Trap-trap yaoi [HANNA]

Lalalalalalalalalalalalala ~

YURI.

Eh.

J'adore cette librairie, il y a de tout, de tout tout tout. J'y vivrais si je pourrais, je me ferais des réserves pour quelques années et je finirais par pourrir dans un coin entre deux étagères avec un yuri dans les mains. La plus belle des morts. Et surtout, je réorganiserais tout ici : brûler les biographies des pseudo-chanteurs de quatorze ans, se servir des pages de certains livres à la popularité inexplicable comme de papier toilette, parce que j'en manquerais forcément un jour ou l'autre. Non, finalement non. Ces torchons ne sont pas à la hauteur de mon postérieur.

Mais il y a un énorme point noir dans l'organisation de cette librairie, encore plus énorme que le fait qu'ils vendent ce genre de choses immondes : il est obligatoire de traverser « l'allée arc-en-ciel des excitées » avant d'arriver aux étagères yuri. Brève explication ? Les yaoi gênent le passage aux yurist et salissent leurs yeux. C'est affligeant, outrant, dégoûtant, pathét-...

Oh. Un messieu qui fixe ces horreurs ? Il doit s'être trompé, forcément, c'est impossible que ce soit un traître. Nonononon. Même les dos des livres sont assez explicites pour qu'il n'y ait pas de toute possible, alors... alors...

C'est un lalalalalalalalalala.

Le pire dans tout ça ? Il est dans le chemin, et je dois passer. S'il faut subir de passer à quelques centimètres d'un yaoist pour atteindre les yuri, je le ferais. Je surmonterais ma douleur face à cette atroce épreuve.

Je longe l'étagère opposée, doucement, doucement, un pas, deux pas, ne pas tourner la tête vers cette adorable tête caramélisée. J'y suis presque, plus que quelques mètres et...

Et paf, le yurist.

Caramel-chou s'est reculé sans prévenir et me voilà à me rattraper in extremis pour ne pas tomber sur les étagères.

Je me laisse quelques secondes, le temps de réaliser ce qu'il vient de se passer.

Un yaoist vient de me bousculer. Il est l'heure de prier pour que ce ne soit pas contagieux.

Machin me fixe avec ses perturbants yeux clairs, et je flippe. Dieu, testeriez-vous mes compétences en la matière de sociabilité et de civisme ? Parce que ce n'est pas mon point fort, même quand j'essaye.

- Mais ça va pas ? Regarde où tu marches !, je crie, étrangement hystérique, en m'avançant progressivement de lui – mais pas trop quand même, je suppose que comme toute personne normale, il reculerait –.

Je ne sais plus quoi dire. Je veux absolument continuer de gueuler, là, maintenant, mais j'ai rien à dire, si ce n'est « BLERG »... ou « Tu les as eu où tes lentilles ? », alors je m'abstiens. Il vaut mieux pour tout le monde.

Je ne peux pas le frapper parce qu'il est beaucoup trop « kawaiiii-nya ! », alors je me dis que ce serait mieux si c'était un gros mec bien dég', mais là, j'oserais pas poser mes doigts sur ce genre d'horreurs, et si c'était juste un type balèze lambda, y'aurais encore un problème : j'aurais aucune chance de tenir plus de trente secondes – en étant optimiste –. Conclusion ? Je suis un boulet.

Caramachin n'a pas l'air de vouloir s'excuser. Il va me dévisager comme ça combien de temps ?! Attend. Tu me regarderais pas un peu trop là ?

- Je peux pas. J'ai pas d'yeux derrière la tête.

… Après tout, je n'ai pas besoin des excuses de quelqu'un de « l'autre camps ». S'il ne veut pas avoir l'honneur de s'excuser envers une personne de ma distinction, c'est son problème. Je réponds avec une ironie non dissimulée, presque immédiatement, alors qu'il commence à regarder ailleurs :

« Oh, autant pour moi, je suis teeeerriblement navré d'apprendre ça ! »

On me dit parfois que je serais plus agréable si j'étais muet.

Il se trouve que le « ailleurs » qu'il fixe en ce moment est mon territoire. Monsieur se serait trompé d'étagère ? J'en garde l'espoir, pour son propre bien mental.

Il recule en fronçant les sourcils – sûrement trop ébloui par ma lumière divine – et je continue d'avancer, sans le toucher évidement, par pure provocation. Peut-être qu'il finira par faire tomber l'étagère, mais ce ne sera pas du tout une grosse perte.

Je ressors mon sourire que j'ai intitulé « commercial devant nouveau client friqué » et me retiens de jouer avec ses adorables mèches de cheveux – réflexe [ : nm, réaction motrice, une activité musculaire involontaire. ] ancestral des grand-mères, oui – et rajoute en fixant ses yeux clairs, le plus naturellement du monde :

« Je crois que tu t'es trompé d'étagère, tu vas te salir les yeux, ici. »

Un petit bruit dans le dos de Caramachin m'indique qu'il ne peut malheureusement plus reculer, bloqué par l'étagère au contenu dégoûtant. Machin répond enfin, avec une conviction incroyable qui transparaît sans problèmes :

- C'est faux ! Le yaoi, c'est la pureté même !

… Convictionné mais pas convictionnant. J'aurais presque pris ça pour de l'ironie, s'il n'avait pas l'air aussi sérieux. Je me retiens de lui cracher un rire amer à la figure, mais ce serait... peu distingué.

Cette fois, c'est lui qui s'avance sans prévenir et moi qui recule – nyon, pas toucher ! –, les... rôles s'inversent ? Nyon, nyon... Mais il a faillit me bousculer, c'est impoli. Fixer les gens de cette façon flippante aussi, c'est impoli.

- Laisse-moi t'apprendre que convertir un yaoist au yuri est totalement infaisable.

… Euh...

- …

Euuh …

Attend, nan, j'ai compris.

Je reprends mon sérieux, regagne le pas en avant qu'il vient de me voler et affiche un air presque grave et pose la question. Celle qui, selon la réponse, me donnera beaucoup d'informations.

- Top ou Bottom ?

Je suis tellement intelligent.

1- Hein, ça veut dire quoi ? → pas yaoist, même pas yurist, juste un type paumé dans les étagères.
2- Top → gay, fortes chance de sadisme, besoin de s'écarter très vite.
3- Bottom → gay++, fortes chances de masochisme, besoin de passer mes doigts dans ses adorables mèches de cheveux caram-.... * besoin de s'écarter.
4- Les deux, TROLOLOL ! → besoin de s'écarter. Vite. Loin.
5- Nan mais c'est quoi ces clichés là ? Tu m'prends pour qui ? → féministe née avec le mauvais organe.

… Hm ? Pas de réponse ? Est-ce qu'il va s'avouer vaincu et avouer qu'il ne sait même pas ce qu'est le yaoi et qu'il s'était perdu ici en cherchant honteusement je-ne-sais-quel shojo moyen, voir même un yuri ?

Oh. Il rougit. Beaucoup. Et sa confiance en lui, elle s'est barrée où ? Je suis devenu moche et ridé en l'espace d'une phrase, alors il ne veut pas souiller d'avantage ses pauvres yeux de pervers yaoist ?

Je comprends que cette question ne soit pas très civilisé, mais y a-t-il vraiment de quoi rougir comme une petite fille ? Il essaye juste de m'embrouiller. Il n'y arrivera pas, je suis bien trop FABULOUS.

Hmm. Est-ce que j'ai déjà dit que j'ai une « légère » envie de caresser ses cheveux ?

- Hmm… B-bottom… Enfin, je suppose.

Le mot « MOE » semblent être omniprésent, là, maintenant, sur lui. Il respire le moe, mange le moe, vole le moe, parle le moe, marche le moe, vit le moe, EST MOE. « Kawaiiii », dirait une de ces ridicules fangirls yaoistes.

Caramachin redresse la tête vers le plafond, évitant tout de même mon regard, et, hum, la lumière des néons fait un peu trop briller ses yeux pour que ce soit « normal » : ses fluides oculaires sont anormalement élevés. Il faut que j'arrête de me croire dans une série médicale américaine...

Les n'yeux qui brillent, le regard fuyant, les cheveux adorables, la phrase gênée, les joues qui rougissent : FATAL COMBO MOE. Je souris bêtement en pensant que j'adorerais avoir une petite sœur comme lui.

Je ne sais pas si c'est un compliment pour Caramachin, par contre.

Je laisse complètement de côté le but initial de ma question pour... lui caresse les cheveux. Il FALLAIT que je le fasse, un moment un autre, il le FALLAIT. Pardonnez-moi, mon Dyeu, de toucher ainsi à un Yaoist, c'est de la faute à mon éducation très... capillaire. Pour la peine, je vais acheter deux fois plus de Yuris aujourd'hui, mais pour l'instant, laissez moi passer les doigts de ma main dans ses mèches à la teinte non-identifiée...