PHYSIQUE (speak to me) ••
Brendol laisse échapper son rire habituel, son rire qui ressemble à un gloussement de collégien.
« Je sais pas ? »
Sa voix est plus grave qu’on ne pourrait s’y attendre, il a un léger accent irlandais et bouffe certaines syllabes plus qu’il ne les prononce.
« Je vois pas vraiment ce qui pourrait pousser des gens à me capter plus qu'un autre. Je sais pas, je suis… trop roux »
Adolescent, il teignit ses cheveux en brun durant une brève période, mais tous ses autres poils le trahissaient. Maintenant, il trouve cette idée singulièrement stupide.
Le matin, il se coiffe consciencieusement, mais à la fin de la journée il a passé 45182 fois la main dans sa tignasse et il ne reste donc plus grand-chose de ses efforts.
« , trop pâle »
Il parle de sa peau ; les éphélides qui en parsèment chaque centimètre carré deviennent folles dès qu’il reste une journée au soleil, ses membres se couvrent de bleus pour des chocs parfois minimes.
Il parle également de la couleur assez indéfinie de ses yeux ; un vert qui tire notablement vers le bleu, un gris qui tend au vert ? Qui sait ¯\_(ツ)_/¯
« , trop maigre ? »
Il aime beaucoup nager et boxe deux heures par semaine, mais à son grand dam, il conserve des hanches étroites et des membres dégingandés.
(Il ne se pèse jamais. Il n’est pas réellement maigre, juste sec et incapable de prendre en largeur.)
« Enfin ça, c’est peut-être aussi parce que je suis trop grand. »
Mesurer 1m92 devrait effectivement suffire pour lui apposer cet adjectif, d’autant qu’une certaine irrégularité dans sa gestuelle globale accentue le côté assez arachnéen de son corps.
En résumé, sa dégaine de spaghetti est assez caractéristique.
« C’est peut-être un avantage, vu qu’il parait que je fais jeune et que ça m’aide pas forcément à avoir énormément de crédibilité en tant que prof. »
Lorsqu’il laisse pousser sa barbe, il ressemble au trentenaire bien tassé qu’il est, mais dès qu’il se rase, il perd effectivement quasiment une décennie. C’est assez ridicule –ça ne l’empêche pas de se raser.
« Enfin, on a tous nos petites… insécurités –à moins d’être con. J’m’aime bien de manière générale. Ouais. J’crois que je suis plutôt pas mal. »
Libre à vous de faire votre propre jugement à ce propos, dans la mesure où son visage aux pommettes proéminentes, lèvres pleines et philtrum marqué mérite probablement davantage la qualificatif d’atypique que celui de beau, mais ce n’est pas une question.
« J’aime bien mes mains. »
Il parle énormément avec, souvent sans même s’en rendre compte mais à part leur expressivité elles n’ont rien d’extraordinaire. Il est clair qu’il prend soin de ses ongles, en revanche (il se les rongeait énormément, avant).
« J’aime bien mon sourire, aussi. »
Il est brutal et transforme l’ensemble de son visage d’un seul coup, sans la moindre hésitation (cela surprend, les premières fois), dessinant au passage des fossettes sur ses joues et des pattes d’oie au coin de ses yeux.
Objectivement (bien sûr), il est magnifique.
« Par contre… »
Successivement et assez systématiquement, il se gratte la nuque, passe la main dans ses cheveux et joue avec le lobe de son oreille droite lorsqu’il est gêné. C’est manifestement le cas actuellement.
« Je claque trop de fric dans mes fringues. »
C’est exact, selon les standards ascétiques qu’il entretient avec son salaire. Il possède très peu de vêtements, en réalité, et s’achète une pièce par mois maximum. Toutes sont impeccablement coupées et surtout, toutes coutent affreusement cher.
Nouveau gloussement. « J’ai eu droit un nombre incalculable de fois à des ‘’vieux bourge’’ et autres ‘’tapette’’. »
Brendol boutonne ses chemises jusqu’au col la plupart du temps. Il affectionne les manteaux longs qu’il jette parfois sur ses épaules sans en passer les manches et les écharpes qu’il met au moins deux minutes à nouer avant d’être satisfait. Ses couleurs de prédilections sont, de loin, le noir et le bordeaux ; globalement, ses tenues brillent par leur
totale absence de prise de risque sobriété (stricte, quasi militaire).
Ponctuellement il revêt une pièce assez excentrique, que ce soit par son modèle, sa matière ou un motif quelconque, et à ce moment-là seulement on peut comprendre qu’il a du gout.
« Ce qui est marrant, c’est de voir les élèves se rendre compte que j’ai un tatouage seulement à la fin de l’année scolaire, quand il fait trop chaud et que je suis obligé de retrousser les manches de mes chemises pour pas me liquéfier. »
C’est quelqu’un d’assez frileux ; il dort sous deux couettes, et sera toujours le premier à sortir son manteau le plus épais ou le dernier à mettre un bermuda. Mais les températures de la Floride estivale finissent par avoir raison de tout le monde, n’est-ce pas ?
Le tatouage en question prend la sobre forme de trois lignes noires cerclant le haut de son avant-bras droit à intervalles réguliers. Il n’en a pas honte mais ne tient pas particulièrement à l’exhiber au monde entier.
« La plupart ne s’y attendent pas. »
HISTOIRE (and turn around let me see you) ••
Ses bulletins scolaires tenaient tous substantiellement le même discours. « Niveau correct dans chaque matière, pourrait faire mieux mais manque de rigueur et surtout de concentration. De CON-CEN-TRA-TION. » Ca le frustrait car il avait l’impression de donner son maximum, mais avec le recul, Brendol ne peut donner tort à ses enseignants. Il n’a jamais réussi à avoir 20/20 en vie scolaire, il bavardait trop. Et il a fait quelques conneries, aussi, il lui faut bien l’avouer ; c’était un gamin
immature et influençable (quoique cela soit toujours d’actualité).
•••
Brendol se souvient vaguement de l’Irlande comme de grandes étendues très vertes et très belles, comme du fracas de la houle contre une falaise blanche, comme d’une pluie grise dont le froid s’infiltrait dans ses os. La famille a émigré lorsqu’il avait huit ans –
maman a une opportunité, lui ont dit ses parents,
maman a une opportunité et vous vous ferez pleins de nouveaux copains, ne vous inquiétez pas. Vous allez voir, ça va être super, vous allez adorer l’Amérique. Abban était déjà réservé, il n’était pas particulièrement ravi mais n’a pas protesté.
En revanche, Maureen… Maureen a tout tenté pour saboter le départ. Du haut de ses 14 ans, elle faisait preuve de trésors d’imagination vicieuse dans lesquels elle a entraîné Brendol sans la moindre difficulté.
Leurs plans foireux n’ont servi à rien d’autres qu’avoir des histoires drôles à se raconter des années après (sur le coup, ça n’amusait pourtant pas du tout papa et maman) ; ils sont tout de même partis, évidemment.
Comme prévus, les garçons se sont fait pleins de copains, comme prévus ils ont adoré l’Amérique.
Même leurs parents, qui n’étaient pas aussi confiants qu’ils voulaient bien le leur faire croire, ont fini par laisser l’habitude triompher de leur nostalgie ; ils louent depuis vingt-cinq ans la même maison, dans la même banlieue pavillonnaire, avec les mêmes voisins et les mêmes commérages dont ils raffolent encore davantage maintenant qu’ils sont retraités tous deux.
Mais Maureen, elle, est pugnace. Elle a décidé qu’elle n’aimerait pas l’Amérique et ne s’y est donc jamais acclimaté, est repartie en Irlande dès qu’elle l’a pu. Maintenant elle gère un élevage de moutons, il lui semble. Ou de chèvres.
•••
Beverly, Beverly.
Bien sûr, auparavant, il y avait eu des « amoureuses » et des lèvres chastes qui s’effleurent, mais ces jeux d’enfants ne lui ont pas laissé un souvenir assez marquant pour mériter d’être décrétés « premier » de quoi que ce soit.
Alors que Beverly, elle, porte l’étiquette « première copine », « premier baiser » et « premiers émois ».
Elle n’a pas vraiment celle du premier amour toutefois, car en réalité c’était beaucoup plus superficiel entre eux, c’était juste cette règle tacite qui vous interdit de refuser de sortir avec la fille la plus populaire de la promo si vous voulez rester apprécié ; et apprécié, ça, Brendol l’était beaucoup. En plus, il était dans le club de théâtre et à ce moment-là c’était à la mode.
Ils ont gravé en gloussant deux B dans un cœur sur l’écorce des arbres de la cour de récré, ils ont explosé leurs factures téléphoniques pour se raconter des absurdités le week-end, ils se sont embrassés en essayant de ne pas être trop ridicules malgré leurs appareils dentaires.
A la rentrée suivante, l’attrait du football américain dépassa celui des planches.
Brendol a vaguement hésité, mais il a continué le théâtre ; il n’en était pas encore lassé.
(Beverly, elle, s’est lassée)
Brendol a continué le théâtre, continué pendant 7 ans et c’est l’activité extrascolaire qu’il a pratiqué le plus longtemps au cours de l’intégralité de sa vie.
Il a même rêvé qu’il pourrait devenir un comédien, un grand acteur peut-être. C’était son premier rêve d’avenir, un des plus vivaces. Il a joué dans les spectacles de fin d’année au collège ; au lycée, il a intégré une compagnie sans prétention qui lui a permis de monter sur scène dans d’autres villes.
Il a même tenu le rôle d’Estragon pour toute une tournée et aujourd’hui encore il en est extrêmement fier.
Il a adoré le théâtre.
Et puis il s’est lassé.
(Il ignore totalement ce que Beverly est devenue)
•••
Outre le théâtre, il a probablement tout essayé.
Le solfège puis le trombone, le djembé un peu plus tard, le handball, la langue des signes, le badminton, le hip-hop, le chinois, le billard, le tennis pour suivre sa sœur, le dessin pour suivre son frère, le basket, le tir à l’arc, le ping-pong, la danse classique, les claquettes, la
danse classique et les claquettes en MEME TEMPS…
Tout.
Et il continue.
Jusque récemment encore, la flûte traversière et la danse contemporaine étaient ses média de prédilection mais actuellement, ses préférences se portent sur la boxe américaine et la natation.
Sans oublier un peu de yoga.
•••
- Tu vois, le cercle c’est la continuité, l’infini recommencement, c’est la conception platonicienne du temps, en fait. Et trois, c’est parce que…
- Au pire, si tu veux t’faire ce tatouage juste parce que tu trouve ça beau, c’est pas grave, hein. Personne t’en voudra d’avoir zéro justification derrière trois putains de cercles noirs, t’es un grand garçon maintenant.
Une pause puis un gloussement.
- Ouais, t’as raison.
Maureen a toujours été la brute qui lui remet les idées en place. Il la voit un peu comme une ancre contre laquelle il est douloureux de butter pour l’ego susceptible. Elle l’a copieusement invectivé lorsqu’il a commencé à fumer (des kreteks) ; c’est grâce à sa pugnacité haineuse qu’il est parvenu à arrêter quelques années plus tard.
Il faut juste réussir à supporter son irascibilité, son étroitesse d’esprit et --ben, tout le reste en fait.
Son compagnon y parvient… par intermittences. Ils se sont séparés environ, oh, 43 fois ; actuellement ils projettent de se pacser. Benjamin, leur fils (trisomique), a appris à vivre avec leurs sautes d’humeur.
Abban a abandonné l’affaire des années auparavant. Elle tient davantage du bulldozer que de l’être humain, en vérité, et il a toujours été le plus fragile des Caleibh. Ils ne se voient qu’au réveillon de Noël, pour faire plaisir à leurs parents, et même à cette occasion ils évitent soigneusement de se parler.
•••
- Matt, arrête sérieux ! J’ai des tâches de rousseurs partout, t’es pas obligé de dessiner tes saloperies de constellations sur mon
visage.
Matt suspend son feutre fuchsia un instant, puis glousse et reprend son dessin.
- Je déconne pas, arrête. J’vais avoir l’air con en cours si j’arrive pas à les effacer.
Matt n’arrête pas, Brendol soupire, quitte le lit pour échapper au stylo et s’arrête devant le miroir pour estimer l’étendue des dégâts –ce qui lui inspire une autre remarque.
- Faudrait arrêter d’me mordre dans le cou, aussi, ça laisse des marques. Oh, tu m’écoutes ?
Le grognement excédé de Matt est étouffé par l’oreiller qu’il a mis sur son visage lorsque Brendol a allumé la lumière.
- Bah, arrête de faire genre. T’façon avec tes chemises fermées jusqu’au dernier bouton, personne les voit.
Brendol ne se donne pas la peine de répondre, il sait que l’autre va surenchérir –il l’entend s’extirper des draps et approcher.
- Connard de bourge coincé.
Des mains qui glissent sur ses épaules et un baiser brutal.
Prévisions : des bleus sur les hanches, des ongles creusant des sillons sur ses bras. Probablement : des dents qui attaquent la peau autour de sa clavicule. Brendol sourit.
•••
- Alors, tu t’es décidé à virer pédale définitivement ?
- … Qu’est-ce que tu raconte, encore ?
- Ben ça fait un moment que t’es avec Matthew, hmmm. J’pensais que c’était une de tes phases habituelles pour inquiéter un peu les parents mais t’as pas l’air décidé à revenir aux femmes.
- Fais pas comme si tu croyais vraiment à l’existence d’une frontière infranchissable entre homos et hétéros.
- Oh. Encore ton histoire de « bisexualité », hein ?
Maureen dessine les guillemets du bout des doigts, quand bien même l’ironie suintant de sa voix rend la démarche très superflue.
Brendol croise les bras en lâchant un soupir exaspéré.
- Arrête.
- Non mais c’est cool, on a bien compris, ça te rend intéressant d’aller choper un mec de temps en temps. Moi, tu sais, tant que tu redeviens normal la semaine d’ap…
- Stop.
- Ca va, commence pas avec tout ton bullshit de justice sociale.
- …
- Tu sais quoi, tu me les brises, laisse tomber.
Il y a des jours où Brendol comprend que son frère ne la supporte pas. Il n'ajoute rien; il attend (lâchement, songe-t-il) qu’un autre mène ce combat à sa place.
•••
Matthew était un anarchiste écolo doublé d’une grande gueule, le mec qui a marqué ses premières années d’études. Une histoire d’une vingtaine de mois à laquelle il pense encore avec attendrissement –ils sont restés en vague contact. Matthew s’est un peu calmé, il est paysagiste, maintenant ; c’est la distance qui les a séparés, en partie la distance due à leurs orientations scolaires finalement divergentes.
Brendol a tenté le concours de médecine, notamment, il l’a tenté en jouant l’argent qu’il économisait de son travail à mi-temps, il l’a tenté un peu comme un challenge en se doutant que ça ne fonctionnerait sans doute pas.
Il n’a jamais été particulièrement intelligent, ni doté d’une mémoire phénoménale ; il en est parfaitement conscient. Il avait sa bonne volonté mais elle n’a pas suffi.
En revanche, elle lui a permis d’accéder aux écoles de kinésithérapie et ça lui convenait. En plus, il s’endetterait moins longtemps. Ha ha.
L’idée d’être prof, c’est venu plus tard ; à vrai dire, c’est venu presque comme une lubie, à force de rééduquer des membres de petits gangs foireux blessés au couteau lors d’une rixe, à force de discuter avec la concierge de la dernière descente de flics dans le quartier, à force de voir tous ces
mauvais choix.
•••
- Je t’ai déjà dit, elle voulait des enfants, moi pas, c’est une excellente raison pour mettre fin à une histoire.
Il n’en a rien dit à sa famille, mais évidemment, il l’a vu venir –cela faisait des mois que le sujet revenait de plus en plus régulièrement dans leurs conversations. La séparation s’est faite délicatement, sans violence, sans éclats de voix et pourtant il l’a trouvée brutale car brutalement, il était tout seul dans son appartement.
Cat’ est partie. Avec un autre, bien sûr, un autre qui, lui, veut probablement des enfants. C’est comme ça. Il n’a ressenti aucune colère, pas de déception, pas de ressentiment –précisément parce qu’il fut très heureux avec elle.
Il a juste pleuré une heure ou deux, le soir, car son lit lui semblait froid.
- Donc c’est fini –vraiment fini ? Pour…
ça ? Après quatre ans ?!
- Eh ouais.
Abban laisse échapper une insulte que Brendol n’écoute pas mais accueille d’un sourire qui se veut rassurant. La colère de son frère est la colère de celui qui ne veut pas comprendre, la colère de celui qui a peur des choses pérennes qui finissent pourtant par s’effondrer, la colère de celui qui tient son mariage à bout de bras.
Mary ne se donne plus la peine de trouver des excuses lorsqu’elle découche mais il se tait, il emmène leurs trois enfants (Célestine, Finnian et Aurora) à l’école le matin, il lave des culottes en dentelle qu’il ne connaissait pas, il lui dit que son soufflé au fromage est délicieux parce que c’est ce qu’il lui a toujours dit.
Ils font l’amour une fois ou deux, ce n’est pas extraordinaire mais après ils se disent qu’ils s’aiment alors il songe que tout va aller mieux, qu’il lui suffit d’être patient, d’être un peu compréhensif, mais c’est ça qu’il ne veut pas comprendre, et tout recommence.
Abban se tait, Mary aussi, mais parfois, c’est trop, et les enfants ne sont plus assez pour retenir ce qui commence par des remarques au vitriol et qui finit par des injures affreuses.
Brendol sait tout ça parce qu’après, Mary va dormir ailleurs et c’est lui qu’Abban appelle lorsqu’il est tout seul, lorsqu’il est fatigué d’avoir du réconforter les gamins et lorsque la blessure de son amour-propre se fait trop lourde.
Il les regarde se déchirer avec amertume. Il aime bien Mary, ne ressent aucune animosité à son égard, juste une certaine déception parce qu’il la voit comme quelqu’un qui fait toujours les
mauvais choix. Il la défend parfois lorsqu’elle est victime sans le savoir de la vindicte parentale (tout le monde sait ce qui se passe dans leur couple, même les voisins de leurs parents).
- Mais t’aime les gosses, toi, pourtant, non ?
L’expression perplexe d’Abban se fige un instant sur l’écran de son ordinateur tandis que la connexion internet flanche. Brendol n’a jamais dépensé beaucoup d’argent dans ces conneries.
- Oui, j’aime les gosses. Beaucoup. Ceux des autres.
Il refuse la responsabilité de donner la vie ; il n’a jamais été un fondu de l’engagement.
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Son appartement actuel est le seul qu’il a visité à Arcadia. Il a signé immédiatement, non pas qu’il ait eut le moindre coup de cœur, mais le loyer n’est pas excessif pour la localisation et il était décidé à aménager à South Orange avant même de mettre les pieds dans un quelconque logement. C’est l’amassement de touristes qui l’a convaincu. Il adore les bains de foule, surtout lorsque celle-ci est éclectique.
Cela fait quelques temps déjà qu’il est là ; il se demande si c’est le début de la maturité qui le convainc de rester si longtemps au même endroit, lui qui a déménagé 13 fois depuis qu’il est arrivé en Amérique, ou juste la paresse. Parfois, Brendol se prend à rêver d’un chalet boisé et du froid des Appalaches, mais cela ne dure qu’assez brièvement.
Le plus souvent, il en revient à l’Irlande.
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Pour son premier cours, il a porté sous ses vêtements habituels une combinaison avec un squelette imprimé, au-dessous d’une autre avec les muscles et il s’est déshabillé au fur et à mesure. Il était très fier et il aimerait dire qu’il a trouvé cette idée tout seul, mais c’est Maureen qui lui avait parlé d’une
enseignante néerlandaise qui a fait le coup. Il a trouvé le concept hilarant (il a le rire facile), il a copié, il a trouvé que ça valait le coup. Il ne sait pas trop ce que les élèves en ont pensé.
Il se dit parfois qu’il s’en fiche, mais alors il s’en veut d’être aussi égoïste.
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Certains parlent de lui comme d’un dompteur de fauve depuis qu’ils se sont rendu compte que Gaby King se comporte
gentiment en sa présence ; et bien sûr, il y a de nombreuses rumeurs associées, des rumeurs qu’il balaie d’un haussement d’épaules. Il est bien incapable de concevoir quel est le problème que peuvent avoir les gens avec cette femme ; mais il a accueilli ses remarques acides d’un rire soulagé en pensant que c’était un gentil bizutage de bienvenue, après tout.