, mais ce n'était pas comme s'ils n'avaient pas déjà l'habitude de tout ça. Il posa l'une de ses mains sur le torse d'Adriel et le repoussa contre la porte en le suivant pour rester proche de lui. Il aimait bien qu'on lui résiste, voir jusqu'où il pouvait aller, quelle était la ligne rouge, puis la franchir sans penser aux conséquences. Tout ça n'était qu'un jeu. Après il se faisait recaler ou pas, mais ça n'avait pas grande importance finalement. Il y en avait toujours d'autres.

-Je peux faire des efforts avec Jiang. Ce n'est plus lui que je veux. Toi par contre tu me résistes trop et j'adore ça.

Robin sourit à nouveau et posa une main à côté de la tête d'Adriel. Il se demandait si ça lui était déjà venu à l'idée de coucher avec lui, pendant l'un ou l'autre de leur rendez-vous. Au début c'était assez bien partit pourtant, mais au bout d'un moment ça avait merdé pour une raison qui lui échappait. Peut-être Adriel s'était-il rendu compte que Robin avait des vues sur lui. Ou peut-être que tout était de la faute de Jiang.

Parfois Robin maudissait Jiang. Il lui faisait vraiment une sale réputation alors qu'à la base il n'avait jamais affirmé qu'il allait se contenter uniquement de sa personne jusqu'à la fin de sa vie. Il fallait bien changer d'air de temps en temps pour se rendre compte que la maison nous manque, non ? Jiang n'avait jamais comprit ça mais ce petit hypocrite était allé se consoler directement dans les bras d'Adriel.

Adriel qui était d'ailleurs tout aussi hypocrite. Il lui en voulait d'avoir couché avec Jiang sans rien derrière alors que lui se le tapait visiblement sans rien derrière non plus. Pire encore, il avait l'air de se plaindre de devoir coucher avec Jiang pour le consoler. C'était vraiment lui le salaud dans l'histoire ? Robin ? Non, Robin avait été honnête dès le début avec Jiang. Il n'avait jamais mentit à son amant sur ses fréquentations et l'avait même prévenu avant qu'il ne pourrait jamais lui être réservé. C'était de sa faute s'il avait décidé de tenter la partie malgré ça.

Robin se demandait quel genre d'amant Adriel avait été avec Jiang. Il se demandait s'il avait été au dessus ou en dessous. Il se demandait quel genre de choses il avait fait pour lui donner du plaisir et il avait vraiment envie de les connaître à son tour. Peut-être devrait-il demander un plan à trois avec Jiang, ça pourrait être amusant.