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 Photos et grands jetés [Aileen L. Waeselynck & Lou Applebaum]

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La sonnerie stridente du réveil tonna à six heures du matin dans la chambre de Lou. Encore dans le brouillard, elle se hâta toutefois de l'éteindre, craignant de réveiller Nathael qui dormait encore. Elle resta un instant allongée dans son lit. C'était samedi, jour de week-end et pourtant, encore une journée bien remplie. Elle avait prévu de passer la journée au studio de danse, où elle comptait essayer de reproduire le solo de Kitri dans le ballet Don Quichotte. Elle avait passé des heures à voir et revoir le ballet sur son ordinateur et à en étudier les moindres mouvements. Et maintenant, elle se sentait prête. Elle se frotta les yeux et les ouvrit enfin. Il faisait à peine jour, elle n'aimait pas se lever si tôt, mais c'était indispensable si elle voulait progresser. Elle était encore bien en-dessous du niveau qu'elle devrait atteindre si elle voulait devenir danseuse professionnelle.
Lou se leva et se prépara lentement, elle choisit une jupe rouge vif qui lui tombait jusqu'aux pieds, et enfila un pull bleu marine pour affronter la faicheur du mois de septembre. En quelques minutes elle applica du rouge à lèvre sur ses lèvres trop pâles, et se maquilla les yeux. Elle ramassa ses chaussons de danse qui trainaîent par terre, les mis dans un sac à dos avec ses vêtements de danse et sortit sans un bruit. Elle se félicita très vite d'avoir prévu un pull chaud : l'air était glacé dehors. Elle renfonça sa tête dans les épaules, fourra ses mains dans ses poches et se dirigea vers la cafétéria, précédée par le nuage de buée qui sortait de sa bouche. Une fois arrivée, elle ne mangea pas grand-chose, à peine un toast et un verre de jus d'orange, puis elle ressortit dans le froid pour aller jusqu'au studio de danse. Elle eut un soupir de soulagement en arrivant dans la salle qui était devenue, en un mois, une nouvelle maison pour elle. Plus que dans sa chambre, c'était ici que Lou était chez elle. Le plancher de bois, les barres accrochées au mur, les mirroirs, tout lui était familier. Elle alla se changer et revint, dans des vêtements de danse roses – c'était sa mère qui les lui avait offerts, et si Lou n'aimait pas beaucoup les clichés liés à la danse, elle aimait sa mère et n'osait pas lui dire que la tenue n'était pas à son goût. Au moins, elle avait choisi une de ces longues jupes de ballerine qui arrivent au niveau du mollet plutôt qu'un tutu. C'était déjà ça.
Pour commencer, Lou fit quelques exercices d'étirement à la barre, testant sa souplesse. Se tenant à la barre, le dos cambré, elle leva sa jambe aussi haut qu'elle le pouvait devant elle. Avec satisfaction elle se rendit compte que son entraînement quotidien payait : elle arrivait à toucher son ventre avec sa jambe. Elle continua pendant quelques temps, changeant régulièrement d'exercices. C'était une routine qui était devenue source de plaisir pour elle avec le temps, une sorte de fusion de son esprit et de son corps, le bonheur de pouvoir plier son corps à ses envies. Et surtout, comme elle venait tôt dans la salle de danse, elle n'avait pas à s'occuper de la présence des autres pendant au moins quelques heures. Elle était libre, libre d'essayer, libre de se tromper.
C'est à ce moment-là qu'une jeune femme entra dans le studio. Ce n'était pas quelqu'un que Lou connaissait, elle n'avait pas l'air d'une étudiante même si à l'université, les apparences pouvaient être trompeuses à ce sujet. La première chose que pensa Lou fut qu'elle était très belle, avec sa longue chevelure rousse. Lou avait toujours rêvé d'avoir des cheveux longs comme ça, mais les siens étaient si fins et secs que seuls les cheveux courts lui allaient. Et immédiatement après, elle regretta sa solitude. Il était bien tôt pour y renoncer... Mais peut-être cherchait-elle quelqu'un ? Peut-être qu'elle s'était trompée de salle ? Lou ne l'avait jamais vue par ici, et elle était au studio de danse presque tous les jours après les cours. Dans le doute, elle préfèra demander.

« Bonjour. Vous cherchez quelque chose? »

Elle se rendit compte après coup qu'elle avait utilisé un ton un peu trop sec pour être tout à fait cordiale, mais ne s'en formalisa pas. Elle ne cherchait pas à se faire des amis.
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Le réveil sonna pour la première fois dans cet appartement, trop vide au goût de son occupante. Samedi, 4h40. Pourquoi s'était-elle infligé ça, déjà ? Ah oui... Elle pensait que le comportement approprié pour un premier emploi était de visiter les lieux et de s'imprégner de l'endroit. Au programme donc, une visite de l'établissement, seule. Elle s'extirpa rapidement de son lit douillet, avant de s'avancer d'un pas lent vers son armoire. Ouvrant trois compartiments différents, elle prit des sous-vêtements, un jean serré, et un débardeur blanc. Elle se faufila dans la pièce adjacente, histoire de faire une petite toilette, de prendre une douche, puis de se préparer à sortir. Une fois propre, elle enfila calmement les vêtement choisis précédemment, puis se maquilla soigneusement.

5H10. Il était temps de partir. La jeune femme enfila rapidement une veste de cuir noire, avant de lacer des bottines à talons assorties. Se saisissant de son casque et de ses gants, elle était prête à partir, à un détail près. Elle rebroussa donc chemin jusqu'au salon, se glissa derrière le bar, et parcourut chaque appareil photo, posé précieusement sur son étagère vitrée. Elle hésité cinq longues minutes, avant de se décider, enfin. Elle s'accroupit pour ouvrir l'étagère fermée à clef, puis se saisit précautionneusement de l'engin. L'enfournant dans une sacoche adaptée, remplie de différents objectifs, elle était à présent prête. Dans un miroir, aux côtés de la porte d'entrée, elle vérifia une dernière fois sa coiffure, son maquillage et son allure, avant d'enfin quitter les lieux.

5h30. Aileen enfourna sa bécane avant de démarrer la bête. Il était temps de trouver cette école. Comment s'appelait-elle, déjà ? Volfo... Volfoni, non ? Sûrement. Elle n'avait pas trop fait attention. Elle jeta un dernier coup d’œil au plan qu'elle s'était procuré sur le net, avant de prendre la route.



5H50, Aileen accéda au parking de l'académie. Au final, ce n'était pas si difficile à trouver. La nouvelle professeur avait quelques appréhensions, à l'idée d'intégrer cette école. En réalité, elle se sentait minuscule, rien qu'à voir l'entrée. La raison de cette sensation était simple. Il n'était pas question de la taille du portail, des bâtiments, aussi imposants soient-ils... ce n'était pas l'ambiance ni l'apparence de l'école qui l'intimidait, mais l'idée de donner ses premiers cours dès lundi. Deux jours, il lui restait deux jours. Elle prit une longue inspiration, avant de franchir le portail de l'académie Volfoni. D'un côté, elle était satisfaite. Ce bâtiment était certainement son premier choix, bien qu'elle ait déposé son CV dans toutes les écoles environnantes ou presque. Elle n'y accrochait pas tant d'importances, mais Volfoni semblait être un bon établissement, et les retours qu'elle en a eu étaient plutôt flatteurs.

Armée de son appareil photo, elle parcourut un temps les alentours des bâtiments principaux. Le lycée ne l'intéressait pas particulièrement, puisque son antre se situait, d'après ce qu'elle avait compris, dans le bâtiment universitaire. Une chambre noire, rien que pour ses élèves et elle. Elle pensa d'ailleurs qu'il ne serait pas inutile de les faire commencer par l'argentique, avec une pellicule noir & blanc, pour leur faire découvrir le tirage photo. L'appareil à la main, sa sacoche se balançant avec l'impulsion de sa démarche, elle parcourait le campus à la recherche d'inspiration, découvrant son futur lieu de travail. Elle ne savait même pas si elle aurait une salle attribuée, dans laquelle donner son cours, mis à part la chambre noire – un cours dans l'obscurité la plus totale n'est pas des plus pratique. Elle aurait sûrement recours à une salle, pour leur apprendre à gérer les prises en studio, les photos d'objets ou d'aliments... perdue dans ses pensées, elle atterrit dans ce genre pièce où elle n'aurait jamais pensé se retrouver à nouveau. Entendant du bruit derrière la porte, elle n'était pas seule. Aileen se décida donc. Il fallait qu'elle ouvre cette porte.

Elle était à présent au premier étage de l'établissement, et s'apprêtait à actionner la poignée. Elle hésita une seconde, avant de pénétrer dans la pièce. Il s'agissait d'un studio de danse, une salle spacieuse, avec des miroirs et des barres pour s'étirer, s'échauffer, s'entraîner. Le parquet luisait, et Aileen se perdit quelques minutes à rêver, contemplant la pièce. C'est alors que ses pieds regagnèrent la Terre et que sa tête quitta les nuages. Il y avait quelqu'un, quelqu'un qu'elle avait visiblement dérangé, à en croire le ton un peu sec de son intervention.


« Bonjour. Vous cherchez quelque chose ? »


Voici donc que les élèves se rendaient à l'école, même le weekend. À leur âge, Aileen ne pensait qu'à la fuir dès que la semaine prenait fin. À cette pensée, elle eut un léger sourire, assez discret, avant de répondre toutefois à son hôte.


« Je suis désolée si je vous ai dérangée. Je suis Miss Waeslynck. J'étais simplement en train de... visiter, avant de donner mon premier cours, lundi. »


En tant que professeur, elle aurait pu la tutoyer, certes. Mais elle n'en avait pas eu le réflexe, bien que la jeune fille soit d'une toute autre génération. Elle n'aimait pas trop tutoyer les gens qu'elle rencontrait directement. Elle préférait prendre un peu de temps. Mais certainement que son rôle de professeur changerait la donne. Elle reprit ses esprits et contempla son interlocutrice.

Il s'agissait d'une élève, assurément. Elle avait un air plutôt calme, apaisé, bien que son ton n'ait que peu convenu à Aileen. Elle n'était pas franchement accueillante, peut-être un peu solitaire... Son look un peu garçonne fit sourire Aileen d'un sourire loin d'être moqueur. Le fait est qu'elle se trouvait à présent face à une jeune fille, d'apparence frêle, aux corps fins et musclé, aux formes peu apparentes... Typique des danseuses classiques de longue durée. La jeune fille devait avoir des années d'entraînement dans les pattes. Mais ce qui contrastait, c'était le fait que face à ses cheveux courts, dignes d'un garçon blondinet, elle était toute de rose vêtue. Cette cassure fit sourire Aileen, bien loin de penser à blesser l'adolescente. Regardant l'appareil reposant dans sa main droite, elle réfléchit une minute.


« Ça te dérange si je prend quelques photos durant ton entraînement ? Je suis prof de photo, ici. Vu que j'ai un peu de temps, si ça ne te gêne pas... »



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L'intruse commença par se présenter à Lou, ce qu'elle du reconnaître comme un geste de bonne volonté de sa part. Une professeure, donc. Maintenant que c'était confirmé, Lou ne pouvait s'empêcher de trouver cette Miss Waeslynck un peu trop jeune pour être professeure. Elle ne devait pas avoir plus de trente ans. Et pourtant une sorte de maturité, de sérieux se dégageait d'elle. Un petit quelque chose qui intimait le respect. Et qui empêcha la jeune fille de se sentir outrée d'avoir été dérangée dans ses entraînements par quelqu'un qui venait « visiter ». Une touriste, quoi. Lou se demanda quelle matière elle pouvait bien enseigner, et sans trop réfléchir son esprit se tourna vers des matières artistiques. Une femme si belle devait bien être artiste, c'était trop dommage sinon. Mais il en restait que la jeune femme l'avait interrompue, même si l'interruption devait être brêve, comme l'avait indiqué ce qu'elle avait dit. Incapable de rester longtemps sans bouger dans un studio de danse, Lou fit un léger signe de tête pour signifier qu'elle avait entendu ce que disait la professeure, et retourna à ses étirements. Elle leva les bras au-dessus de sa tête et fit un rond de jambe, étirant sa jambe le plus possible, sentant tous les muscles de son corps travailler sous sa peau... Elle rouvrit ses yeux qu'elle ne se souvenait pas avoir fermés. Miss Waeslynck était toujours là.
Elle la regardait en souriant, et immédiatement, il vint à l'esprit de Lou qu'elle se moquait d'elle. Résultat d'années de brimades à l'école de danse. Son image se refletait dans le mirroir mural derrière la jeune femme. Une silhouette avachie, comme elle l'était à chaque fois qu'elle arrêtait de danser, le dos courbé, les mains, gauches, ne sachant pas très bien où se mettre. Une coupe de garçon et du maquillage de fille. Cette saleté de tenue de danse rose qui lui donnait un air de bonbon. Oui, la professeure avait sans doutes des raisons de sourire, Lou le reconnaissait, ça ne voulait pas dire que ça lui plaisait. Son visage se durcit insensiblement.
Elle se radoucit un peu lorsque la jeune femme lui annonça la raison pour laquelle elle était restée. Ah. Elle voulait la prendre en photo. Il fallait dire que ça lui allait bien, comme boulot, prof de photo. Bon, peut-être que comme ça, elle pourrait lui montrer, elle pourrait lui faire voir qu'elle n'était pas qu'une fille-garçon aux allures de rat mouillé. S'il y avait une chose que Lou aimait, c'était danser. Danser bien. Et devant un public, c'était un plus. Elle était consciente qu'il n'y avait pas beaucoup de choses dans lesquelles elle excellait dans la vie, mais la danse était l'une d'entre elles. Elle allait lui montrer, lui apprendre à se moquer sans savoir. Laconiquement, elle répondit :


« Pas de problème. »


Puis, elle se dirigea vers la chaîne et y brancha son lecteur mp3. Elle passa un instant à chercher un morceau qu'elle connaîssait suffisament bien pour l'exécuter le mieux possible. Elle ne voulait pas lui donner le plaisir de tomber ou de rater un pas. Elle opta finalement pour le solo d'Odette dans le Lac des Cygnes. C'était un morceau difficile, mais elle l'avait répété sans relâche pendant des mois à l'école de danse pour le présenter au gala de fin d'année. Elle avait été hantée pendant des nuits et des nuits par l'idée de tomber à un moment crucial du morceau, et la satisfaction que cela donnerait à ses camarades de classe. Elle appuya sur play, se positiona au centre de la pièce, et commença à danser. Immédiatement ses mouvements maladroits se firent grâcieux, ses bras souples et aériens, ses jambes légères... Enfin, le résultat d'années de travail acharné se faisaient sentir et elle ne pensait plus aux mouvements, aux pliés et aux arabesques, elle se laissait porter par la musique et la mémoire de son corps faisait le reste. Elle atteignit finalement les derniers moments de la musique, et fit une révérence pleine de grace, plus pour elle-même que pour sa spectatrice. Ce n'est qu'après la fin du morceau qu'elle se souvint qu'elle n'était pas seule, et adressa un signe de tête à la professeure. Sa rancoeur pour elle et son sourire déplacé s'était atténué alors qu'elle dansait et surtout, elle se sentait si sûre d'elle-même pour le moment qu'elle ne trouvait plus de raisons pour lesquelles on pourrait se moquer d'elle. Bientôt, bientôt, la réalité de son apparence de vilain petit canard reviendrait la hanter. Mais pour le moment, elle était libre, elle était fière. Elle savait voler.

« J'espère que ça vous ira. N'hésitez pas si vous avez besoin d'autre chose. »

[Ce à quoi ressemble la danse de Lou (à peu près, elle n'est pas aussi pro que ça) : ici
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Lorsqu'elle avait vu la jeune fille, Aileen la pensait trop coincée ou trop timide pour se prêter au jeu. Servir de modèle pour la professeure de photographie en question était une tâche bien compliquée, et peu savaient s'y tenir. En réalité, elle voulait qu'on oublie l'objectif, qu'on oublie sa présence. Elle estime que les photographes sont des chasseurs d'instants qui meurent, ce qui rend leur art si particulier. Immortaliser un mouvement, un sourire, un regard... Aileen souhaitait que l'objectif disparaisse aux yeux du modèle, et voulait presque s'immiscer dans son intimité. Il n'y a que de cette manière qu'elle pourrait raconter une véritable histoire, que ce soit la vraie ou non.


« Ça te dérange si je prends quelques photos durant ton entraînement ? Je suis prof de photo, ici. Vu que j'ai un peu de temps, si ça ne te gêne pas... »

« Pas de problème. »



La jeune fille ne sembla pas surprise lorsque sa convive lui annonça son poste, bien que Aileen repéra un regard suspect, comme si elle la trouvait trop jeune pour un emploi pareil. Aileen ne s'arrêta pas à ce détail, et se ressaisit rapidement, car l'étudiante était déjà en train de danser. Elle reconnut la musique qui envahit la pièce. Il lui semblait entendre le Lac des Cygnes, un ballet extraordinaire, qu'elle avait vu en compagnie de ses mères il y a de cela une quinzaine d'années. Depuis, beaucoup de temps s'est écoulé, et Aileen avait oublié bien des événements ultérieurs à celui-ci. Pourtant, elle en avait gardé un souvenir clair, et bien que l'adolescente ne soit pas professionnelle, elle ne semblait pas loin de l'exactitude, dans ses gestes et dans son attitude. En matière de danse classique, Aileen ne pouvait être plus vague. Elle n'avait jamais pratiqué, elle avait beaucoup vu, mais elle connaissait surtout la musculature et la grâce propres aux danseuses classiques, à travers ses photos.

Aileen fut transportée, bien plus par la danse que par la musique elle-même. La jeune fille avait réussi à l'attendrir, dans sa petite tenue rose bonbon. Elle prit quelques clichés, observant tout de même l'exécution des mouvements. Elle parcourait la pièce en restant à une certaine distance de l'inconnue, histoire de ne pas la déranger. Souvent accroupie, elle voulait faire paraître l'idée d'une grandeur, d'une grâce, mais également de l'envol de la jeune fille. Cela se voyait non seulement dans ses gestes, mais aussi sur son visage. Elle était épanouie, c'était tout autre chose lorsqu'elle ne dansait pas. Elle prit donc deux photos en contre-plongée.

Soudain, la musique parut plus puissante et les mouvements s'accélérèrent. La danseuse exécuta ce que Aileen aurait qualifié de déboulés, mais rien n'en était moins sûr. Tournant autour de la danseuse, Aileen saisit encore quelques instants. Elle prit un photo de la danseuse de trois-quart dos, jetant son bras et son buste en avant, tandis que l'une de ses jambes, étendue vers l'arrière, faisait un étonnant contre-poids. Elle se concentra ensuite sur la toute fin du solo, lorsque la jeune fille se trouvait au sol.



« J'espère que ça vous ira. N'hésitez pas si vous avez besoin d'autre chose. »


Aileen avait à peine remarqué que la musique s'était terminée. Elle avait même photographié la grâcieuse révérence de la sportive. Après quelques secondes d'hésitation, elle s'adressa de nouveau à celle qui avait accepté de la supporter encore un peu. Elle se décida pour lui montrer ses clichés et s'approcha tout en lui demandant :


« J'aimerais bien avoir ton nom, histoire au moins de l'afficher sous les photos, de savoir qui j'ai photographié. Regarde. Ce n'est pas du grand art, mais j'ai pris quatre ou cinq photos sur le vif... »


Aileen débuta alors sa démonstration. Il n'était pas question de s'en vanter, mais de montrer à l'étudiante à quel point sa danse la mettait en valeur, et combien elle pouvait être photogénique. Cet air quand elle dansait... elle semblait réellement libre de toutes contraintes. Elle semblait inatteignable. C'était impressionnant.


« Prendre ces photos m'a beaucoup plu, il faut l'avouer. Je m'attendais à beaucoup moins, en te voyant au premier abord. Il faut dire que ta coupe à la garçonne et ton air renfermé ne me criaient ps que tu allais te prêter au jeu. Mais en réalité, quand tu danses, on a l'impression que tu es une toute autre personne, et ça fait partie des histoires que j'aime raconter. Je peux te prendre au naturel, s'il te plaît ? Histoire de faire apparaître le contraste... »


L'adulte venait de se rendre compte qu'elle avait commencé à tutoyer l'élève, sans le vouloir. Elle espérait que la jeune fille n'en soit pas blessée. Enfin, de toute façon, le mal était fait. Et puisqu'elle avait déjà une option, elle n'allait certainement pas être dans sa classe. Aileen ne s'en inquiéta donc pas plus que cela.

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Lou n'avait pas peur de danser. Surtout quand il s'agissait d'un morceau qu'elle connaissait si bien. Elle avait l'habitude, depuis son plus jeune âge, des galas, des ballets, du public. C'était le moment qu'elle préférait, celui où elle pouvait montrer ce qu'elle savait faire, prouver qu'elle n'était pas qu'une petit fille maladroite, et que son style de vie, tout entier organisé autour de la danse, était le meilleur choix pour elle. Et puis il y avait le visage comblé de sa mère, qui avait toujours voulu qu'elle soit une danseuse. C'était le seul moment où elles se comprenaient vraiment.
Voilà les pensées qui peuplaient l'esprit de Lou lorsqu'elle eut finit de danser et que son corps redevenait soudain maladroit, disgracieux. Ses bras devenaient ballants, ne sachant trop quoi en faire. Son dos se courbait. Elle remarqua à nouveau la jeune femme qui l'avait prise en photo, après l'avoir presque oubliée en dansant. Un comble, alors qu'elle avait fait tout cela pour l'impressioner. Mais quand elle dansait, il fallait croire que même les petitesses de sa personnalité étaient gommées. La professeure lui demanda son nom et lui tendit son appareil, pour qu'elle puisse voir les photos qu'elle avait prises. Lou vint à côté de la jeune femme et regarda les clichés. Elle avait l'habitude de se voir danser sur des films tremblotants enregistrés caméra à la main par son père, mais jamais des photos de professionnel. La photographe avait su saisir les moments forts du solo, mais aussi, il semblait, l'âme de sa performance. Des moments de grace. Lou remarqua cependant que, si elle paraissait libérée, heureuse sur les photos, elle n'était pas Odette. Elle restait Lou. Lou dansant comme Odette. Son visage restait le sien. Elle en était consciente, c'était son grand défaut. Elle ne saurait être une danseuse sans être aussi, un peu, une actrice. Elle se promis de demander à participer aux cours de théâtre de l'établissement quand l'occasion se présenterait. Après avoir passé quelques secondes à observer les photos, elle releva la tête et répondit à la jeune femme.


« Je m'appelle Lou Applebaum. Je ne m'y connais pas du tout en photographie, mais je trouve vos photos très... vraies. Et élégantes. Vous devez être très douée pour réussir à prendre tout cela sur le vif. Et je vous remercie, c'est un très bon moyen de voir ce que j'ai besoin d'améliorer, en l'occurence mon jeu d'acteur. »


Oui, malgré la qualité des clichés, Lou ne se reposait pas sur ses lauriers. Elle était consciente que de toute la beauté et l'élégance qui transparaissaient, beaucoup était due au fait que la photographe était très douée elle-même. Elle était consciente qu'elle savait danser, et bien danser, mais elle manquait toujours de légèreté et de vie. Ses personnages n'étaient que des masques en carton pâte, et on la voyait si facilement à travers...
Seulement à ce moment-là réalisa-t-elle que la professeure voudrait peut-être montrer les photos, à ses élèves peut-être. L'idée ne la dérangeait pas, au contraire. Si elle pouvait être connue par ses camarades de classe pour quelque chose, autant que ce soit pour sa danse, quelque chose où elle apparaissait à son avantage, plutôt que comme une gosse de riche ou un bourreau de travail. Mais ce que dit la jeune femme ensuite la fit reconsidérer cela. Alors, elle ne s'attendait pas à ce qu'elle soit bonne danseuse à cause de son apparence ? Voilà une professeure qui irait loin avec ses élèves si elle jugeait tout sur ce qu'elle voyait de prime abord. Et surtout, ce n'était pas ce à quoi elle s'attendait d'une photographe. Lou savait qu'elle avait raison, qu'elle était loin d'avoir la dégaine d'une danseuse. Mais quand même. Cela ne voulait pas dire que ça faisait plaisir à entendre. Sa mère lui disait toujours, tiens toi droite, arrête de traîner les pieds quand tu marches... Sans la danse pour rattrapper le coup, elle ne savait pas quel intérêt elle aurait eu pour elle. Enfin. Avant de répondre à la demande de la jeune femme, Lou, méfiante, préfèra se renseigner.


« Que comptez-vous faire de ces photos ? »

Etre montrée dans une salle de classe à son avantage, comme une danseuse gracieuse, c'était une chose. Etre un animal de foire, un vilain petit canard qui se transforme en cygne, c'en était une autre. Cela méritait réflexion. C'était plus honnête cependant. Montrer les deux parties d'elle-même, plutôt que de cacher celle dont elle n'était pas fière... C'était peut-être peu flatteur mais une artiste se devait d'être vraie, non ? Et elle était une artiste. En tous cas, elle voulait en être une. Elle soupira. Finalement, sans attendre la réponse de Miss Waeselynck, elle hocha la tête.

« D'accord, vous pouvez me prendre en photo comme ça. Mais je vous préviens, je ne vais sans doutes pas être un modèle très facile. »
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La jeune femme fut touchée par les remarques de Lou. Elle appréciait donc ses photos, peut-être accepterait-elle alors de la laisser en exposer certaines dans sa classe, histoire de montrer à ses élèves en quoi une image peut raconter une histoire, une vie ou une tranche de celle-ci. Elle pensait également à l'afficher pour être certain qu'ils saisissent les complexités de cet art. Il fallait être capable de saisir le mouvement, être capable de disparaître aux yeux du modèle et surtout, surtout, ne pas se fier à l'apparence de celui-ci. Car il existe toujours un domaine dans lequel l'être se transforme. Une chenille danseuse n'est qu'une chenille lorsqu'elle ne danse pas, mais elle devient papillon quand elle s'y met. Et les photos mettaient en avant ce côté de Lou, qui en était un exemple parfait. Repensant à sa remarque, quant au décalage par rapport à son allure habituelle, et sa façon de danser, Aileen remarqua qu'elle avait pu être blessante. Elle était à deux doigts de s'excuser, lorsque la jeune fille enchaîna.


« Qu'allez-vous faire des photos ? »


Elle ne prit même pas la peine d'attendre une réponse de la jeune femme, et répondit à sa seconde question. Mais cette réplique arracha Aileen de ses pensées. Elle sortit un calepin noir, l'ouvrit et, tout en écoutant la jeune fille, nota dans un coin :
'' 25/05/2013
Lou Applebaum – Danse''



« D'accord, vous pouvez me prendre en photo comme ça. Mais je vous préviens, je ne vais sans doute pas être un modèle très facile. »

« Oh. Ce n'est qu'une formalité »
enchaîna Aileen. « Imagine que c'est une photo d'identité, et rajoute un sourire si tu le souhaites. »


Tout en cadrant la jeune fille de sorte à ce que la photo paraisse le plus naturel possible, Aileen lui expliqua ce qu'elle comptait faire des photos.


« Pour les photos, j'aimerais en exposer une ou deux dans ma classe, avec ta permission, histoire de leur montrer ce que j'attends d'eux. Si je n'ai aucun exemple plausible, j'ai peur qu'ils ne me présentent que des photos type vacances entre potes ou macro pâquerettes... »


Lorsqu'elle eût pris quelques photos, elle abaissa son appareil et contempla les clichés, tout en laissant une place à Lou au cas où elle désirerait les voir également. Sans lever les yeux vers la jeune fille, elle enchaîna :


« Je me suis peut-être mal exprimée, lors de cette séance photo. Mais tu es un très bon modèle. Par ta danse, tu racontes une histoire. Mais au naturel aussi. D'une certaine manière, nous racontons tous une histoire. Nous en racontons des milliers. Les photographes sont chargés de capturer ses histoires, et chacun interprète une photo à sa manière. Tu dégages beaucoup de choses. Au naturel, comme en dansant. Tu en dégages plus en dansant, il faut le dire. Mais je me demande si ce n'est pas en exécutant quelques pas que tu es toi-même. »


Peut-être s'enfonçait-elle encore, mais elle espérait que ces remarques sonnent comme un compliment. Pour elle, c'en était. Lou semblait être une très bonne danseuse – bien que Aileen ne soit pas tout à fait à même d'en juger – et elle était un parfait modèle. Elle voulait montrer à ses élèves qu'une personne plutôt jolie, et d'allure assez simple, pouvait faire un magnifique sujet de photographie. Elle voulait montrer que, même si de prime abord il n'est pas question de prendre certaines personnes en photo de peur de ne rien raconter, de ne rien montrer, il y a toujours un domaine dans lequel ces individus brillent. Il s'agit simplement de choisir le domaine pour que le modèle se laisse aller et oublie l'objectif. De nouveau perdue dans ses pensées, elle lança d'une voix douce :


« Tu es un très bon modèle, Lou... »

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Imaginer que c'était une photo d'identitée... C'était bien simple n'est-ce pas ? Sauf que Lou n'avait jamais aimé ce type de photo, quoi qu'elle fasse elle avait soit un sourire débile soit l'air d'avoir envie de manger l'appareil photo. Avec frites et ketchup, s'il-vous-plaît. C'était assez étonnant pour elle d'être d'humeur sarcastique. Il fallait croire que Miss Waeselynck faisait quelque chose de bien, parce qu'elle la mettait à l'aise. C'était peut-être parce qu'elle faisait si jeune, pour une professeure. La méfiance de Lou s'évaporait petit à petit. Elle n'était toujours pas convaincue, cependant, que la jeune femme avait son intérêt à cœur et qu'elle ne comptait pas l'exposer dans sa classe comme une bonne blague à l'intention de ses élèves. Mais pour le moment, elle se préparait à prendre la photo tant redoutée. Gênée par l'appareil pour la première fois depuis le début de la séance, Lou remis ses cheveux derrière ses oreilles d'un geste peu assuré. C'est à ce moment précis que le « clic » de l'appareil photo retentit. Elle se sentit alors comme une brebis égarée devant les feux d'une voiture, et sentit ses yeux s'agrandir, comme effrayés. Elle devait avoir l'air maligne.
La jeune femme commença à lui parler pendant qu'elle photographiait, ce qui eut l'avantage de distraire Lou, qui ne s'occupa plus de l'appareil, concentrant son regard sur la professeure. Exposer les photos dans sa classe... C'était ce qu'elle craignait et en même temps, pas tout à fait. Elle avait l'intention de les utiliser comme exemple, juste du matériel pédagogique. En soit, cela ne changerait pas grand-chose que la photo fut d'elle ou d'une vue d'Aitkin de nuit. Avec un peu de chance, les élèves seraient aussi professionnels que leur enseignante et ne verrait même pas la maladresse du modèle au naturel. Sans qu'elle s'en rende compte, Miss Waeselynck avait terminé de la prendre en photo. Elle regardait à présent les clichés, laissant Lou libre de l'imiter ou de rester dans l'ignorance. La jeune fille préfèra savoir. Il était évident d'après les photos que celle qui les avait prises était une professionnelle : aucune n'était floue, et même celles qui étaient les moins flatteuses à l'encontre de Lou révèlaient quelque chose d'elle. Sa fragilité. Sa gène. Elle n'était pas sûre de vouloir que ses faiblesses soient exposées ainsi au grand jour. Elle allait le dire à la professeure, mais celle-ci reprit la parole.


« Je me suis peut-être mal exprimée, lors de cette séance photo. Mais tu es un très bon modèle. Par ta danse, tu racontes une histoire. Mais au naturel aussi. D'une certaine manière, nous racontons tous une histoire. Nous en racontons des milliers. Les photographes sont chargés de capturer ses histoires, et chacun interprète une photo à sa manière. Tu dégages beaucoup de choses. Au naturel, comme en dansant. Tu en dégages plus en dansant, il faut le dire. Mais je me demande si ce n'est pas en exécutant quelques pas que tu es toi-même. »

En si peu de temps – quelques minutes à peine – elle avait su capter beaucoup de choses qui faisaient de Lou ce qu'elle était. C'était... effrayant, un peu. Mais cela créait aussi une sorte de complicité entre les deux femmes, une entente mutuelle : chacune comprenait et valuait l'art de l'autre. Lou ne vit pas ce que disait Miss Waeselynck comme un compliment, mais plutôt comme une simple remarque, un discours sur la photographie en général. Et Lou pensait comprendre, à présent, qu'il avait été quelque peu immature de sa part de s'inquiéter d'être jolie ou admirable sur les photos. Elle craignait toujours d'être trop à nue sur ces photos mais comme l'avait dit l'enseignante, c'étaient ses photos en danseuse qui montraient le mieux qui elle était. Le vilain petit canard, c'était une autre histoire, une autre part d'elle-même, aussi importante même si elle l'aimait moins. C'était un peu comme Miss Waeselynck elle-même : elle avait pu le remarquer, elle avait beau l'avoir trouvée belle dès le départ, c'était lorsque la jeune femme photographiait qu'elle avait cet air passionné qui la magnifiait.

« Je crois que je comprends. Je vous donne ma permission, si vous la voulez, d'afficher dans votre classe les photos que vous avez prises. Et je vous remercie de m'avoir donné un apperçu de votre art, c'est toujours une expérience fascinante. Comme un... monde nouveau. » Lou se rendit compte qu'à défaut de dire des choses intelligentes, elle devait être en train d'énoncer les pires banalités possibles. Elle remit nerveusement ses cheveux derrière ses oreilles et s'éclaircit la gorge, le regard soudain fuyant. Changer de sujet, changer de sujet... « Est-ce qu'il vous arrive souvent de prendre en photo les gens comme ça, à l'improviste ? »
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Lou semblait prendre confiance. La jeune photographe la surprit même à esquisser un léger sourire, quelques secondes après que l'appareil n'ait commencé à la fixer. Lou avait l'air ailleurs, perdue dans ses pensées, mais toujours concentrée sur l'objectif, le dévorant des yeux. Pour qu'elle oublie la photographe, il fallait qu'elle danse. Aileen savait comme il pouvait être désagrable pour certains de se trouver devant l'objectif, avec le masque qu'ils adoptaient en société. Elle fit donc au plus rapide, et ne prit que deux photos de la jeune fille au naturel. Alors que l'adulte s'apprêtait à actionner le déclencheur, son modèle replaça une mèche derrière son oreille. Aileen ne put s'empêcher de prendre sa photo à l'instant, prise par son élan. Lou sembla surprise, Aileen était légèrement gênée. Elle aurait préféré ne pas prendre cette photo, histoire que la jeune fille se soit trouvée dans une situation où elle s'attendait à ce que cette photo arrive.

Le fait qu'elle s'adresse directement à la modèle lui fit oublier cette gêne. Visiblement, la discussion contentait également Lou, qui oubliait de plus en plus la présence de l'appareil photo. Elle se concentrait plutôt sur la professeur qui, involontairement, ne la regardait pas dans les yeux. Absorbée par l'écran de son numérique, elle s'occupait des réglages, de la mise au point, du cadrage, avant de prendre une seconde photo. Coupée par la réponse de Lou, la photographe baissa son objectif, posant à présent son regard sur la danseuse.



« Je crois que je comprends. Je vous donne ma permission, si vous la voulez, d'afficher dans votre classe les photos que vous avez prises. Et je vous remercie de m'avoir donné un aperçu de votre art, c'est toujours une expérience fascinante. Comme un... monde nouveau. »


La jeune fille sembla immédiatement dérangée par sa remarque. Si celle-ci était plutôt banale, elle était toutefois touchante. Et elle eut le mérite de surprendre Aileen. En réalité, elle ne pensait pas pouvoir être aussi touchée par cette élève. Elle changea immédiatement de sujet.


« Est-ce qu'il vous arrive souvent de prendre en photo les gens comme ça, à l'improviste ? »

« Hein ? Euh... Oui. J'estime que mon travail doit être fait sur le vif. Je ne demande pas toujours si je peux photographier, histoire que ma présence n'influe pas sur le comportement du modèle. Évidemment, je demande après. Si c'est refusé, je supprime. Mais il y a certaines personnes, comme toi, qui oublie que je suis présente quand ils font ce qu'ils aiment. »



Aileen profita de cette réplique pour ranger son appareil photo. Sa sacoche une fois pleine, elle continua sa tirade.


« C'est comme si je te demandais d'arrêter définitivement de danser. Tu n'en serais pas capable, n'est-ce pas ? Et bien, je ne pourrais pas m'arrêter de photographier. Mon travail est de traquer des instants qui meurent. Si ces photos ne sont pas prises sur le vif, elles ne sont pas naturelles, et ne sont pas des instants éphémères. C'est pas terrible de prendre ce genre de photos. Si tu savais comme je m'en veux, à chaque fois que je réponds à une commande. J'ai l'impression de cracher sur la photographie. Mais il faut bien ça pour apprendre et s'entraîner, on va dire. »


La jeune photographe laissa apparaître un sourire en coin sur son visage légèrement baissé, lui donnant un air plutôt espiègle, sans pourtant paraître enfantin. Réajustant nerveusement la position de sa besace, elle retourna la question à son interlocutrice.


« Et toi, alors ? Ça te prend souvent de te lever un samedi pour venir danser ? »

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Lou se sentait à la fois très à l'aise avec Miss Weaselynk, et regrettait de laisser voir tant de choses d'elle-même. C'était inattendu et elle n'aimait pas ça. Dans toutes ses relations, elle avait l'habitude de ne dévoiler que le stricte minimum sur elle, de laisser les autres parler, se révèler. Un mécanisme de défense qui lui aurait été bien utile un an plus tôt, lorsque ce qu'elle avait révèlé d'elle-même avait tourné toute l'école de danse contre elle. C'était la seule solution pour vivre paisiblement, pratiquer son art sans ces problèmes bassement matériels. Mais avait-elle quelque chose à craindre d'une professeur de photographie ? Que ferait-elle de ce qu'elle apprendrait d'elle ? Irait-elle se moquer de la petite danseuse dans la salle des profs après la séance photo ? Non. Ça ne semblait pas être son genre. Pourtant... Pourtant la garde de Lou restait levée. Elle ne voulait pas lui laisser la moindre possibilité de pouvoir lui faire du mal, même si ce n'était pas du tout ce que la jeune femme avait en tête. Ainsi, alors même qu'elle commençait à se laisser aller, à dire les choses comme elles li passaient par la tête, elle s'interrompit et changea de sujet.
Très vite elle se félicita de ce choix. La photographe, lancée sur son art, ne tarrissait plus. C'était très intéressant à écouter, cette vision du monde comme une collection de moments éphémères à capturer comme des papillons, avec douceur et vivacité.


« C'est si différent de la danse, où tout, absolument tout doit être préparé, prévu, répété des centaines de fois pour atteindre la pureté des mouvements. C'est un art pensé au milimètre, où rien d'autre que la perfection n'était acceptable. Vous, vous atteignez la perfection en un millième de seconde, le temps d'appuyer sur votre objectif. Je ne dis pas que c'est moins remarquable, au contraire, c'est d'autant plus fascinant. Pour atteindre cinq minutes de poésie, moi je dois m'entraîner pendant des heures et des heures. »


Parler sans se découvrir, Lou avait de nouveau atteint son équilibre précaire dans lequel se passaient toutes ses relations. On parlait d'art, elle s'efforçait de dire le moins de choses personnelles possible. C'était comme la danse. Elle n'improvisait jamais en présence de quelqu'un d'autre, elle ne présentait jamais aux autres que des morceaux qu'elle connaissait sur le bout des doigts. Une drôle de pensée traversa l'esprit de Lou. Quand elle était petite, elle s'amusait avec la danse beaucoup plus librement. Elle jouait à impressionner ses amis avec ses ronds de jambes et ses grands écarts, dansait sur n'importe quelle musique et se laissait porter par les sons. Maintenant... Elle passait tellement de temps à maîtriser les morceaux qu'elle apprenait qu'elle ne prenait plus le temps d'improviser. Elle se promit de le faire à nouveau. Justement, Miss Weaselynk lui demanda si elle avait l'habitude de venir là le samedi matin.

« Je viens dès que je peux. Comme je disais, la danse ne s'improvise pas, ça demande énormément de travail, alors je fais de mon mieux pour maîtriser autant de morceaux que je peux. Je voulais commencer à travailler le solo de Kitri dans le ballet Don Quichotte aujourd'hui, et il me faudra au moins deux ou trois semaines pour le connaître vraiment, je pense. Peut-être plus. En venant ici tous les soirs après les cours et tous les samedis. »

D'ailleurs, combien de temps avait-elle passé à discuter ainsi avec la jeune femme ? Ce n'était pas sérieux. Elle devrait être en train de travailler, et pour le moment, elle n'avait rien fait d'autre que quelques étirements, un solo qu'elle connaissait déjà sur le bout des doigts, et parler photographie et danse avec une professeure. Non, ce n'était pas sérieux du tout. Elle jeta un regard à son reflet dans le mirroir, et frotta ses mains l'une contre l'autre, l'air un peu coupable.
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Aileen fut surprise par le comportement de Lou. Alors qu'à son arrivée, celle-ci lui avait semblé dérangée, voire hostile à sa présence, elle paraissait à présent en confiance, rassurée. Mais un sentiment dérangea la photographe. Peut-être y était-elle allée un peu fort. Bien que la jeune fille soit plus à l'aise, elle semblait se remettre en question. Aileen avait tendance à analyser les gens à travers leur façon de poser, de se laisser aller face à l'objectif, de se différencier... Plus Aileen prenait de gens en photo, plus elle réalisait que personne ne se comportait vraiment naturellement en société. La présence des autres, leur regard posé sur chacun d'entre nous, nous pousse à adopter un comportement qui n'est pas à proprement parlé le nôtre. La photographe ne se pensait pas comme cela, mais entama également une introspection, sans pour autant trop paraître le faire.


« C'est si différent de la danse, où tout, absolument tout doit être préparé, prévu, répété des centaines de fois pour atteindre la pureté des mouvements. C'est un art pensé au millimètre, où rien d'autre que la perfection n'est acceptable. Vous, vous atteignez perfection en un millième de seconde, le temps d'appuyer sur votre objectif. Je ne dis pas que c'est moins remarquable, au contraire, c'est d'autant plus fascinant. Pour atteindre cinq minutes de poésie, moi je dois m'entraîner pendant des heures et des heures. »

« Cette facilité n'est qu'une façade. Si ce n'est pas forcément préparé dans quelques cas, c'est prévu dans la plupart. Il faut souvent faire en fonction d'un thème, d'une ambiance... Et si tu savais à quel point ne pas être foutue de retranscrire une ambiance à travers un cliché est frustrant. Enfin, j'imagine que c'est la même chose pour la danse... À cela s'ajoute tous les réglages à faire, l'exposition, la vitesse, le diaphragme... C'est un sacré bordel aussi, tu sais ? »



Aileen esquissa un sourire presque maternel, amusée par la vision de Lou. Un millième de seconde... Si elle savait tout le travail qu'il y avait derrière un simple cliché. Un shooting pouvait prendre un après-midi, voire une journée entière. Pour en tirer cinq ou six clichés, peut-être ? Triplé, quadruplé, s'il le faut, mais cinq inventions tout de même... Et Aileen avait le sentiment que la tâche se faisait plus rude lorsque ces clichés devaient paraître naturels, ou pris sur le vif. Lou savait se laisser aller lorsqu'elle dansait, et en oubliait l'objectif. Mais ceci n'est pas donné à tout le monde, et demander à un modèle d'oublier l'objectif, saisir des tranches de vie, alors que ces situations sont prévues, n'est pas chose aisée.

En tout cas, Lou restait humble. Si elle pensait, quelque peu injustement, que la photographie imposait moins de contraintes que la danse, elle n'estimait pas que la danse était un art plus méritant. Décidément, l'adolescente était bien plus qu'intéressante. Ainsi, la danse et la photographie seraient sur un pied d'égalité. Tant mieux. Elle n'aurait pas supporté voir une gamine estimer que ce qu'elle faisait demandait bien plus d'efforts qu'une simple photo. Aileen était ravie d'entendre Lou évoqué une touche de poésie en parlant de sa danse, touchant indirectement à la photo, puisqu'elle était alors en pleine comparaison. En pleine réflexion, Lou répondit à la quesion de la photographe.



« Je viens dès que je peux. Comme je disais, la danse ne s'improvise pas, ça demande énormément de travail, alors je fais de mon mieux pour maîtriser autant de morceaux que je peux. Je voulais commencer à travailler le solo de Kitri dans le ballet Don Quichotte aujourd'hui, et il me faudra au moins deux ou trois semaines pour le connaître vraiment, je pense. Peut-être plus. En venant ici tous les soirs après les cours et tous les samedis. »

« J'ai fait un peu de danse, il y a quelques années. J'ai du faire trois ans en danse moderne jazz. Rien de bien spectaculaire, par rapport à la danse classique. On vous en demande beaucoup plus, il me semble... Et vos efforts se voient rien qu'à votre musculature ! C'est surprenant. »



La jeune professeur réfléchit alors à ce que venait de dire l'élève. Elle devait travailler un solo, et cela lui prendrait des semaines. Des heures et des heures d'entraînement qu'Aileen ne se gênait pas ici pour lui occuper autrement. D'un côté, elle ne pensait pas cela trop mal. Elle avait le sentiment que la jeune fille se consacrait trop à son art. Si Aileen était passionnée de photographie, elle ne prenait pas x photos par jour. Il lui arrivait de ne pas toucher à son appareil pendant trois ou quatre jours. Pourtant, la jeune femme qui lui faisait face s'apprêtait à passer son samedi ainsi, à danser, à tournoyer, à s'entraîner. Aileen trouva soudain cela un peu... triste. Elle avait le sentiment que cette adolescente était seule, seule avec son art, seule avec elle-même. Mais que pouvait-elle pour elle ? Elle n'allait pas lui forcer la main, et elle ne désirait pas non plus devenir l'amie d'une élève. Surtout rencontrée dans le cadre professionnel. Aileen s'y refusait catégoriquement. Elle ne pouvait rien pour cette jeune fille, et peut-être même ne se faisait-elle que quelques idées. Peut-être poussait-elle le vice jusqu'à s'apparenter à cette étudiante. Après tout, à son âge, elle n'était pas si différente.


« Tu dois t'entraîner, et je te vole pas mal de ton temps. Je vais peut-être y aller, si tu veux bosser. »

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Alors la photographie aussi prenait du temps à préparer... Lou s'inquiéta un instant d'avoir vexé Miss Weaselynk en laissant entendre que la photographie était un art « rapide », mais très vite elle comprit que la jeune professeure était au-dessus de cela. Elle lui expliqua très calmement qu'elle avait tord. Lou se dit qu'elle devait être une enseignante très douée. Elle en regrettait presque de ne pas être en cursus photographie pour pouvoir côtoyer une telle femme... ou plutôt, elle espérait que la professeure de danse serait du même acabit. Et si elle pouvait être aussi jolie aussi... Mais bon, ça, ça n'avait pas grande importance. Quelqu'un d'aussi passioné, d'aussi patient, c'était tout ce qu'on pouvait demander d'un professeur. Elle écouta ses explications avec un sourire inhabituel, qui semblait presque étonné de se trouver là sur ses lèvres. Une question lui vint alors à l'esprit :

« Si je peux vous demander... Pourquoi avez-vous décidé d'enseigner ? Vous auriez pu faire de la photographie artistique, ou pour des journaux. Vous avez l'air si passionée par votre art. »

Elle répondit honêtement à la question de la photographe. Elle venait souvent, oui – tout le temps, en fait. La danse exigeait un travail acharné. Elle n'était pas à Volfoni depuis longtemps, mais de tout le temps éveillé qu'elle y avait passé, au moins la moitié avait été passé dans cette salle. L'enseignante lui fit part du fait qu'elle s'était elle-même essayée à la danse modern-jazz pendant trois ans. Oui... Lou retint la remarque que c'était un peu comme si elle-même avait dit « j'avais un appareil photo jetable quand j'avais huit ans ». Depuis ses quatre ans, elle entraînait son corps sans relâche à être souple, elle l'habituait aux plus difficiles des contraintes. Mais elle retint ses remarques acerbes. Miss Weaselynk ne minimisait pas son attachement à la danse classique, au contraire. Lou ne savait pas très bien pourquoi mais elle voulait que la professeure l'apprécie, elle voulait mériter le respect d'une femme comme elle. Elle l'admirait. Et ça ne lui arrivait pas souvent. Elle fut donc flattée quand la jeune femme la complimentait. C'était probablement la seule chose qu'on pouvait apprécier dans son physique, le seul compliment qu'elle n'accepterait pas comme une moquerie. Oui. Elle était musclée, au moins elle avait ça. Ses cheveux blond délavé, sa façon de se tenir toujours affaissée – sa mère ne lui répétait-elle pas sans cesse : tiens-toi droite, ne rentre pas ta tête dans tes épaules ? – ses lèvres trop fines, son nez trop retroussé... Tout dans son corps semblait dire : tant pis pour toi ! Mais elle avait ça. Son corps de danseuse. Miss Weaselynk eut droit au premier vrai sourire de Lou de la journée.

« Tu dois t'entraîner, et je te vole pas mal de ton temps. Je vais peut-être y aller, si tu veux bosser. »

Les mots de la photographe résonnèrent dans la tête de Lou. C'était exactement ce qu'elle pensait, comme si la voix de sa conscience s'était soudain faite réelle, tangible, elle sonnait à ses oreilles dans le timbre de la jeune femme. Oui, elle devait travailler, un coup d'oeil à la pendule au-dessus de la porte lui indiquait qu'elle avait déjà perdu une demi-heure à parler avec elle. Perdu ? Etait-ce vraiment du temps perdu ? Elle avait fait connaissance avec quelqu'un de passionant et de passioné, et elle regrettait qu'en effet, il soit grand temps pour elle de reprendre ses répétitions. Elle passa sa main dans ses cheveux, le regard fuyant, ne sachant trop que faire.

« Je ne veux pas vous mettre dehors... »

En fait, elle voulait même plutôt le contraire. Miss Weaselynk était professeure, et même pas l'une des siens, alors les chances qu'elle ait à nouveau l'occasion de passer du temps avec elle étaient minces. Plus que ça, elles étaient inexistantes. Elle la croiserait sans doutes dans le couloir de temps en temps, lui dirait bonjour, elle aurait peut-être droit à un sourire, mais ce serait tout. Elle se rendit compte que c'était la première personne avec qui elle avait réellement parlé depuis son arrivée à Volfoni. Elle n'était pas du genre à s'attacher pour si peu pourtant. Il fallait croire qu'ici, loin de sa famille et du confort de chez elle, elle n'était plus aussi insensible. Malheureusement, aucune raison de la retenir ne lui vint à l'esprit.

« Mais vous avez raison. Il faut que je travaille. »
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Un air protecteur sur le visage, Aileen avait un air de mère apaisée, voyant son enfant s'épanouir dans une activité qui lui était chère. C'est alors qu'elle se resaisit. Le professeur paternaliste était un peu passé de mode. Allait-elle se comporter ainsi, et avoir cette grimace collée au visage face à ses propres élèves ? En quoi cette gamine pouvait-elle autant la toucher ? Elle chassa ces questions lorsque la jeune fille l'extirpa de ses pensées.


« Si je peux vous demander... Pourquoi avez-vous décidé d'enseigner ? Vous auriez pu faire de la photographie artistique, ou pour des journaux. Vous avez l'air si passionée par votre art. »

« Je pense que ce ne serait pas me rendre service, en fait. Dans le sens où j'aimerais partager ma passion, et donner à d'autres l'envie de persévérer dans cet art, j'estime que devenir professeur est le meilleur moyen d'arriver à mes fins. C'est justement cette passion pour la photographie qui me pousse à transmettre mon savoir. Je ne veux pas simplement afficher mes clichés dans une galerie quelconque. Je veux que les gens essaient de déceler ce qui se cache derrière une photo. »



En réalité, l'objectif de Miss Waeselynck se révélait bien plus compliqué que cela, mais elle-même ne parvenait pas vraiment à mettre des mots sur ce qu'elle désirait. Son point de vue n'était pas extraordinaire, et elle ne devait pas être seule à penser ainsi, à voir le monde sous cet angle. Les photos prises sont un instant unique, qui ne se répétera jamais, mais qui, en lui-même, peut raconter des milliers d'histoires. Pourtant, quand on la voit, on n'en décèle qu'une ou deux. Et on a beau chercher, il semble n'y avoir rien d'autre à raconter. Mais une personne qui décèle deux histoires est rapidement suivie d'une personne qui en décèle deux également, différentes des précédentes. Ce second spectateur cède la place à une troisième personne qui elle-même décèlera deux nouvelles histoires. Et ainsi de suite... Ainsi, des milliers d'histoires se superposent en un seul cliché.

Ce n'était pas si loin de la peinture, au final. Il y avait un tableau qui laissait les gens perplexes, d'une certaine manière. Aileen se plongea quelque peu dans ses souvenirs, histoire de retrouver le nom du tableau et de son créateur. Comment s'appelait-il, déjà ? Hopper. Edward Hopper. Un artiste qu'Aileen s'est permise d'admirer, pour la finesse de ses tableaux qui parviennent à se taire. Là où les photos d'Aileen racontait des histoires, comme bien d'autres photos, les tableaux d'Edward Hopper était destinés à rester muets. Cependant, certains invitaient le visiteur à se poser des questions, d'autres leur contaient discrètement quelque chose. Comme le dernier tableau qu'il a peint, avec ces deux comédiens, le représentant lui, et sa compagne, exécutant une dernière révérence, saluant une dernière fois leur public, avant de quitter définitivement la scène du monde. Une fin pareille laissait Aileen rêveuse. Un artiste de talent, qui s'éteignait en un tableau... Tout cela lui paraissait magique.

La jeune fille était toujours devant elle, mais la photographe ne souhaitait pas l'importuner plus longtemps. D'un côté, elle ne voulait pas trop quitter cette adolescente, peu connue mais si touchante. De l'autre, elle ne voulait pas l'empêcher de s'entraîner, alors que la danse semblait représenter un élément des plus importants pour elle. Ainsi, elle avait pris sa décision. Il fallait qu'elle laisse la jeune fille à son art.



« Tu dois t'entraîner, et je te vole pas mal de temps. Je vais peut-être y aller, si tu veux bosser. »

« Je ne veux pas vous mettre dehors... Mais vous avez raison. Il faut que je travaille. »



Décidément, les soupçons d'Aileen étaient fondés. Elle s'apparentait à cette enfant qui ne semblait pas si différente de ce qu'elle était au même âge. Une fille renfermée, seule, loin des autres... à la différence près qu'Aileen adolescente était entourée de gens, populaire puisqu'intriguante et jolie, paraît-il. Mais au final, a-t-elle conservé ne serait-ce qu'un ami de sa période scolaire ? Triste constat. Elle ne se souvenait de personne, elle ne se rappelait même plus de leurs visages, ni de leurs voix. Leur nom lui était inconnu, et elle se sentit soudain assez vide.

Elle posa son regard sur le carnet qu'elle avait gardé en main. Dans l'autre main, elle reprit son stylo, avant d'arracher une feuille de son petit carnet. La salle vide n'était remplie que des deux jeunes femmes, et Aileen, bien que décidée à laisser l'élève s'entraîner, ne souhaitait pas la quitter ainsi. Étant donné qu'elle n'était pas dans sa classe, elle n'était pas son élève. Et bien qu'elle souhaitait conservé un lien élève – professeur correct avec les jeunes de l'établissement, nous étions samedis, et les deux jeunes femmes ne s'étaient pas rencontrées en tant qu'élève et professeur. Il était plus question d'un shooting, non ? Il s'agissait donc d'un rapport modèle – photographe, tout ce qu'il y a de plus sain.

Voilà que dès le premier jour, Aileen avait l'impression de déroger à l'une de ses plus grandes règles. Après tout, elle pouvait bien faire quelques écarts. Et elle n'allait pas non plus entamer une relation ambigüe avec l'élève, loin de là ! Elle souhaitait simplement garder le contact, parce qu'il y a des gens comme Lou qu'on ne croise qu'une fois si on n'agit pas. Aileen était fixée. Elle devait agir, pour garder cette fille auprès d'elle. Passer du bon temps ne devait pas être bien compliqué. Et la jeune femme, si casanière et inatteignable, décida de s'ouvrir quelque peu aux gens des environs, ces gens qu'elle pourrait rencontrer, apprécier, aimer... Depuis son arrivée ici, Aileen avait l'impression d'être une nouvelle personne. Auparavant, elle n'aurait même jamais pensé à prendre Lou en photo, sur un coup de tête. Elle se serait simplement dit, en la voyant, que ça ne valait pas la peine de la déranger, et ça se serait arrêter là. Pourtant, elle était entrée, elles avaient discuté, et la photographe s'était un peu laissée aller, satisfaite par cette nouvelle rencontre. Elle griffonna quelques numéros sur le morceau de papier qu'elle venait d'arracher, avant de le tendre à l'élève.



« Étant donné que tu n'es pas mon élève et que je ne suis pas en service, je pense que je peux bien te donner mon numéro, si tu veux qu'on se revoit un de ces quatre. On pourrait – je ne sais pas, moi – se retrouver autour d'un verre ou pour une nouvelle séance photo. À toi de voir. En tout cas, tu as mon numéro, tu sais comment me joindre. »



Spoiler:

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Lou repensa à ce que Miss Weaselynk lui avait dit à propos de la raison pour laquelle elle s'était vouée à l'enseignement. C'était noble. Elle n'y avait jamais vraiment pensé comme ça. Au fond d'elle, elle avait toujours un peu plaint ses professeurs de danse, pensant que s'ils étaient là, c'était parce que leur carrière de danseur était terminée, ou parce qu'ils n'avaient pas eu le talent suffisant pour percer. Mais à présent elle les voyait sous un autre angle. Sans ses professeurs, où serait-elle ? Ils partageaient généreusement leur talent et leur expérience pour permettre à d'autres de devenir de grands danseurs... ou photographes. Tout cela ne fit qu'augmenter le respect qu'elle portait à Miss Weaselynk, qu'elle venait pourtant de rencontrer. En si peu de temps, elle avait réussi à s'affirmer comme un modèle à suivre pour Lou, une place que sa mère avait essayé d'occuper pendant dix-sept ans. Oh, Lou ne serait pas professeure, elle aimait trop être sous le feu des projecteurs pour cela, mais humainement, l'enseignante lui apparaissait comme une jeune femme très intelligente, passionée et généreuse. Elle espérait avoir la chance de lui ressembler un peu un jour.
Et puis, elle avait parlé de partir, de la laisser à sa danse. C'était avec regret que Lou avait reconnu devoir se remettre à travailler, chose étonnante pour elle. D'habitude, elle répétait sans relâche, dès qu'elle le pouvait, jusqu'à en oublier presque de manger parfois. Mais aujourd'hui elle voulait que cette rencontre éclaire avec la jeune professeure puisse se prolonger encore un peu, ou alors, qu'elle ait une chance de la revoir et de lui reparler un jour.
Justement, à ce moment-là, Miss Weaselynk lui tendit un bout de papier sur lequel elle avait écrit quelque chose. Serait-ce... ? Elle lui dit qu'elle lui donnait son numéro, pour pouvoir la revoir. Cela voulait-il dire que cette rencontre, si bénéfique pour Lou, l'avait été aussi pour la jeune femme ? Qu'elle aussi craignait avec regret de ne jamais la revoir ? Lou la regarda avec un air surpris. Surpris également d'elle-même : ce n'était pas vraiment son genre d'être si... modeste. Mais cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas rencontré quelqu'un qui l'appréciait vraiment, et qui ne se retournerait pas contre elle à la première occasion. Quelqu'un à qui elle faisait confiance. Cette confiance qu'elle accordait si difficilement, voilà qu'elle la présentait sur un plateau d'argent à quelqu'un qui lui était presque inconnue. Mais elle n'y pouvait rien. Miss Weaselynk avait franchi les barrières de sa méfiance. Alors, arborant un sourire si rare sur ses lèvres, elle dit simplement :


« Merci. »

Et elle s'empara du bout de papier, s'empressant d'aller le mettre dans la poche de son sac, pour être certaine de ne pas l'oublier. Lorsqu'elle releva la tête, la jeune femme était en train de partir. Elle lui adressa un « au revoir » et, la joie au ventre, alla mettre la musique du solo qu'elle voulait travailler. Pour commencer, elle se contenta de fermer les yeux et de l'écouter en improvisant quelques pas, savourant la musique et le souvenir de cette rencontre inattendue, qui lui avait fait tant plaisir.
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Photos et grands jetés [Aileen L. Waeselynck & Lou Applebaum]
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