La pause du matin [jacod Jomini & Nessrin Venceslas]

Voiture parquée, sacoche en bandoulière, yeux légèrement cernés et bâillements à l'horizon,  Jacob sortit de son véhicule. Une nouvelle journée à l'académie allait commencer. Il appréciait l'ambiance de l'établissement, mais Jacob n'était vraiment pas quelqu'un "du matin" comme on dit. Il aimait se lever après une longue nuit de sommeil et pas trop tôt, pas devoir compter ses heures de sommeil pour ne pas ressembler à un zombi. Mais malgré ce petit contretemps, il aimait son job, alors on faisait avec.

Passant le portail de l'établissement, il entendit au loin une sonnerie résonner à travers les vitres des salles de cours de l'académie. Un rapide coup d'oeil à sa montre confirma sa première pensée: la sonnerie de la pause du matin. Il était un peu en retard aujourd'hui ... bah, ce n'était pas si grave. Il pressa le pas pour ne pas perdre trop de temps. Sa journée commençait toujours avec un thé bien chaud pris à la cafétéria. Ses cours se passaient aux environs de midi en général, voire l'après-midi même, mais il préférait venir quelques temps avant pour s'assurer que tout était en ordre. Il ne manquerait plus qu'il oublie telle ou telle chose et il serait d'une humeur noire.

Dans le fond, il plaignait les profs qui devaient venir tôt le matin, dès les premières lueurs du jour affronter une horde d'élèves ... Heureusement qu'il était presque considéré comme "stagiaire" et que ses classes étaient un peu moins nombreuses, donc ses heures de cours également, sinon il aurait certainement eût de la peine à commencer sa carrière de professeur. La pause du matin devait sûrement être une vraie bénédiction pour eux. Il en ricana en imaginant un professeur soupirer pour lui-même "God, enfin !".

Jacob passa les portes de l'académie et se dirigea immédiatement vers la cafétéria. Un afflux d'élèves commençait déjà à obstruer les couloirs. Par chance, il put se faufiler assez facilement jusqu'à la salle. Il se dirigea alors vers la machine pour préparer son thé, écoutant de si de là ce que racontaient les élèves autour de lui. C'était plutôt un bon moyen de venir aux nouvelles lorsqu'on débarque "tard" dans la journée.  Mais rien d'intéressant, ni d'important, ne se racontait dans les rangs de Volfoni. Seulement les potins habituels, les petits rires entre filles, les salutations des garçons ou les questions sur tel ou tel cours. Soupirant faiblement, il s'arma de sa tasse de thé et se dirigea vers la caisse, attrapant un croissant sur le chemin. Une fois le tout payé, il repéra une table où personne ne semblait se trouver. C'était la table qui, de manière non officielle, appartenait aux professeurs et membres du personnel. Il traversa tranquillement la pièce pour l'atteindre et s'installa au fond de la table, contre la fenêtre. Le professeur d'anatomie déposa sa sacoche à ses pieds, la tasse sur la table et jeta un regard à l'extérieur.

Nessrin détestait le « tut tut tut » du réveil au plus haut point. Non pas qu’elle n’aimait pas se lever, loin de là, juste que ce bruit strident et répétitif lui agressait les oreilles. Elle plongea sa tête sous sa couette, mais ça n’atténuait pas vraiment le bruit de son réveil. La jeune femme finit par se lever, traverser sa chambre pour appuyer sur le réveil qu’elle posait toujours le plus loin possible de son lit, ce qui l’obligeait à quitter ses draps chauds pour l’éteindre. Ça lui évitait bien des rendormissements.

La costumière passa rapidement sous sa douche, prit un petit déjeuner frugal, en serviette dans sa cuisine, et passa dans sa chambre pour choisir ce qu’elle allait porter. Elle resta un bon moment devant son armoire ouverte, avant de se décider pour une petite robe bleu-marine à pois blancs, fait avec ses petites mains. Elle enfila des sous-vêtements, puis la robe. Le décolleté offrait une vue plutôt intéressante, et le jupon laissait voir ses jambes jusqu’un peu au-dessus du genou. 32 ans, mais encore canon la Nessrin… Elle se décida rapidement pour une perruque rose, coupée en un carré plongeant. Elle se maquilla en vitesse, regardant sa montre. Elle devait terminer le costume d’un petit jeune pour une répétition importante, elle ne devait pas arriver trop tard, il lui restait pas mal de boulot.

La jeune femme enfila une paire de sandales à talons, sauta dans sa voiture, et partit pour l’académie. Elle se gara, sortit de son coffre quelques mètres de tissus achetés spécialement pour le costume qu’elle devait finir aujourd’hui, et fila vers l’université. Elle s’engouffra dans la salle de théâtre au rez-de-chaussée, et retrouva, derrière la scène, son plan de travail, en bordel, comme d’hab.

Elle passa la moitié de la matinée, à travailler sans relever la tête, puis, vers 10h, sentant des raideurs dans le cou, se dit qu’elle allait prendre une pause.  Dans un coin, loin de sa machine à coudre, se trouvait une bouilloire, ramenée par Nessrin elle-même, pour survivre en cas de siège. Elle remplit sa bouilloire, choisit un sachet de thé et se remplit une grande tasse de 50cL.
Elle sortit du bâtiment pour aller jusqu’à la cafétéria. A cette heure, elle devrait se trouver de la compagnie. Effectivement, à la table des profs et du personnel se trouvait Jacob, assis près de la fenêtre. Elle l’observa rapidement, il avait encore un de ces gobelets en plastiques de la machine à café. Nessrin sourit avant de s’assoir face à lui.

– Salut. Tu sais, j’ai une bouilloire dans la salle de théâtre, tu peux venir y faire ton thé au lieu de prendre celui de la machine…

La jeune femme lui adressa un large sourire avant de porter sa tasse à ses lèvres.

Le jeune homme  observait par la fenêtre les quelques groupes d'élèves qui se tenaient dans leurs coins, séparés comme si des barreaux invisibles les empêchaient de se rejoindre. Les uns discutaient entre eux, les autres squattaient un banc comme des chiens qui défendent leurs territoires. D'autres encore se baladaient simplement.  Il était amusant de voir comme cet endroit avait des allures de petites villes parfois !


Il entendit alors la voix d'une femme, ce qui lui fit tourner la tête, abandonnant ses petites rêveries matinales. Il vit alors une femme, très joliment habillée, qui s'installait face à lui. Il la reconnut après un tout petit temps de réflexion, n'ayant pas la mémoire des visages la plus vive qui soit, surtout qu'il n'avait passé qu'une année ici. Il put finalement lui attribuer son nom: Nessrin, la costumière du groupe de théâtre. Jacob lui adressa un sourire enjoué, content de voir quelqu'un de bonne humeur et avec qui discuter de bon matin.

- Ah, salut ! Merci pour la proposition, je m'en rappellerai la prochaine fois, mais j'aime bien  l'ambiance de la cafétéria ... on peut écouter quelques nouvelles et voir l'aspect général de la journée: si les élèves sont enjoués ou si c'est la tête d'enterrement général.

Le professeur but une goutte de son thé. Un bon thé au miel, comme il avait tant l'habitude d'en prendre. Le goût était apaisant, la chaleur de la boisson se répandait dans sa gorge et venait réchauffer son estomac, et l'odeur du miel emplissait ses narines. Un de ces petits moments anodins qui vous font vous sentir si bien ! Il reposa le gobelet en plastique blanc sur la table et regarda sa collègue.
- Il y avait beaucoup de voitures sur le parking quand je suis arrivé ... J'ai de la chance de pouvoir dormir un peu plus ... Et toi ? Ça fait longtemps que tu es à l'académie ? La théâtre doit être une catégorie de travaille plutôt tranquille en générale, non ?

Jacob n'avait jamais vraiment eût le temps d'observer les groupes scolaires comme la danse, le théâtre ou le sport, outre la rapide présentation dont il avait eût le droit lors de ses premiers jours. Il s'était concentré sur son « apprentissage » lors de sa première année et sur les écuries et l'équitation. Il faudrait qu'il prenne un peu de temps pour découvrir les autres activités de l'académie cette année ...

Spoiler: