Le soleil vient doucement caresser son visage. La jeune femme fronce le nez et se retourne avant de s'enfoncer sous sa couette. Mais, son réveil sonne. Il est l'heure de se lever. Peut importe le peu de sommeil qu'elle a réussi à sauver de ses angoisses, il faut sortir des draps. Elle écarte les cheveux de son visage et touche sa lampe. Puis elle fait son lit. Puis elle le défait. Et le refait. Satisfaite, elle quitte sa chambre et arrive dans sa cuisine. La rousse touche toutes les LED des appareils électriques. Puis elle se fait un thé et des tartines de Nutella. Elle déjeune en silence, le regard fixé sur l'horizon. Elle a eu du mal à se faire à son nouvel appartement. Ce qui l'a convaincue, c'est la vue sur la mer. Ça et le bruit de la pluie sur le toit. Il y a des avantages à vivre au dernier étage.

Une fois habillée, et ses affaires prêtes, elle peut quitter son appartement. Elle vérifie une dernière fois toutes les fenêtres, toutes les serrures, tourne toutes les poignées puis sort de chez elle. À peine sur son palier, un doute la saisit. A t 'elle vérifier la fenêtre de sa chambre ? Elle n'a pas le temps de retourner voir, elle va louper son bus. Mais … et si elle avait oublié. Non. Ça va aller.
Elle descend jusque l'arrêt de bus, faisant attention à ne pas marcher sur les lignes. La ville est à la fois vide et animée. Le soleil n'est pas encore très haut dans le ciel, mais il ne fait pas froid. Attrapant l'appareil autour de son cou, elle commence à prendre des photos. Ce ne sont que des choses invisibles pour les autres. Et pourtant, elle,  les voit.
La tension quitte peu à peu ses épaules et elle oublie cette maudite fenêtre. Mais elle est interrompue par un caprice. Un enfant à côté d'elle pleure. Amy n'aime pas entendre pleurer les enfants. Elle n'aime pas entendre pleurer tout court. Ça l'a stresse. Ses mains commencent à trembler. Alors elle respire profondément et attaque à compter dans sa tête. 1. 2. 3. CLAC !
Elle ouvre les yeux et regarde à côté d'elle. La mère, excédée, vient de mettre une gifle à son fils. C'en est trop pour la Rousse. Elle tombe à terre, accroupie, la tête entre les mains. Elle hurle, hystérique. Des papillons dansent devant ses yeux. Des voix lui reviennent. Des voix qu'elle aurait préféré ne plus jamais entendre. «  Tu sais que je t'aime ma chérie. »
Puis tout devient noir.

«  Pourquoi t'es toute maigre Amy ? »
Pourquoi. Je t'en pose des questions ? Pourquoi tu vois pas ce qui est important ? Pourquoi tu vois pas mes cernes ? Pourquoi tu vois pas les bleus sur mes bras ? Pourquoi tu vois pas les larmes dans mes yeux ?
Une femme hurle, en faisant de grands gestes. Devant elle, une petite rousse se rapetisse à vue d’œil. Elle ne comprend pas les raisons d'une telle colère. Tout ce qu'elle a fait, c'est briser un verre, par accident. Puis une gifle part. La petite est en sanglot. Sa mère n'en fait rien, la prend par la main et la conduit vers un placard. L'enfant hurle et se débat, mais elle est trop faible. «  Tu sais que je fais ça pour ton bien, ma chérie. » Amy a peur du noir. Elle a froid. Elle veut sortir d'ici. Elle ramène ses genoux contre sa poitrine et pleure en silence. Son estomac gémit, mais elle l'ignore. Elle fixe le raie de lumière passant sous la porte, et les poussières qui volent. Que pourrait-elle faire d'autre ? Que pourrait-elle faire d'autre ?

«  Pourquoi t'es aussi pâle Amy, tu couvres quelque chose ? »
Est ce que j'ai l'air d'être malade ? Est ce que je tousse ? Pourquoi vous ne voyez pas ce sang qui entache mes vêtements ? Pourquoi vous ne voyez pas la poussière dans mes cheveux ? Pourquoi vous ne voyez pas comment IL me regarde ?
L'enfant a grandi. Enfin, elle a essayée. Sous nourrie, c'est compliqué pour son corps de trouver ce qu'il faut pour devenir une belle adolescente. Ce n'est donc qu'un sac d'os, pâle. Elle regarde l'homme qui lui présente sa mère. Encore un. Mais celui-ci a quelque chose de différent. Il pourrait bien rester.Elle scrute le moindre détail chez lui et s'attarde sur ses mains. Des veines courent le long de ses doigts et de ses poignets, dessinant de jolies lignes bleues pâles «  Enchanté Amy. » Un sourire, une main tendue. La rousse ne bouge pas, inexpressive. «  Désolée, elle fait ça avec tout le monde. Pourtant, je me suis tuée à l'éduquer. ». L'enfant tique mais ne dit rien, et préfère se concentrer sur les rainures du parquet. Quant à l'homme, il lui parlera encore et encore, essayant de briser la glace. Puis il lui fera des cadeaux. Puis il viendra la voir. Puis …

«  Pourquoi tu ne parles jamais, Amy ? »
Pourquoi, ça t' intéresse ? Pourquoi j'ai envie de vomir ? Pourquoi mon corps me brûle ? Pourquoi tu restes fixée sur la parole ? Pourquoi tu ne vois pas le reste ? Pourquoi tu ne m'aides pas ?

«  Pourquoi personne ne me voit, vraiment.
- Moi, je te vois. »

La jeune femme ouvre les yeux, surprise de voir autant de visages autour d'elle. Elle les repousse et se recroqueville dans le coin de l'abribus. L'un des pompiers essaie de la calmer. Il lui explique que tout va bien. Qu'elle a juste perdu connaissance. Eux, ils ne vont rien lui faire. Ils sont là pour voir que tout va bien. Ils lui posent les questions habituelles, mais elle ne répond pas et refuse de les suivre. Elle se relève, touche chacun des carreaux de son écharpe. Le refait. Le refait. Puis elle prend son bus, toujours sans un mot.
Arrivée devant le lycée, elle descend et attend. Franchir le pas lui fait peur. Et si elle n'était pas à la hauteur ? Pourquoi a t' elle accepté ? Pourquoi ont ils voulu d'elle ?
Elle se retourne et fixe devant elle. Amy cherche un détail, un petit rien qu'elle pourrait photographier pour se calmer. Des fleurs. Leur préférées. Elle traverse la route, se moquant du trafic et avance vers elles. Elles sont aussi douces que dans sa mémoire.

«  Moi, je te vois. »

La petite rousse est assise sur un banc, un livre sur les genoux. Elle regarde l'homme à ses côtés.  C'est à elle qu'il vient de parler ? Que lui veut-il ? Pourquoi a t' elle l'impression de le connaître ? Pourquoi il lui sourit ?
Effrayée, elle se lève rapidement. Mais il la retient. Elle se débat comme s'il était le démon et hurle, attirant l'attention sur elle. Il la lâche et essaie de la calmer. Elle se laisse faire, épuiser de toujours se battre. En vérité, elle n'en a que faire. S'il veut lui faire du mal, tant mieux ou tant pis. Ce ne sera qu'un de plus. Mais il n'en fait rien. Il vient doucement poser un baiser sur son front.

«  Ça va aller maintenant, tu n'est plus seule. »

Elle retrouve son calme doucement alors que l'homme lui explique qui il est. Paul. Son oncle. Le frère d'un père disparu et dont Amy ne garde aucun souvenirs. D'ailleurs, peut être qu'il se moque d'elle. Mais elle a envie d'y croire. Elle a envie de se savoir aidée, en sécurité. Elle n'en peut plus d'être seule. Elle veut s'en sortir. Elle veut vivre sa vie comme elle l'entend, et non plus sous le joug de sa « famille ».
Et il l'aidera en effet. Le vieil homme se battra pour récupérer la garde de sa nièce, dévoilant en plein jours la violence dont elle a été victime. Il l’emmènera ensuite s'installer avec lui aux Etats Unis, lui offrant un foyer et une famille aimante, sans pour autant l'étouffer. Paul est souvent en déplacement pour son travail. Et sa femme, Thea, lui laissera le temps qu'il lui faudra, ne voulant pas la brusquer. Et c'est elle qui verra le nom de Volfoni pour la première fois.

Amy respire le parfum des fleurs avant de les photographier. Elle leur enverra le cliché. Elle regarde le ciel s’assombrir et se demande s'il fait beau à New York. À l'heure qu'il est, Thea doit être en train de se préparer pour aller courir en ville. Et Paul est en déplacement en France. Pensera t' il a lui envoyer une carte postale ?
Une première goutte vient mouiller son front. La Rousse est surprise, pensant qu'il mettrait plus de temps à pleuvoir.
Elle rabat sa capuche et entre dans l'enceinte de l'Académie.

Amy est fragile, instable. Elle est comme un vase qui aurait cassé et qu'on aurait rafistolé avec du scotch. La prochaine fois qu'il cassera, il sera irréparable.
C'est de cette facette de sa personnalité que découlent toutes les autres. La plus évidente, ce sont ces tocs qui pourrissent sa vie. Elle est incapable de s'en défaire, au risque de paniquer.
Ensuite, la rousse est quelqu'un de très timide. Elle n'ira jamais vers les autres. D'ailleurs, certains la croient muette puisqu'elle ne parle pas. Il lui faut beaucoup de temps pour se faire apprivoiser par quelqu'un. Et si jamais, au grand jamais, vous essayez de la brusquer.... Sa réaction peut être très différente, allant d'une crise de tocs à une crise d’hystérie ou d'hyper ventilation. Ce dont vous pouvez être certain par contre, c'est qu'elle ne vous approchera plus jamais.
À cause de cette distance qu'ell­e met entre elle et les autres, certains pourraient penser qu'elle n'a que faire de ceux qui l'entourent. Ce qui est faux. Sous un masque le plus souvent inexpressif ou paniqué, la jeune femme s'inquiète beaucoup pour son prochain. Elle essaie de l'aider du mieux qu'elle peut.
La jeune femme est aussi une grande rêveuse. Une véritable artiste diront certains. Certes elle dessine, mais ce ne sont que des gribouillis. Ce qui est certain par contre, c'est qu'il lui arrive très souvent de décrocher d'une conversation car un détail, même minime, a attiré son attention. C'est ce qui fait d'elle une bonne photographe : elle sait voir ce que personne ne perçoit. Pour parler un peu de son talent pour la photo, Amy va se focaliser sur des petites choses. Ce peut être des fleurs dans un coin, un grain de beauté sous une oreille, la poussière dans un rayon de lumière.  En fait, c'est un peu comme si elle était restée une petite enfant, s'émerveillant devant chaque choses. Elle est aussi capable de rester des heures devant un paysage pour attendre LE moment qui lui permettra de prendre une jolie image.

Amy ressemble à une poupée de porcelaine. Le teint pâle, les lèvres roses et surtout cette masse de cheveux roux. Elle n'en prend pas vraiment soin, préférant les laisser libres. De toute façon, ils sont tellement raides qu'il y a très peu de coiffures qu'elle peut faire.
Sous ces mèches un peu folles, se cachent des yeux bleus clairs, magnifiques, mis en valeur par quelques tâches de rousseur, parsemées ici et là. La jeune femme ne se maquille pas. Ce que lui reproche sa voisine tous les matins dans l'ascenseur.
Le reste de son corps est enfoui sous une masse de vêtement, rarement à sa taille. Amy préfère que vous l'oubliez. Ce qui est peut paraître en désaccord total avec les couleurs qu'elle portera et comment elle les assortira. Mais elle a remarqué qu'en faisant de cette façon, les gens voient seulement ses vêtements et pas la personne dedans. C'est pourquoi elle évitera  de mettre en valeur le peu de forme qu'elle a. Car oui, même si elle mange un peu de tout et n'importe quoi, et ce à n'importe quelle heure, la jeune femme est maigre. On peut même voir ses os saillir par endroit.
Elle possède encore quelques cicatrices de son passé, notamment dans le dos. Si elle peut facilement les cacher, ce n'est pas le cas de toutes. L'un des doigts de sa main gauche est légèrement difforme. Et une drôle de cicatrice parcourt son cou, sous son oreille droite.
Enfin, Amy est tatouée. Elle s'est faite faire une réplique du Violon d'Ingres, son tableau préféré. Mais elle l'a quelque peu modifié, pour le personnaliser à sa façon