Come with me!~ [Ashley E. Swanster & Evannah Westgate]

Ash’ avait atterrit sans savoir comment quelque part, perdu derrière ce bled paumé, et pour l’instant, bien qu’il n’est pas la moindre idée de sa position géographique, il n’en avait pas grand-chose à foutre. Il faisait chaud, mais ça restait encore supportable. Il fallait dire que le roux y était habitué, à la chaleur pesante du soleil de Floride, et il le préférait largement aux ciels mouillés que l’automne offrait chaque année l’été fini. Aujourd’hui, par chance, le temps était sec, ce qui lui permettait de ne pas transpirer outre mesure. Ou peut-être qu’il commençait vraiment à se déshydrater… Putain, fait soif !... A ce moment là, il est fort probable que le plus grand rêve d’Ashley est été d’avoir une bouteille d’eau, ou, à défaut de la bière. Il continuait d’avancer, ou plutôt d’errer avec une fébrilité pas flagrante, étonnement. Si le roux était conscient de l’état pitoyable dans lequel le shit l’avait mis, il n’était pas en mesure d’être conscient d’avoir conscience de son état. La phénoménologie, hein. Ce n’était pas vraiment le moment d’aborder ça. Déjà, en temps normal, ça le faisait pas mal chier de savoir que des gens ont assez de temps à perdre pour réfléchir des heures à « Je mange. Je suis conscient que je mange et j’ai conscience d’en avoir conscience ». Putain… Y’en a qui ont que ça à foutre de leur vie. Enfin, les réflexions philosophiques stériles, il était clair que c’était pas son genre, et encore moins après avoir fumé.

Il regarda autour de lui d’un œil curieux bien qu’à demi fermé, et même si sa pupille recouvrait presque totalement son iris, il put se concentrer assez pour distinguer, et après un nombre de secondes indéfini, comprendre qu’il était planté devant  un champ de … De quoi, d’ailleurs ? Il phasa plusieurs minutes là-dessus, grugeant du temps pour en arriver à la conclusion que ce qu’il avait au début prit pour du blé était en fait des cannes à sucre. Il avança quelques mètres et commença à s’enfoncer au milieu des tiges floues, jusqu’à, au bout d’à peine quelques pas d’effort, s’asseoir de manière peu convenable et commencer à déballer son sac.

Dans celui-ci –toujours ce même QuickSilver tagué de partout mais dans un état plutôt bon pour tout ce qu’il avait traversé- se trouvait une panoplie de choses. Pochetards pleins de shit, de beuh, un peu de poudre blanche, de la Vitamine K, et quelques merdes du genre. Et du ‘sky et une bouteille de coca! Au rendez-vous des toxicos, Ashley aurait été le premier à se faire remarquer. Enfin, pas vraiment. Se faire connaître en tant que junkie, partager sa cons’ et se faire reluquer défoncé par tout le patelin, c’était pas vraiment le trip du rouquin. Il sortit aussi, sans même sembler surprit, un verre de son sac et se servi un verre qu’il descendit cul sec, avant d’en remplir un deuxième et de lui réserver le même sort. Le tableau était gai, nous avions le droit à un roux parfaitement androgyne, sous stupéfiants, à peine caché par les cannes à sucre du camps dans lequel il était avachi, et en train, devant les yeux de la première personne qui pourrait passer bien que l’endroit est l’air assez peu fréquenter, est en train de se rouler un joint. Surperbe.

Il devait être dix sept heures passées, mais quelle importance ? Il ne connaissait personne, alors personne ne le chercherait. De la même manière qu’il n’en avait rien à foutre des autres, personne ne s’occuperait de lui. Il rentrerait peut-être ce soir, ou peut-être pas. Surement sortirait-il en ville, trainer dans un bar minable ou dans une boite tout sauf branchée, et avec une profonde lassitude, rentrerait chez lui, seul ou accompagné. Ou bien alors, il n’en arriverait pas là et ce qu’il allait se foutre dans le sang pendant le deux prochaines heures le mettrait dans un tel était qu’il s’endormirait sans en avoir conscience là où il se trouvait. Peu importe le déroulement des futurs événements, il était sûr que cela n’aurait pas d’intérêt à ses yeux ; cela ne pouvait pas en avoir.

Il avait continué un peu de tiser un peu, avant de finir de se rouler son joint. Les feuilles slim, c’était vraiment l’invention du siècle après le RedBull et les raveparty. D’un mouvement gauche, parfaitement malhabile, il l"avait, à l’aide de son briquet d’un rouge sanguinolent aussi vif que sa chevelure plus qu’ébouriffée, allumé. Il avait remonté ses longs cheveux épais et soyeux en une queue de cheval masculine, mais quelques mèches s’en échappaient, retombant lassivemeny sur son cou et ses épaules  découvertes. Le silence régnait en maitre absolu sur tout ce qui se trouvait autour de lui, et la drogue lui permettait d’apprécier d’autant ce calme qui lui avait tant manqué. Plus Ashley vieillissait, moins il tolérait le bruit ; c’était le malheureux constat que son père avait fait l’année passée. Soudain, sa main droite –celle en possession de son cher et tendre shit– parti légèrement en arrière sous l'action d'une main étrangère non identifiée. Il sentit un corps se coller au sien et lorsqu’il comprit que s’il voulait voir l’action qui se déroulait, il devait se retourner. Il coulissa d’un quart de tour la tête, et son nez vient se rapprocher beaucoup trop près de celui de la blonde qui venait de se plaquer contre lui. God. C’était la deuxième fois depuis son arrivée en Floride qu’il rencontrait des gens d’un manière aussi étrange, aussi louche. C’était une coutume locale où quoi ?

- Salut... Tu partages ?

Après ces mots –combien de temps après, il n’était vraiment pas en mesure de le savoir– elle tira une taf de son précieux splif.  Il se fit intérieurement la réflexion que sa question avait été une vrai perte de temps et un réel gâchis de salive puisqu’elle n’avait nullement attendu la réponse. Pour elle, ça tombait bien, le roux n’avait rien contre, de partager sa cons avec une bombasse de ce genre. Il ne réprima pas un sourire satisfait en sentant sa poitrine s’appuyer contre son bras, et lâcha, d’une voix appelant au jeu et à la provocation :

- Fais ta vie Bella. Par contre, fais gaffe à toi, l’alcool et la dope mélangés, c’pas hyper conseillé pour les filles de ton genre.

Il avait dit ça tel un grand frère bienveillant bien qu’un brin déplacé si on détaillait les faits (un grand frère, ce n’était en rien censé faire fumer sa petite sœur), mais au final, l’état dans lequel elle allait finir après une frappe de cette qualité, il s’en branlait pas mal ; tout ce qui l’importait, c’était de ne pas avoir à la ramasser à la petite cuillère après. Perdre son temps avec une chieuse, au pire, même si ca ne le tentait pas vraiment, ce ne serait pas dramatique : il en avait parfaitement l’habitude. Mais peut-être pourrait-elle apporter quelque chose d’intéressant à sa défonce ? Il verrait bien. De tout façon, c’était fait, il n’allait pas s’enmerder à réfléchir à tout ça. Pour le roux, aussi intelligent, et surtout aussi calculateur qu’il pouvait l’être, réfléchir aux réelles conséquences de ses actes quand ça touchait à l’illégalité, c’était pas son truc. Son trip, depuis les deux ou trois dernières années, c’était plutôt les trafiques pas nets, les mauvaises fréquentions pourtant tellement influençables et les coups faciles. Il ne s’était pas investi dans une relation depuis si longtemps qu’il avait sans aucun doute oublié les raisons qui l’avait poussé à le faire au préalable ; l’amour et la baise, à ses yeux d’adolescent éméché mais pourtant si naïf, il n’y avait plus aucun rapport.

- T’as un prénom, demoiselle ? avait-il demandé sans vraiment accorder de l’importance au sens de ses propres mots, prononcés par reflex machinal comme tant d’autres personnes le faisaient ; comme la simple politesse du « ça va?  » dénué de sens à chaque début de conversation stérile.

Il ne réalisait pas vraiment le sens de ses actes, mais il rapprocha rapidement mais sans nulle brusquerie son visage de celui de la belle pour pouvoir fixer ses grands yeux bleu océan, et bien qu’il soit dans l’incapacité de déchiffrer ses pensées comme certaines personnes pouvaient lire dans les regards comme dans des livres ouverts, ce moment lui sembla particulièrement intense. Il avait beau être défoncé, crever de chaud comme pas permis et ne pouvoir se concentrer que sur une chose, comme si son esprit était parfaitement décroché de son corps, débarrassé d’une enveloppe inutile et bien trop pesante, il semblait soudain parfaitement lucide. Enfin, si tant est que l’on puisse considérer un roux maigrelet androgyne les yeux à demis fermé soudain grands ouverts, ébahit devant les prunelles d’une bombasse inconnue comme 'lucide'.