Hosanna [Neyja (inter forums) & E. Jordan B. Evans]

Jordan venait de plus en plus souvent à l'église, ces derniers temps.
Contrairement à ce que la plupart des gens pouvaient penser, il n'était pas protestant mais catholique et c'était bien là un détail dont personne n'avait rien à foutre à part lui-même. Pas que ça le dérangea vraiment mais l'inimité entre les différent courants chrétiens étant ce qu'elle était, il se permettait de regarder de haut les protestants qui s'étaient, à ses yeux, détournés de l'église pour "arranger" la religion à leur guise et se permettre des écarts qu'il ne cautionnait pas du tout. Non seulement ils avaient autorisé les femmes à faire le sermon mais en plus depuis la légalisation du mariage pour tous ils se permettaient même de marier les pédés devant Dieu.
Cependant, ce n'était pas pour pleurer sur la conduite de ses pairs que Jordan Evans était là mais bien pour pleurer sur la sienne. Il n'y avait que dans le silence imposé qu'il était capable de penser clairement et à sa guise, ce silence qui craquait des bancs rigides quand l'un des rares visiteurs s'asseyait ou des pas lents de ceux qui déambulaient près du chœur.
Il n'y avait qu'un guignol pour venir à l'église sapé comme un dimanche alors qu'on était mercredi. Il n'y avait que ce guignol, de cette espèce qu'il méprisait, qui se faisait beau pour la messe du soir, qui s'apprêtait comme pour un rendez-vous galant et qui parlait d'une voix grave et profonde à monsieur le curé pour impressionner et montrer Ô combien il était investi dans la vie paroissiale et voilà un petit don de rien de tout pour l'église parce que les gens aujourd'hui ne sont plus capables de nourrir les hommes bien blabla. Probablement même pas le dixième d'un prix de son costume avec lequel il achetait sa place au paradis.
A contrecœur, Jordan se leva et l'attrapa par l'épaule pour le pousser dehors en lui murmurant aimablement à l'oreille :

_ Si j'te r'vois encore v'nir pourrir mon espace visuel j'te jure que tu vas l'regretter sale lèche cul d'merde.

( HRP : écrit avec Neyja)

Neyja Anzkalevi était complètement paumé, le pauvre. D’un coté, on ne comprenait, essayez de passer des années 1950 à 2015 avec un changement de lieu en bonus et vous aussi vous seriez complètement dépaysé. Et ça durait depuis une semaine. Mais Neyja était un survivant, il avait réussi à rester en vie durant des années, sans adulte, pendant la guerre, et cette fois, c’était un peu la même chose. Personne pour le guider, alors il se débrouillerait tout seul, comme d’habitude. Ca finirait par s’arranger.

Un peu inquiet quand même, il se perdit en ville et atterrit près d’une église, monument immuable à travers les âges. Même si le jeune homme n’était pas catholique – disons que sorcellerie et religion ont rarement fait bon ménage – cette présence le rassura un peu, et il entra à l’intérieur pour réfléchir à sa condition et à ce qu’il savait. Une grande ville, des habitants, un style vestimentaire différent, des machines bizarres et une espèce de guerre. Neyja ne savait pas trop comment définir cela, ce n’était pas une guerre comme il l’avait vécu, c’était plus… des jeunes qui se tapaient parfois dessus mais le blond ne comprenait pas pourquoi. Ils étaient de la même race et habitaient presque au même endroit ! Aucune raison de se haïr ! Mais c’était dans la nature humaine, enfin toute les races quoi. Le curé arriva, et Neyja lui demanda quelques informations, notamment sur le jour et la date, puis s'éloigna après l'avoir remercié.

Une main sur son épaule le sortit brusquement de ses réflexions, ainsi qu’une douce parole soufflée à son oreille :

- Si j'te r'vois encore v'nir pourrir mon espace visuel j'te jure que tu vas l'regretter sale lèche cul d'merde.

Les gens d’ici étaient agréables. Il se retourna et regarda avec étonnement un jeune homme qui semblait avoir à peu près son âge avec l’air aussi sympathique et cultivé qu’une porte de tank. Neyja eu un instant de réflexion, le temps de décoder la phrase, mais même une fois ceci fait, il ne comprenait pas en quoi il gênait, il était juste… là, dans un lieu public de surcroît. Une seule explication : diantre, un teigneux. Oubliant qu’il ne pouvait pas se défendre grâce au Flux, il répondit sur le même ton, contrastant avec ses vêtements sans toutefois réussir à atteindre le niveau de vulgarité de son interlocuteur, reculant d’un pas pour se dégager de sa prise dans un mouvement de manteau élégant (et inutile mais c'est stylé) :

- T’as qu’à fermer les yeux et tu me verras plus.

Neyja toisa l’inconnu de ses yeux turquoises, ce n’était pas son genre de fuir.

HRP:

Ok.
Il le prenait comme ça.
Jordan était suffisamment respectueux de la maison du Seigneur pour ne pas vouloir s'y battre, aussi agrippa-t-il l'inconnu endimanché par le col de sa veste et le poussa-t-il vers la sortie. L'agitation de manqua pas d'attirer l'attention des fidèles présents et il s'en sentit un peu honteux mais qu'importait. Frapper sur quelqu'un lui viderait plus sûrement l'esprit qu'une heure de prière et il en vint à se demander si l'apparition de ce guignol ne venait pas en réponse aux siennes.

_ Marrant. Très marrant tu vois mais j'espère qu'tu sais t'battre aussi bien qu'tu sais causer tu vois.

Il ouvrit la porte d'un grand coup sec qui résonna violemment dans la nef et la referma derrière eux comme si la poignée avec été la mimine d'un marmot. Le parvis était encore un endroit un peu trop en vue pour se donner en spectacle à son goût ais il n'était pas sûr qu'un mec d'apparence aussi respectable que celui qu'il venait d'apostropher serait ravi de le suivre dans un coin sans témoin pour se mettre sur la gueule tranquillement.

_ Tu f'rais bien d'enl'ver ta veste monseigneur, j'me sentirais mal de t'faire un accroc.

(HRP : écrit avec Neyja)

Flûte ! Qu’est-ce que ce type avait ? Qu’est-ce que Neyja avait fait pour mériter ça ! Décidément ce n’était pas son jour, ou sa semaine et il fut poussé sans ménagement aucune vers la sortie. Dire qu’une semaine – et cinquante ans avant – il lui était quasiment arrivé la même chose. Des gros bras avaient voulu lui piquer sa bourse. Il supposa que c’était encore la même histoire, on le prenait pour un bourgeois et on voulait ses sous. EN PLEIN JOUR ? DEVANT TOUT LE MONDE ? Décidément, le malotru manquait de subtilité ou le monde était tellement pourri que ça ne ferait réagir personne. Soit.

- Ecoutes, si c’est mes sous que tu veux, saches que je n’ai pas l’argent de cette époque, si c’est mes vêtements que tu veux, on ne fait pas la même taille, si c’est la clef de chez moi pour me cambriolé que tu veux, j’ai trouvé refuge dans une bâtisse en ruine, et si c’est une rançon que tu veux, ma famille est morte. Alors épargnes toi cette peine et les ennuis qui en découlent.

C’est vrai qu’il ne possédait rien qui puisse intéresser le gros bras. Quand à la mort de sa famille… Bon, peut être que sa tante était encore en vie quelque part mais puisqu’il était soit dans un univers parallèle, soit dans le futur, c’était tout comme. Personne ne paierait. Mais Neyja envisagea que le type était sans doute comme une de ses connaissances hostiles, un gars qui aimait déclencher une baston juste pour le plaisir. Ou alors, il le confondait avec quelqu’un d’autre, et c’était un problème dû à cette guerre en ville. Etant assez peu confiant dans la capacité à se calmer de mister-teigneux-porte-de-tank, il se campa sur ses pieds, en garde, dans une posture qui dénotait quand même une certaine pratique.

Et si c’était se battre qu’il voulait, Neyja ne pleurnicherait point et, malgré son gabarit, pourrait bien lui donner plus de fil à retorde qu’un simple bourgeois. Mais l’autre prendrait-il vraiment le risque… devant tout le monde ? Devant les petits vieux se rendant/sortant à/de la messe, et les passants se rendant en ville ?

Pas de cette époque... ?
Jordan n'avait pas très bien compris mais il était bien trop occupé à être choqué par le fait que ce mec soit un SDF orphelin pour s'interroger plus avant sur les bizarreries du personnage. La seule chose qui n'était pas d'époque, c'était ses vêtements et Jordan eu un pincement au coeur en se disant que peut-être, cela découlait du fait qu'il soit orphelin et que c'était les vêtement de son père -voire de son grand-père - qu'il portait là. Ce qu'il y avait d'étonnant c'était qu'elles n'étaient pas très usées et assez peu sales pour quelqu'un qui vivait sans hygiène probablement depuis de longues années. Car pour Jordan Evans on ne devenait pas SDF, on était SDF parce qu'on naissait de parents SDF et on transmettait cette condition à ses enfants comme une tare génétique. C'était bien connu.
Il fit un pas en arrière avec l'idée en tête qu'il se trimbalait peut-être la rage ou des puces.

_ Ouah bah ça va t'excite pas, j'pouvais pas savoir mais t'as vu ta gueule sérieux, on croirait pas qu'tu fais la manche hein. J'ai pas d'sous sur moi mais s'tu veux y'a un refuge pour sans abris du côté de South Orange, j'peux... t'emmener, s'tu veux.

Il était trop bon.

_ T'es propres ça va ? Ils aiment pas trop les dégueux mais t'as l'air clean. Putain. T'as choisi ton jour pour apparaître toi. J'savais même pas qu'ça existait les clodos bobos tu vois.

Un petit silence gêné.

_ Toutes mes condoléances. Pour ta famille. Vraiment j'suis désolé.

(HRP : écrit avec Neyja)

De quoi? Hein? Le gars semblait avoir changé d'attitude subitement, ayant visiblement une gentillesse sélective selon la richesse des personnes. Neyja aurait aimé lui expliquer la situation, se confier à lui pour se soulager un peu de cette solitude dû à son état un peu particulier. Ce n'était pas facile tout les jours de tout porter soi même. Néanmoins un humain ne le croirait pas et le prendrait pour un allumé.

Neyja resta confu un instant ne sachant que dire. Il n'avait pas cherché sa pitié. Il comprit que dans ce monde, c'est vrai, il n'était qu'un SDF sans ressources. Et puis en quoi avoir fier allure était péjoratif ?! Monde de fous ! Ce jeune homme était bizarre mais peut-être pas foncièrement mauvais. Le blond repris une attitude plus décontracté et sourit, un peu tristement :

- C'est compliqué comme situation disons que...je viens d'un autre pays et me suis retrouvé là sans bagages ni connaissances. Quand je serais rentré ça ira mieux. Je vais resté dans ma planque encore un peu et si ça ne s'arrange pas... J'aviserais.

Il releva certaines paroles étranges de son interlocuteur :

- Comment ça pas le jour pour apparaître?

Cela lui fit prendre un air perplexe puis il tendit la main :

- Je m'appel Neyja Anzkalevi et toi ?

Il ignorait que celui crainte des maladies et devant ses condoléances.

- Merci, ne t'en fais pas ça fait longtemps.

Soudain il sentit une variation dans le Flux, son instinct lui souffla que, dans peu de temps il pourrait retourner dans son propre monde. Mieux valait ne pas rater le coche ! Ne voulant pas traumatiser un Humain il se reprit, saisi un ancien billet en mark finlandais et le fourra la main de l'individu comme il avait dit ne pas avoir de sous.

- Qui sait, ça se collectionne peut-être ici, tu pourras toujours le revendre. Aller, salut !

Et sur ces paroles énigmatique Neyja couru se cacher dans la première ruelle venue.

HRP: