Intruse de passage... [Hanna Rosenwald & Adam Wiest]

Il faisait étrangement beau pour une fois, ce Mercredi-là, alors Hanna avait décidé de se promener un peu, quelque part, sans vraie direction. Elle avait naturellement commencé par le parc… mais voilà, elle n'avait pas été la seule à avoir eu cette idée. Le parc était plein. Bien que loin d'être agoraphobe, Hanna préférait largement le calme d'un… de quelque chose de calme. Elle a donc vite déserté les lieux. Qu'importe, elle retournerait dans sa chambre et dessinerait des palmiers rouges, des séquoias violets et divers pitbulls en regardant par sa fenêtre.

Mais… où était sa chambre, déjà ? Ce bâtiment à gauche, ou celui à droite ? Hanna avait noté le numéro de sa chambre, mais pas le bâtiment. Alors, où aller ? Ce fut à pile-ou-face qu'elle décida de prendre celui de gauche.

Arrivée à l'intérieur, elle remarqua que tout était identique à ses souvenirs d'il y a moins  d'une heure. Elle ne se posa même plus de questions de savoir si elle était sur la bonne voie, elle pensait simplement qu'elle avait eu de la chance et qu'il n'y avait plus aucun doute que ce soit son dortoir.

Plus qu'à trouver son numéro dans son carnet. Elle ouvrit la dernière page de son carnet où elle l'avait noté, mais… il y avait plusieurs numéros. Hanna considéra simplement que le plus gros était le bon. C'était un deux.

Elle ouvrit la porte correspondante. Sa colocataire n'avait pas l'air d'être là… sûrement au parc, comme tout le monde, ou dans un cimetière quelconque en train de sacrifier des corbeaux de bon matin.

La chambre était vide, donc. Et différente aussi, mais là encore, Hanna n'y fit pas plus attention que ça, c'était sûrement sa colocataire – comment s'appelait-elle, déjà ?  – qui avait dû refaire la déco. Il y avait un ballon de basket, en plein milieu des deux lits, et quelques affaires de sport un peu partout. Hanna ne se serait jamais douté que Sigrid aimait le sport. Les apparences son trompeuses, apparemment.

Elle s'affala sur le lit de gauche – le sien, selon ses souvenirs – et… rien. Elle regarda le toit pendant un long moment, motivée à ne rien faire de son après-midi libre. Le genre de moment parfait pour philosopher inutilement. Cela faisait peu de temps qu'elle était là, elle avait oublié pourquoi elle voulait y venir, mais cet endroit était loin d'être déplaisant, alors elle ne se poser pas plus de questions. Hanna aimait Volfoni, mais ne participait en rien à la vie du lieux. Une sorte de spectatrice, elle et son carnet.

Il était dix-sept heures à peine, et elle avait déjà envie de dormir. Plus par ennui que par sommeil, à vrai dire. Elle se leva pour chercher quelque chose de plus confortable pour dormir, et… elle eut la légère impression que… qu'elle n'avait jamais vu ces vêtements avant.

Juste une impression, sûrement.

Elle sorti un tee-shirt trois fois trop grand et se changea avec. Il lui arrivait presque aux genoux. C'était… étrange. Mais elle s'en accommoda et partit simplement se glisser entre les couvertures.

Hanna ne prêtait aucune attention aux couvertures qui n'étaient pas sensées être de cette couleur, avant, à l'unique coussin un peu plus moelleux qu'à son habitude et aux autres détails « hors du commun », elle ne pensait à rien d'autre qu'à dormir, à ce moment là. Chose faite en quelques minutes à peine, sans aucun mal, de sorte que le la porte qui grince en se refermant ne la réveillai pas, au même titre que les pas discrets sur le parquet. Quelque chose, par contre, d'un peu plus bruyant, la tire violemment du monde des rêves, enfin, presque. Ce n'est pas ça qui va la réveiller complètement, ni même la faire s'inquiéter le moins du monde. Tant qu'on la laisse dormir tranquillement.

Après, quand quelqu'un crie – de façon très virile – à moins de deux mètres d'elle, c'est un peu dérangeant, c'est vrai. Quand en plus on lui retire sa couverture – et la politesse ?! –, ça change tout. Même à 35°, Hanna a besoin de quelque chose qui ressemble vaguement à une couverture, sinon, autant enlever le matelas et dormir par terre. La couverture, c'est sacré, fin.

Moyennement motivé et absolument pas matinale – bien qu'il était à ce moment l'après-midi, voir le soir –, la brune fit l'effort incroyable d'ouvrir lentement ses yeux, encore attirée vers les profondeurs du sommeil. Elle entendait distinctement, malgré son état presque semi-comateux, quelqu'un s'agiter à côté d'elle, parcourant la pièce de long en large.

Lentement, avec une difficulté nommée « paresse », elle se releva et observa la personne qui courait dans tous les sens, affaires diverses plein les bras. Une vision assez agréable pour un réveil : Hanna ne savait pas pourquoi il faisait ça, ni pourquoi il faisait ça dans sa chambre – parce que forcément, c'était sa chambre à elle –, mais ça lui donnait une distraction pour ne pas se réveiller trop brutalement, comme une petite continuité de son rêve. Sans se poser de questions, elle fixait l'intrus bleu en silence, plus ou moins amusée sans raisons précises.

Après avoir fourré le tout dans l'armoire, il s'arrête devant la brune aux cheveux déjà décoiffés et... rien. Hanna devait sûrement avoir l'air de sortir d'une hibernation de plusieurs années, et pourtant, elle ne s'était endormie que quelques minutes, trois quarts d'heure grand maximum. Mais sa coiffure du moment était loin d'être sa préoccupation principale. Le bleu semblait... peu sûr de lui. L'allemande, de son côté, affichait un grand sourire, comme la plupart du temps, parfois à la limite du flippant selon le contexte et la personne. « Son » tee-shirt-parachute bien trop grand glissait légèrement sur son épaule. Il y a mieux pour donner une bonne impression, mais... elle n'en avait absolument rien à faire.

Enfin, un peu quand même, la politesse veut qu'on accueil correctement un invité :

- Bonjour.

… fin. Quelle éloquence incroyable, n'est-ce pas ? Ajoutez avec ça le sourire Colgate, la tête de « besoin d'aide ? Un problème ? Un café peut-être? Je ne savais que j'avais un troisième colocataire ! J'en ai de la chance. Bienvenue ! ». Si, je vous assure, c'est réellement possible de dire tout ça en même temps – et plus encore – seulement avec une expression de visage.

« Euh… Bonjour… »

Discussion passionnante. Ça ne dérangeait pas Hanna qui n'avait jamais eu une éloquence incroyable, mais... à ce moment, elle ne pensait qu'à se rendormir. Mais cela aurait peut-être été un peu impoli envers ce, hum... « visiteur » ?

« Hm… Et… Comment va Zack ? »

Zack. Zack. Ça ne lui disait absolument rien. Qui ça pouvait bien être ? Non, vraiment, elle avait beau chercher, elle ne trouvait rien. À moins que... à moins qu'il parle de son grand-père, Zackary ?

« Décédé il y a pas longtemps. »

Hanna est une des rares à prononcer ce genre de phrase avec un naturel déroutant, et pire... : un sourire éclatant. Ça peut faire un peu peur... mais quand on la connaît, ça devient normal.

Bref.

La brune écarta les couvertures à contre-cœur et, puisque c'était soit ça, soit se rendormir, se leva du lit. Le visiteur à la teinture bleue aurait presque été plus petit qu'elle. C'est rare. La majorité des étudiants de cette académie sont gigantesque. Surtout les basketteurs, mais c'est logique.

La majorité ont des teintures, aussi. D'ailleurs, elle a toujours voulu vérifier quelque chose...

Hanna passa ses mains dans les cheveux de couleur ciel de son « visiteur » sans retenue – la « gêne » ? C'est quoi ça ? Ça se mange ? – comme on le ferait pour shampouiner quelqu'un. Pour vérifier.

« Je croyais que les teintures étaient mauvaises pour les cheveux ? », Demanda Hanna comme devant un problème mathématique, cherchant la solution miracle.

Peut-être que c'était une perruque – très réaliste, certes – et qu'il était chauve en dessous. Peut-être même que la majorité des étudiants faisaient de même ?! Tout ceux avec des teintures ? Des chauves partout dans l'académie ?