Rencontre entre roux, un premier jour de classe [Amy Stocker & Remus Amaro]

Mon réveil sonne. Il me faut du temps pour l'entendre. Je suis trop loin. Perdue. Je me lève et grimace de douleur. Combien de temps suis-je restée assise ici, les genoux entre les bras ? Mon réveil hurle, de plus en plus fort. Lasse, je travers mon appartement pour aller le couper. Sept heure du matin. Et ma crise a attaqué à huit heure hier soir. Je me fais pitié.
J'enfile un pantalon noir et une débardeur violet avant de m'enfouir sous un poncho gris. J'attaque ensuite ma routine matinale et tous ces tocs qui me pourrissent la vie. Pourtant, j'essaie d'en venir à bout. Mais il suffit de voir les cernes sous mes yeux pour comprendre que c'est vain.
Craintive à l'idée de m'endormir en déjeunant, je mets la musique à fond, mais ne l'écoute pas. Je vagabonde dans mon appartement sans but, presque sans vie. Je tourne en rond. Aujourd'hui est mon premier jour de cours à l'Académie. Je n'y suis allée qu'une seule fois, c'était pour régler quelques soucis administratifs. Il n'y avait presque personne et quelqu'un pour m'accompagner. Mais cette fois ci, je sera seule au milieu de tous ces étrangers. Étant nouvelle, je vais forcément attirer les regards. Les regards et les questions. Et tous ceux sans gêne qui me toucheront, joueront avec mes cheveux, tâteront les matières de mes vêtements.
La nausée me prend, mais je la refrène. Je sors sur mon balcon et respire profondément. Je dois me calmer. La journée va bien se passer. Et celle demain aussi. Et celle d'après demain. Et ainsi de suite jusqu'à ce que j'obtienne mon diplôme.
Surtout que l'Académie est la meilleure chose qui pouvait m'arriver. Une façon de reprendre ma vie en main.
Mon réveil sonne de nouveau. Il va être l'heure de partir. N'ayant rien avalé, j'enfourne une pomme dans l'immense truc qui me sert de sac, fait mon tour d'inspection, attrape mon appareil photo et file. Je ne remarque qu'a l'arrêt de bus que j'ai oublié de prendre des chaussures et fais demi tour en courant. Mais lorsque je reviens, c'est trop tard. Mon bus est parti et le prochain ne sera là quand dans quinze minutes. Il va donc falloir le faire à pied, sans traîner.

Le chemin se passe sans encombres, bien que de nombreuses chose viennent me ralentir. Marcher sur les dalles, sur les traits blancs des passages cloutés, éviter de rentrer dans les gens, compter les voitures vertes pommes qui passent …
Mais malgré tout, me voilà en face du portail, et je ne suis pas en retard. Mon estomac n'est plus qu'un amas de douleur, et je pourrais m'étouffer tellement ma gorge est serrée. Je reste immobile, respirant à peine. Il y plein de mondes. Beaucoup trop de mondes. Et ils sont trop groupés. Comment est ce que je vais réussir à passer sans en toucher un seul. La chaire de poule me prend. Je commence à compter dans ma tête pour ma calmer. Je vais le faire.
Je sors mon polaroid et prends une première photo. Voir toute cette foule ainsi couchée sur la papier me détend. C'est comme si la menace qu'elle représente diminuait.
Je commence à ressentir les premiers regards. Et quelques chuchotements, alors que tout le monde parlait fort il y a peu. Et c'est parti. Qui c'est ? Elle est nouvelle ? C'est quoi ces fringues ? Elle a l'air malade non ? A ton avis, elle suivra quel cours ?
Je ne peux pas les entendre, mais je peux les deviner. Je sors des écouteurs, lance la musique et avance, les yeux rivés sur le sol. Surtout, ne pas m'arrêter. Ne pas les regarder. Ne pas les toucher. Ne pas, ne pas, ne pas.
J'arrive à esquiver les premiers groupes. Mais ma maladresse me rattrape et je m'étale de tout mon long alors que quelqu'un me bouscule par accident.
Je suis debout en une seule seconde et pars en courant, les larmes aux yeux. Je me retrouve non loin d'une serre, au milieu d'un jardin, et ce sans savoir comment. Il n'y a personne alentours. Juste des plantes. J'en photographie quelques unes, espérant retrouver mon calme. Et j'y arrive presque. Presque, car la tension est toujours là, dans chacun de mes muscles, chacun de mes mouvements. Il ne faudra pas grand chose pour qu'elle refasse surface.
Je me retourne, et vois un jeune homme. La première chose qui attire mon regard, ce sont ses cheveux. Presque aussi roux que les miens. Il me fixe avec surprise, ou du moins me semble t' il.
Je panique, essaie de me justifier, mais aucune mot ne sort. Tout ce que je fais, ce sont des grands gestes avec mes mains, rouge comme une pivoine.
Un de ces gestes, plus débile que les autres me fait renverser ma besace par terre et vide son contenu entier.
C'en est trop, et me voilà les larmes aux yeux, incapable de quoi que ce soit, fixant misérablement mes affaires gisant au sol. Je n'aurais jamais dû venir aujourd'hui.

Incapable de retenir mes larmes, elles tombent doucement sur le sol. Je devras bouger pour ramasser mes affaires, mais mon esprit est comme court-circuité. Je ne peux rien faire à part pleurer. Le jeune homme aux cheveux roux s'approche de moi et me sort de mes pensées. Je me redresse alors en vitesse et essuie mes larmes. Puis je défais et refais mes lacets, m'attache trois fois les cheveux, avant de retrouver une partie de mon calme.
Pendant ce temps, l'inconnu range mes affaires. Gênée de lui faire faire une chose pareille, je me gifle mentalement et m'accroupis à ses côtés, faisant attention à ne pas le toucher.

« Tu s' rais pas la nouvelle du cursus photo par hasard ? A… Aly, c'est ça ? »
«  A.. A..  A.. A.. A.. A.. A.. A.. A.. A..... Amy. »

J'ai eu du mal, mais j'ai quand même réussi. C'est bon début Amy. Maintenant, faudrait qu'il évite de tomber sur quelque chose de honteux traînant dans mon sac. Car, d'un coup, je ne suis plus aussi sûre de son contenu. Et je ne voudrais pas qu'il tombe sur une paire de chaussette ou je ne sais quoi mis dedans par inadvertance.
Alors je m'active et range tout en vitesse. Si ce n'est pour mon appareil photo. Je le regarde sous tous les angles et me rassure.
Le jeune homme roux est toujours là. La politesse Amy. Et mince. Mais j'ai peur que ce soit beaucoup trop compliqué pour moi. Faire une phrase, qui plus est destinée à un inconnu, c'est énorme. Mais après tout, je suis ici pour faire des progrès, non ? Alors je prends mon courage à deux mains, bien qu'une seule aurait suffit, et entrouvre la bouche.

«  Et vous... toi ! Vous... euh... aussi en cursus photo ? »

Je parle tellement bas, que je ne suis pas certaine qu'il m'ait entendue. Tant pis. Ou tant mieux.
Ainsi, il se lassera de moi, la rousse avec les tics étranges, et partira. Et alors, je serai seule, comme je l'ai toujours été. Et ce sera bien mieux pour tout le monde.
Et pourtant, je lui souris faiblement, timidement, à moitié cachée derrière mon poncho.
Je me relève, époussette mon jean et enfile mon sac. Puis je reste immobile, toujours ce petit sourire accroché au visage. Il a l'air gentil, et … atypique. Ce pourrait être une bonne chose de connaître quelqu'un ici. Et puis, Paul serait fier de moi si je me faisais un ami. Enfin, il est encore trop tôt pour penser à ça.  

J'étais sur le point de partir, lorsqu'il me répond. Et ses mots, ainsi que le sourire qui les accompagne, me rassurent. Il est donc l'un de mes « camarades de classe ». Ça fera une tête reconnaissable parmi tous celles du cursus. Un regard qui fera autre chose que me détailler comme un vulgaire objet. Je frissonne à cette idée, et m'enfonce un peu plus dans mon poncho, comme s'il était une armure protectrice.
Je reste silencieuse, à moitié perdue dans mes pensées quand il m'en sort une nouvelle fois.

« Ça te dit de faire une série de photos dans la serre ? … C'est l'horaire idéal et en plus on pourra échanger … sur les gens du cursus ou autre chose, comme tu veux. A moins que t'aies peur qu'on invente des histoires sur deux roux photographes seuls dans un endroit clos... »

J’écarquille des yeux devant sa proposition.  J'ai envie de dire oui, de découvrir cet endroit et de rester avec lui. Mais. Enfin. J'ai jamais fait un truc comme ça. J'ai jamais parlé plus de cinq minutes avec quelqu'un. J'ai jamais créé de liens. Je suis censée faire quoi ? Une boule me sert l'estomac et je commence à me gratter le bras gauche.
Et puis, j'explose de rire en entendant sa blague. Ça aussi c'est nouveau. Mais étant plus que stressée, ça ne m’étonne pas. Car après tout, elle n'était pas si drôle que ça. Le genre de remarque qui fait sourire et qui amuse. Pas besoin de me mettre dans des états pareils. Je me cache le visage avec les mains, incapable de m'arrêter. J'aimerais disparaître sur le champs, rouge de honte.
Je finis par me calmer et essuie les quelques larmes coincées dans mes yeux. J'ai envie de m'excuser pour avoir rit de la sorte. Le pauvre avait l'air gêné et moi, je lui ris au nez. Peut être pense t' il que je me moque de lui. Ou alors au contraire, il est flatté de me voir apprécier son sens de l'humour.
Les joues toujours rouges, je cherche mes mots. Mais ils n'ont pas l'air décidés à former une phrase, alors je lui souris et me dirige doucement vers la serre. Ce qui me laisse le temps de me remettre complètement de mes émotions, et d'ordonner mes pensées.

«  Tu viens souvent ici ? »

Je n'ai pas hésité. Je n'ai pas murmuré, ou presque pas. Puis je réalise le côté intrusif de cette question. Alors je rougis et je recommence à me gratter le bras gauche, frénétiquement. Et s'il était gêné ? Et si cet endroit était son petit jardin secret ? Et si je m'imposais carrément ?
Je m'arrête net, en proie à une nouvelle bouffée d'angoisse. Ce qui commence sérieusement à m’énerver. Je suis habituée aux montagnes russes émotionnelles, mais là j'ai mal au cœur. Et enfin, j'arrive à formuler mes peurs.

«  Je ne te dérange pas au moins ? »