Tiffany porte des gants en cuir presque tout le temps, parce qu'à force d'être seule elle a développé un certain dégoût du touché, et des autres sous certaines conditions. ▽ Paradoxalement, Tiffany ne passe que très rarement ses nuits seule, réussissant toujours à convaincre une personne de son entourage de lui tenir compagnie. ▽ Mais Tiffany ne couche pas non, ce serait trop facile. Tiffany se contente de passer les heures en discutant, ou en dormant paisiblement. ▽ C'est peut-être d'ailleurs le seul moment où Tiffany est Tiffany, ou Tiffany ne joue pas de rôle. ▽ Tiffany n'a pas beaucoup d'amis. ▽ Tiffany a peur de finir sa vie seule, parce que Tiffany, elle a une peur immense de la solitude. Pourtant elle est seule depuis longtemps. ▽ Tiffany fume depuis 6 ans, environ. ▽ Elle a passé son permis voiture à 16 ans et son permis moto récemment, parce que Tiffany n'aime pas tellement être escortée en limousine jusqu'à l'école. ▽ Tiffany n'est pas logique, ou du moins, Tiffany n'est pas dans la logique du monde et des autres, mais plutôt dans la sienne. ▽ Oui elle est perdue dans sa logique étrange Tiffany, vous ne la voyez pas qui crie à l'aide ? ▽ Non, non bien sûr que non. Tiffany est bien trop fière pour laisser quelqu'un l'aider. ▽ Elle prend des notes sur tout Tiffany, elle possède pleins de petits carnets classés dans sa chambre avec vos petits secrets et d'autres choses bien inutiles. ▽ Tiffany connaît la vie de chaque personne de Volfoni, vie à l'école du moins. Pour le reste ça dépend de qui et de pourquoi, mais elle s'en fiche bien en général. ▽ Tiffany a peur du sang, aussi, elle en est effrayée et cette peur s'est renforcée depuis l'accident du troisième étage. ▽ Vous savez, le sang c'est beaucoup de choses, beaucoup trop d'images, beaucoup trop d'idées. Le sang c'est physique et mental, c'est horrifiant. Glaçant. ▽ D'un coté plus joyeux, quoique, Tiffany fait tout ce qu'il est possible de faire par la droite. Elle met sa chaussure droite en premier, monte et descend les escaliers par la droite, mange avec sa main droite, ouvre les portes avec également. ▽ Question d'éducation. ▽ ...~

_ Mère, vous m’avez appelée ?
_ Oui, bon anniversaire Tiffany.
_ Merci.

Tu venais d’avoir 6 ans et tes parents étaient revenus de France exprès pour l’occasion comme ils le faisaient tous les ans, parce qu’ils n’étaient que trop rarement à la maison. Tu comprenais, trop petite encore pour avoir le courage de leur en vouloir malgré l’enfer que te faisait vivre Lucie, ta gouvernante. Tu les aimais tes parents, Tiffany, et c’est cet amour qui te faisait pleurer à chaque fois que tu les voyais. Demain ils repartiraient tu ne sais où, et tu serais encore triste, puis dans quelques mois tu reprendrais espoirs parce qu’ils reviendraient bientôt. Cycle annuel qui ne changerait sans doute jamais.

_ Dis-moi ma puce, qu’est-ce que tu voudrais pour ton anniversaire ? Papa et moi sommes désolés de ne pas être avec toi, et nous voudrions nous faire pardonner. Alors dis-nous, tu auras tout ce que tu voudras.

Si il y a bien une chose dont tu ne douterais jamais, c’est que tes parents, malgré la distance, faisaient tout pour toi. Mais bizarrement, à chaque fois que tu entendais le doux son de la voix de ta mère, tu sentais quelque chose se briser en toi, inconsciemment, comme si toute cette histoire n’était qu’une vaste comédie. Seulement, aussi jeune que tu ai pu l’être à l’époque, tu ne t’étais rendue compte de rien, et tu avais souris, parce que tu souriais toujours, Tiffany.

On sentait l’hésitation, la décision difficile à prendre pour une gamine de la haute société qui avait le droit à tout, que demander cette année ?

_ J’ai vraiment le droit de vous demander tout ce que je veux ?
_ Oui, bien sûr. Aurais-tu une demande particulière à formuler ?
_ Oui.. Si c’est possible, je souhaiterais que ma chambre soit comme celles des Japonais. Elles sont si jolies les maisons là-bas !

Par chambre, tu entendais “tes appartements”, comme les princesses dans les châteaux de comptes de fée. Bien trop beau pour être vrai, pourtant tu y avais droit à tout cela, toi la jeune enfant privilégiée de la société. Ta mère arqua un sourcil de surprise, il fallait dire qu’elle ne suivait pas du tout ton éducation de là où elle travaillait, et par conséquent elle n’avait pas eu le temps de comprendre que tu étais tout simplement tombée amoureuse de ce beau pays que vous veniez d’étudier avec Lucie. Mais même si elle fut un peu prise au dépourvu elle accepta avec le sourire, tu avais bien le droit à ça après tout.

_  Est-ce que père rentre bientôt ? Sera-t-il d’accord ?
_ Papa a du travail ma chérie, mais il rentrera bientôt pour te voir. Et il ne refusera pas, tu sais, je suis certaine même qu’il sera très heureux de faire un aussi beau cadeau à son petit ange adoré.

“Son petit ange”, oui ton père t’aimait certainement plus qu’elle, même si ça ne se voyait pas clairement. Tu avais des parents étranges, Tiffany, aussi sévères que doux, mais très discrets sur leurs sentiments. Toujours, toujours. Mais qu’importe, toi, à cette époque tout ce que tu voulais c’était pouvoir vivre encore un peu. Peut-être pour espérer trouver mieux ailleurs ? Qui sait. Tu étais née à Miami, près de la mer, et tu avais grandis une cuillère en argent dans la bouche, servie constamment par des bonnes entre les quatre murs de ta maison dorée. Et tu ne t’en étais jamais plaint, ça ne t’avait jamais posé de problèmes parce que tu n’avais jamais connu d’autres choses à l’époque. Et tu avouerais bien volontiers à qui te comprendrait, que ta nouvelle gouvernante te faisait vraiment peur, mais tu la respectais alors tu l’écoutais. En silence, parce que les mots et les gestes étaient bien inutiles face à une dame comme Lucie.

Aah, Lucie.
Je t’ai toujours détestée.
J’ai souvent eu peur de toi.
J’ai énormément souffert de ta présence depuis mes 4 ans.
Mais tu sais, je ne t’en veux pas. Je ne t’en voudrais jamais parce que tu es celle qui m’a apprit à vivre, malgré que tu l’ai vraiment mal fait.

Elle aurait pu te faire devenir quelqu’un de bien, Tiffany, mais au lieu de ça elle s’était décidée à te pourrir l’existence, à te demander plus d’efforts qu’il n’en fallait, à vouloir faire de toi la femme parfaite. La fille à marier, l’épouse milliardaire qui attendrait son mari à la maison, qui préparerait le dîner avant de s’affaler de fatigue sur le sofa du salon. Elle t’avait détruit avant même de t’avoir construite, mais tu sais, elle n’avait pas fait que de mauvaises choses au fond. Oh oui, tu lui devais beaucoup à Lucie. Vraiment beaucoup.




_ Père et mère sont-ils rentrés ?
_ Mademoiselle.. C’est, hm..
_ Vous avez l’air inquiète, quelque chose est arrivé ?
_ Vos parents ne rentreront pas cette année, ils ont encore à faire. Mademoiselle.

Tu avais eu du mal à y croire parce que c’était la première fois qu’ils louperaient ton anniversaire pour le travail, et tu souffrais encore plus parce qu’au fond tu t’y attendais. Tu étais grande maintenant, à 12 ans on n’avait plus besoin de ses parents pour avoir des cadeaux pas vrai ? A 12 ans on n’avait plus besoin du peu d’affection qu’ils avaient à offrir, on serrait les dents et on tenait bon. Parce que, bon dieu que c’était frustrant.

_ Bien, merci. Je retourne dans ma chambre, je ne veux pas être dérangée.
_ Mademoiselle attendez, vos parents m’ont chargés de vous prévenir qu’ils seront en audio conférence à 22H30. Et ils voulaient que je vous remette ce paquet, à ouvrir devant eux.
_ Un paquet ?
_ Oui, il est arrivé tout juste ce matin, pour votre anniversaire, mademoiselle.

Peut-être bien qu’ils ne t’avaient pas oubliés au fond, c’était ce que tu as cru lorsque avais prit le colis des mains de cette servante dont tu avais oublié le nom, il y en avait tellement dans cette maison. Mais tu n’avais rien dis de plus et tu t’étais enfermée dans tes appartements, ne faisant qu’une brève apparition au dîner avant cet audio avec tes parents. Tu avais la boule au ventre, tu le redoutais, l’entretient, tu flippais tellement à l’idée d’une autre mauvaise surprise.

_ Ma chérie que tu es jolie !
_ Cette robe te va à ravir mon coeur, et je constate que tu t’embellis de jour en jour. Mon petit ange, tu es si parfaite !
_ Merci beaucoup pour ces compliments. Mais, vous, comment allez-vous ? Votre travail n’est pas trop dur ?
_ Il est prenant et nous n’avons pas beaucoup de temps, mais ne t’en fait pas tout va bien ici. Parlons plutôt de toi, que donnent tes cours avec Lucie ? Comment te sens-tu ?

C’était presque flagrant de voir que vous vous forciez tous les 3, conversation beaucoup trop formelle pour ne pas être automatisée. A cet instant vous étiez les robots d’une famille ayant encore l’infime espoir de paraître unie, tu en étais persuadée, de la dure réalité qui t’avait frappée à la gueule ce soir-là. Pourtant tu les aimais encore tes parents, tu les aimerais toujours tu le savais, mais ce malaise que tu ressentais très légèrement petite s’intensifiait au fil des années qui passaient, et cette nuit-là, pour ton douzième anniversaire il était plus que jamais présent.

_ Chérie, il est presque l’heure nous allons devoir couper.
_ Oh, déjà ? Dis-nous Tiffany, que veux-tu pour ton anniversaire ? Dépêche-toi nous devons repartir travailler.
_ Ce que j’aimerais ?

Hésitation.
Non, c’était définitif, tu ne t’étais jamais sentie aussi seule que ce soir-là.

_ Je voudrais… Hm..
_ Alors ? Dis-nous !
_ Aller à l’école, je crois. Oui, je voudrais être inscrite dans une école, s’il vous plaît.

Tu te souviendrais toujours de la tête qu’ils avaient fait à l’instant où tu avais dis ça, parce qu’ils ne s’y attendaient pas, parce que l’école, la vraie, ça remettait beaucoup trop de choses en jeu. Est-ce que ton éducation était mauvaise, Tiffany ? L’était-elle à ce point ? Si on t’avait posé la question, tu aurais dis que tu n’en savais rien. Parce que tu excellais et que tu apprenais vite, tu adorais apprendre en fait, c’était un peu ton seul échappatoire, après tous ces cadeaux qui meublaient ta maison. Mais les cours particuliers te lassaient, toi tu voulais découvrir le monde, aller voir les autres, apprendre encore plus et à cette époque tu t’étais sentie très limitée. Parce que Lucie et tous tes professeurs auraient beau t’apprendre ce qu’ils voulaient, tu les assimilerais mais ne t’en servirais jamais en restant enfermée.




Tu avais voulu t'éloigner de ta maison, alors tu avais presque supplié tes parents pour qu'ils te laissent aller dans cette école de campagne, comme vous les appeliez si bien à Miami. Elle se situait dans une petite ville de l'Ouest de ton État, et en réalité, à vue de carte ça ne faisait pas si loin que ça, alors ils avaient acceptés malgré quelques hésitations. Et de façon surprenante, ils avaient même acheté une petite maison sur laquelle Lucie et quelques nombreuses servantes veilleraient pendant tes journées d'école, un nouveau chez toi beaucoup plus simple mais qui te convenait parfaitement.

_ Dis, c’est vrai que t’es riche ?
_ Euh, oui.
_ C’est quand ton anniversaire ? T’as beaucoup de cadeaux ?
_ J-Je n’ai le droit qu’à un cadeau, mais je peux demander ce que je veux.

Ils te faisaient peur, ces gamins, à te regarder comme si tu étais une alien venue d’une autre planète. Peut-être était-ce parce que tu te tenais droite et que tu ne parlais pas ? Ou peut-être pour les vêtements haute couture que tu portais, fabriqués mains pour l’occasion, première rentrée à 13 ans, ça se fêtait tout de même dignement. En tous les cas, tu répondais honnêtement à leurs questions, sans te rendre compte qu’en faisant ça tu creusais seule ta propre tombe. Parce qu’ils sont tordus, les enfants de nos jours, et ta classe ne faisait pas exception à la règle. Ta classe était sans doute la pire, d’ailleurs, mais tu n’avais rien vu et tu t’étais pris une belle claque dans la gueule. Parce qu’avoir de bonnes manières, c’était visiblement plutôt mal vu, et être riche ça attisait les jalousies.

_ Ah, vraiment ? Comme quoi ?
_ Et bien… Il y a deux ans, j’ai demandé une patinoire privée, hm..

Tu adorais patiner alors tu avais profité de ce privilège pour avoir un moyen plus simple et efficace de prendre des cours en plus de ceux d’Aïkido que tu pratiquais depuis 5 ans. Ça faisait beaucoup, mais ton emploie du temps était aménagé alors tu n’avais aucun problème, sauf que désormais ça changerait un peu. Tu n’avais pas peur de ça, travailler plus pour avoir le privilège de côtoyer les autres ça t’allait parfaitement même si tu n’en disais rien. Après tout, tu avais conclu un marché avec tes parents, la pression n’était pas ailleurs qu’au fait que tu te devais de tenir la promesse que tu avais fait. Tu étais motivée et bien décidée à rester la meilleure partout.

Et puis quelques temps après ils s’étaient éloignés, habitués aux même réponses de ta part tout le temps. Ils te laissaient seule parce que tu étais différente et pas très sociale, ils t’effrayaient et tu avais commencé à afficher un masque d’indifférence, comme une protection, défense inutile, quand ils étaient là. Tes bonnes notes les irritaient, ils semblaient te détester et au bout de quelques semaines plus personne ne te parla. Au contraire, les rumeurs et les moqueries menaient leur bout de chemin, tu ne les ignorais pas mais t’avais prit sur toi et tu t’étais renfermée. Lentement. Ou comment se dire que la bénédiction avait prit des allures d’enfer, juste parce que t’avais pas été capable d’être moins honnête.

_ Pff, regardez la qui fait sa Reine. On est trop crasseux pour elle ou quoi ?
_ J'suis sûre qu'elle suce les profs, elle a une tête de salope.
_ Ouais, nan mais en plus, l'autre jour elle a envoyé chier Chris. Genre elle a cru qu'elle allait faire sa loi parce qu'elle est nouvelle ici.

Nouvelle, mais ce serait ta seule année dans cet établissement, à supporter toute cette merde sans un mot. Pourquoi tu ne t’étais pas rebellée, dis Tiffany ? Pourquoi tu ne leur avais pas fait comprendre qu’ils avaient tort sur toute la ligne ? Si tu l’avais fait, peut-être que tout aurait été différent. Certainement, même, que rien n’aurait été pareil.




_ Excusez-moi, je me suis perdue. Pourriez-vous m’aider ?

T’avais 13 ans et tu venais de prendre le mauvais raccourci pour rentrer chez toi, trop distraite par la déclaration d’amour du garçon le plus horrible de ta classe. C’était la 3ème cette année et tu avais beau les envoyer chier, ils ne comprenaient pas. Et toi tu captais pas non plus, t’étais vraiment détestable avec eux, constamment silencieuse, le regard froid et sur la défensive. Alors qu’est-ce qu’ils te trouvaient ? La crise d’adolescence sans doute…

Eux aussi avaient l’air en pleine crise. Les types qui se trouvaient devant toi devaient avoir ton âge, mais ils étaient effrayants. C’était comme s’ils voulaient ta peau alors que tu ne les connaissais même pas.

_ Alors, vous m’aidez ?
_ Ça dépend c’qu’on y gagne, hm…

Eeh… Idiot. C’est la seule chose à laquelle t’avais eu le temps de penser avant que l’un d’eux ne s’approche d’un peu trop près. Et à en juger par leurs regards ahuris, ce garçon n’avait pas prévu de finir allongé sur le sol. Une mine dédaigneuse avait remplacée le sourire poli du début, ils y avaient vraiment cru ?

_ Je cherche la maison des Nielsen, et vous me semblez être une bonne escorte pour la frêle jeune fille que je suis. Vous m’y emmenez ?
_ Qu-
_ Tu leur veux quoi aux Nielsen ? ‘Sont qu’des bourges qui étalent leur thune partout..
_ Ouai y a même des gens qui disent qu’ils possèdent l’aéroport. J’te jure !
_ Moi j’ai entendu que leur fille avait un cul de ouf mon gars ! J’voudrais trop voir si c’est vrai.
_ T’la veux juste dans ton pieu avoue.
_ Mais graaaaave mec.

S’ils ne te faisaient pas autant pitié tu aurais rigolé à n’en plus pouvoir t’arrêter. Tu ne t’attendais vraiment pas à toutes ces rumeurs sur ta famille, c’était amusant dans le fond. Connaître la vérité et les laisser patauger dans leur moitié d’idées fausses, si tu n’avais pas été d’aussi bonne humeur grâce à eux ce jour-là, c’est sans doute ce que tu aurais fais.

_ Nous possédons 3 jets privés, mais pas l’aéroport hu.. Et pour le reste je vous laisse en juger par vous-même, de loin.

Tu ne saurais dire si cette première année de vie à l’extérieur du cocon familiale aura été bonne ou non, mais malgré qu’après cela tu ai repris les cours particulier chez toi, à Miami, tu n’avais cessé de revenir en jet discuter avec ce petit groupe qui siégeait près du skatepark pendant ton temps libre. Ils étaient ta seule permission de sortie, secrète parce qu’ils n’étaient pas vraiment les meilleures relations que tu aurais pu avoir. Mais au fil des années tu les avais tous adoptés et toi tu t’étais un peu plus affirmée, renfermée aussi sans vraiment trop savoir pourquoi. Comme toute bonne fille de bonne famille, ils t’avaient acceptée pour la présence que tu dégageais et ton répertoire que tu ne cessais d’agrandir. Avoir des relations était bien utile, peu importe le milieu, et tu t’étais servi de ça pour te trouver une bonne place au sein de ce que tu détestais appeler un “gang” -pourtant c’était bel et bien le cas et tout ce beau monde était plutôt connu à Arcadia. Tu haïssais d’être invisible.




Pourtant ça ne t’as pas empêché de partir en les prévenant à la dernière minute.

_ Je veux aller à Volfoni.
_ Tu.. Quoi ?
_ C’est une école dans le Minnesota dont on dit que le niveau est assez élevé. Ils ont un cursus sportif et je n’ai lu que de bonnes critiques à son sujet. Puis-je ?

Ils ne semblaient pas d’accords, la mine renfrognée, ils t’observaient les yeux grands ouverts, confortablement installés dans leurs fauteuils de cuir à l’autre bout de la longue table de la salle à manger. Tss, je déteste tellement lorsqu’ils sont comme ça avec moi. Mais ils l’ont toujours été, Tiffany, c’est juste que tu ne le remarquais que maintenant.

_ As-tu oublié ce qu’il s’est passé la dernière fois que tu es allée à l’école ?
_ Et puis.. Ce cursus sportif, pourquoi faire ma chérie ? Tu sais très bien que -
_ Je sais. Pardon, mère, mais je vous demande cela en connaissance de cause. Seulement j’aimerais réessayer, j’ai 18 ans, c’est difficile pour moi de rester enfermée toute la journée. J’ai envie d’apprendre et de découvrir, même si je sais parfaitement que je devrais prendre ma responsabilité, et votre suite l’heure venue.
_ Es-tu réellement consciente de tout ça ?
_ Absolument.
_ Bien, dans ce cas.

Le regard que te lança ton père à cet instant avait quelque chose d’effrayant, une lueur de défit mélangée à ce que tu avais assimilée à de la colère, à peine dissimulée. Et la punition ne tarda pas à tomber, tu t’y attendais, en tant que fille de la famille Nielsen dont le patrimoine était connu dans le coin comme à l’étranger, tu devrais faire face à quelques difficultés. Et ce n’était pas ce pendentif que tu tortillais dans tous les sens sous le coup du stress qui changerait la donne. Malheureusement.

_ Tu peux intégrer cette école à une seule condition, Tiffany.
_ Une condition ? Je vous écoute.
_ Je veux que tes notes ne descendent pas en-dessous de 16 et que gardes le niveau que tu auras acquis. Aucuns reproches, aucuns retards, aucunes absences. Sinon tu quittes immédiatement le pensionnat et tu reprendras tes cours à la maison. Tu dois aussi continuer d’être irréprochable dans les sports que tu pratiques puisqu’ils sont ceux que tu as choisi.
_ Est-ce là votre seule condition, père ?
_ Oui.
_ Alors je m’y tiendrais, c’est une promesse.

Je continuerais d’exceller partout, pour vous, pour faire honneur à notre nom.
Faites moi confiance, père, mère. Je vous en prie.



_ T’es sérieuse, tu t’casses comme ça ?
_ Je rentrerais pendant les vacances, ce n’est pas comme si-
_ Mais tu t’fous d’notre gueule, p’tin Tiff’ t’es sérieuse quoi !
_ Merde.
_ Mon départ ne change absolument rien, je n’ai pas l’intention de vous laisser tomber.

Tu te souviens leur avoir parlé fermement pour cacher le flot d’émotions trop important qui te montait à la gorge à ce moment là. Vous vous étiez quittés sur une dispute cette fois, mais pleine de philosophie tu t’étais dis que le temps et la distance arrangeraient sans doute un peu les choses. Tu passais à Arcadia dès que tu le pouvais pour les voir un peu, et doucement les esprits échauffés s’étaient calmés, tout était presque redevenu comme avant. A Volfoni tu t’y sentais bien et malgré le peu de personnes qui t’entouraient tu te montrais solide et sans pitié. C’était là les arguments qui te hissèrent au-dessus de beaucoup d’élèves qui te pensaient timide et réservée, et ils s’étaient fait avoir, tous, en t’élisant au conseil d’administration. Tu étais l’élève modèle, la fille parfaite au coeur de pierre, bien loin de ce que tous s’étaient imaginés, parce qu’après toutes ces années tu avais érigé cette forteresse autour de toi qui t’empêchait d’émettre la moindre compassion, la moindre miette infime de gentillesse sans prendre cet air arrogant et plein d’affirmation qui te siait si bien.

L’un n'allant pas sans l’autre, peu de temps après on te confiait un rôle au conseil de discipline, et cela ne fit sans doute qu’empirer la crainte que certains avaient de toi. Ils te disaient Reine de Fer ou quelque chose comme ça, parce que tu réussissais toujours à virer ceux qui te dérangeaient, ceux qui ne t’amusaient plus, et au contraire tu savais convaincre de garder même le plus fou des élèves. Chouette talent, pas vrai ? Tu étais devenue ce genre de femme qui se servait de la haine et des craintes des autres pour exister. Mais ça t’allait bien, tu sais. Même si tu savais que lorsque tu rentrais chez toi tout s’effondrait, être ces deux personnes là ça te plaisait assez malgré les apparences. C’est pour ça que tu te détestais autant que tu t’adulais parfois.




Tu sentais la douleur partout dans ton corps et l’odeur désinfectée de l’hôpital dans tes narines. Horrible. Éveillée mais les yeux toujours clos tu essayais de te remémorer l’incident qui t’avait menée jusqu’ici, et ce fut avec un sourire amère que te revinrent en mémoire les instants effrayants de la chute du troisième étage. T’avais bouger chacun de tes membres doucement pour tenter de faire un pronostique des dégâts engendrés par l’énorme morceau de plafond que tu t’étais pris sur la gueule et la chute provoquée par un élève courageux qui avait tenter de t’éviter le pire, sans doute par instinct. Par chance tu t’en tirais avec seulement le bras gauche de cassé et une cheville foulée, tu n’aurais sans doute pas trop de rééducation à faire, tant mieux.

_ Tiffany ?
_ Est-ce qu’il va bien ? Le garçon qui m’a poussée.

C’était inconsciemment que t’avais posé la question, la voix encore tremblante dû à la faiblesse de ton corps. Sans regarder tes parents qui avaient débarqués en quatrième vitesse de Sydney lorsqu’ils avaient apprit la nouvelle, tu avais écouté leur réponse avec un soupir de soulagement non dissimulé. Il était vivant, heureusement. Mais apparemment il garderait des séquelles à vie. Après cet accident l’école fut fermée et tu étais retournée en convalescence dans ta maison de Miami. Tous les mois tu envoyais de l’argent à la famille de l’élève qui t’avait sauvée, ça sonnait comme un remerciement inavoué, ce simple mot que tu ne lui dirais jamais parce que tu n’avais jamais eu l’intention de nouer le contact avec lui. L’argent te suffisait, ça lui serait beaucoup plus utile que des mots éphémères qu’il oublierait certainement. Toi en tout cas tu n’oublierais rien, jamais.

_ Ma chérie, tu es sûre que tu ne veux pas voir de psychologue ?
_ C’est pas la peine, mais merci mère.
_ Il y en a de très bons dans la région tu sais, si jamais tu en as besoin.
_ Ça ira, vraiment. Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais bien.

C’est vrai que t’allait pas si mal que ça au fond, et tu ne voulais pas dévoiler quoique ce soit à un psy’ parce que tu jugeais ça idiot et tu étais certaine que ça ne servirait à rien. T’étais pas dépressive, juste choquée et un peu déboussolée. Tu y survivrais. Pas vrai ?




_ J’ai entendu dire que le campus allait ré-ouvrir tout proche d'Arcadia.
_ Il est hors de question que tu remettes ne serait-ce qu’un pied là-bas Tiffany. Tu sais la peur que nous avons eu lorsque nous avons apprit ton accident ?
_ Père, les anciens locaux étaient vétustes, les nouveaux sont flambants neufs je ne risque rien. Et puis je n’ai pas encore rompu la promesse que je vous ai faites, par conséquent je peux y retourner.
_ Les deux premières fois ne t’ont pas suffit ?
_ J’ai apprécié le peu de temps que j’ai passé à Volfoni vous savez, je ne pense pas regretter d’y retourner. Et puis j'ai déjà une maison à Arcadia, il n'y a donc aucun soucis, non ?

Finalement tes parents avaient cédés et dès l’ouverture tu pu découvrir le nouveau Volfoni. L’avantage qu’il y avait c’était que l’école était à côté de ce qui serait à quasi plein temps ton nouveau chez toi et que par conséquent tu n’avais plus besoin d’y être pensionnaire. Puis c’est avec une joie certaine et mesurée que tu remarquas quelques connaissances de la ville qui s’y étaient inscrites, tes amis les racailles qui s’étaient occupées de semer plus ou moins la terreur en ville pendant ton absence. Tu les protégerais, discrètement, c’était décidé.

Ainsi donc ta vie à Volfoni reprit après quelques semaines de convalescence, tout le monde retrouva la Tiffany distante et sans pitié, la Tiffany très bonne élève, parfaite, influente et certainement autant crainte que respectée. Tu aimais vraiment Volfoni parce qu'il te faisait te sentir bien dans ta peau, il te faisait évoluer et tu avais la sensation que les choses bougeaient doucement. Tu n'étais plus si seule que ça désormais, malgré que tu ne sois pas très entourée et que tu t'y sois habituée, et ces personnes qui semblaient réellement t'apprécier te portaient vers le haut; elles ne faisaient qu’accroître un peu plus tes envies de grandeur et ton autorité. Pas de vrais amis, du moins tu refusais d'admettre que cela puisse être un jour possible, mais des soutiens de taille sur qui se reposer discrètement, ça ne se refusait pas.

Lucie fut renvoyée quelques temps après parce qu’elle “ne servait plus à rien” pour ta famille. Tu ne l’oublierais pas, ni elle ni tous ses enseignements qu’elle t’avait apportés. Tu la croyais un peu folle toi, parce qu’elle semblait vivre dans une époque bien trop loin de la tienne, mais grâce à elle tu ne niais pas avoir apprit quelques bonnes choses tout de même.

La question restait certainement de savoir si toi tu ne l’étais pas devenu à cause d’elle, au fond.
Quelle drôle de vie.