Pas de petite déjeuner pour Georges ce matin-là. Il avait préféré faire durer un peu sa nuit. Alors que le soleil était tout juste couché et que le couvre-feu était tombé, il avait quitté sa chambre, silencieux comme une ombre, comme à son habitude quand il avait besoin d’argent. Moins d’une heure plus tard, il était en centre-ville, dans une salle qu’il connaissait bien, peu lumineuse, un peu glauque, sentant le sang et la sueur.
Comme d’habitude ce soir de la semaine, pas d’inscription ou quoi que ce soit de ce genre, premier arrivé, premier servit. Il commençait à être connu dans le milieu des combats de rue d’Arcadia. Il espérait que les parieurs seraient nombreux, mais il était arrivé un peu tôt, s’il voulait remporter une belle somme, il devrait multiplier les affrontements.
Il y resta près de trois heures, remportant trois combats, se prenant une raclée pour le dernier, qu’importe, il avait à peu près la somme qu’il voulait.
Il rentra au milieu de la nuit, faisant attention de ne pas se faire repérer par les surveillants et de ne pas réveiller les bungalows voisins.
Sa nuit fut courte et mouvementée, ses côtes le faisant souffrir lors qu’il se retournait dans son lit.
Georges n’avait dormi que quelques heures quand son réveil sonna et d’un coup d’œil dans le miroir il décida de sauté le petit déj pour panser ses blessures et camoufler ce qui pouvait l’être.
Désinfectant les plaies sur sa lèvre inférieure, à l’arcade et en travers du nez, il laissa ensuite retomber sa mèche de cheveux bleus sur un côté de son visage, cachant son coquart et l’hématome sur sa joue. Les marques sur son corps étaient dissimulées par un jean et un T-shirt noir.
Le temps qu’il fasse tout cela, il était déjà temps d’aller en cours.
Quand il s’assit dans l’amphithéâtre, après s’être fait engueulé par ses amis pur d’être encore mis dans un état pareil, toutes les conversations dérivèrent sur une lycéenne interne qui aurait fait une tentative de suicide. Georges n’était pas vraiment porté ragots, mais il devait avouer que ce qu’il entendait ne le laissait pas indifférent. Les internes se connaissaient globalement tous, au moins de vue et il se demandait vraiment laquelle de ces minettes avait voulu mettre fin à sa vie.
La matinée fut longue, son ventre grondait, l’empêchant de se concentrer, et c’est avec une joie non dissimulée qu’il partit au self à la fin de ses cours.
Il remplissait son plateau alors que le murmure des potins montait à nouveau. On lui désigna d’un signe de tête une jeune femme assise seule au bout d’une table à moitié pleine. Un de ses bras était couvert de bandages et deux comprimés étaient posés à côté de son assiette. On disait qu’elle avait tenté de s’ouvrir les veines et qu’elle était à présent sous anti dépresseurs.
Il la connaissait peu, elle était bien plus jeune que lui et ils n’avaient jamais vraiment fait ami-ami, mais de leurs quelques rares et courts échanges il se rappelait d’une nana serviable et ouverte.
Il abandonna ses amis, allant s’installer en face d’elle. Il la regarda un court instant, essayant de retrouver son prénom qu’il avait sur le bout de la langue. Julie peut être… Non… Julia ? Juliette plutôt… Oui c’est ça, Juliette…
– Salut. T’attends quelqu’un ou je peux m’installer ?
Il lui adressa un sourire radieux, grimaçant légèrement en sentant la plaie sur la lèvre s’étirer.
Il voulait entrer dans le vif du sujet, espérant que ce qu’il avait entendu n’était pas fondé, même s’il devait avouer que les apparences n’abondaient pas dans ce sens.