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 [PN] Limon. [Sigrid Oleksander & Emile J. B. Evans]

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Preuve d'existence.


Il n'y avait pas de barreaux aux fenêtres.

Quand elle se penchait, elle se voyait tomber. Ses grands yeux fixaient le ciel, elle se balançait, et elle se sentait tomber. Choir de cette hauteur serait mortel, pour n'importe qui. Les chats meurent bien écrasés sous les roues des hummers, après tout. Elle n'était pas un chat. Aucune autre vie si ce n'était la sienne, dix-neuf années de passées, quelques années de souvenirs entassés, le vide abyssal pour compagnie muette. Sigrid se souvenait des neiges de la Suède. Des repas autour de la table. De l'écharpe qui grattait. De la première fois où les vers sont venus. De son arrivée à Volfoni. Rien de plus. Chaque matin, elle regardait l'heure sans connaître le jour. Elle se perdait dans des pensées dont elle ignorait tout, noyées dans son gouffre étouffant de rien. Elle n'avait pas à ressasser. Elle n'avait pas à regretter. Elle se contentait d'épier les nuages, de laisser son regard se faire capturer, tirer, arracher, pour mieux se sentir tomber.

Elle n'avait pas d'ailes. Son souffle calme et curieux happé par la brise fraîche qui annonçait la fin de l'été. Ses bras maigres couverts par la carapace de coton de sa veste trop grande pour elle. Il y avait du soleil. Un peu de nuage, et beaucoup de soleil. Elle n'avait nulle part où aller, pas d'obligation d'aucune sorte. Elle pouvait sortir mais ce n'était pas nécessaire, il n'y avait rien à faire dehors. Rien à faire seule. Hanna n'était pas là, la chambre aurait pu être libre si elle n'avait pas décidé d'y passer la journée. Mais il n'y avait rien à faire. Elle ne voulait pas aller dehors. Elle voulait rester là, et monter. La pointe des pieds insuffisante. Les mains qui ne peuvent lâcher le bord sous peine de perdre le frêle équilibre constitué. Et ses yeux qui pleurent parce qu'elle n'y arrive pas. Trop petite. Trop fragile. Trop humaine.
Le poids retomba fermement, en silence, et la nuque se brisa pour espionner le sol. Les larmes rouleraient si elles n'étaient pas condamnées à rester enchaînées aux lacrymales. Dehors, ils riaient. Tous regroupés dans le parc, à portée de sa vue brouillée, ils riaient. On lui avait dit qu'elle était jalouse, un jour, mais c'était faux. Elle voulait qu'ils continuent à rire, qu'importe si c'était avec elle, à ses dépends, ou si cela n'avait aucun rapport avec son existence. Ils ne la connaissaient pas. Ils avaient entendu parler de Sigrid Oleksander, la folle qui photographie tout ce qui traîne, l'autiste attardée, la bizarre, mais c'était tout. Elle ne leur avait rien fait. Ils ne lui avaient rien fait. Elle était invisible parmi les invisibles, inconnue parmi ce qu'on ne veut pas connaître. Ils disent que le bonheur c'est l'ignorance. Ils ne savaient rien, ils pouvaient rire. Elle ne leur souhaitait que ça. De pouvoir rire.

Parfois elle souriait, mais c'était plus fort qu'elle. Aujourd'hui, elle ne sourirait pas. Elle garderait sa position toute la journée, et ne ferait de mal à personne. La porte s'ouvrirait dans la soirée pour Hanna, et elle irait se doucher pendant qu'elle s'endormirait. Décalées. Elles ne se croiseraient jamais et vivraient très bien sans se voir. Pas qu'elles ne s'apprécient pas, elles se connaissent trop peu pour cela. Il n'y avait rien à dire. L'une paraissait simple, l'autre emprisonnée dans une bulle teintée qui la rendait invisible mais qui lui permettait de tout voir. Tout ce qu'elle voyait, c'était que dehors, il faisait beau. C'était suffisant.
Suffisant pour comprendre qu'elle était hors-la-loi. Voyeurisme infâme et appétence inassouvie, son indiscrétion n'est plus à faire. Tu n'es qu'une perverse. Une rêveuse. Lâche les autres avec tes deux globes visqueux et aqueux, laisse-les vivre au lieu de déverser ton poison, ton venin, en yeux. Ferme les yeux, on a l'impression que tu veux les tuer. Ne me regardes pas comme ça. Détourne le visage. Tu sais ce qu'on fait aux huîtres, quand on s'intéresse à elles ? On les gave de sel, on les fait faire des perles, on leur arrache, et on les bouffe. Tes deux putains d'yeux, ce sont des perles. Des perles que je déracinerai de tes nerfs, que j'écraserai, que j'anéantirai. Tu finiras broyée, les orbites récurés et vidés de tes joyaux bas de gamme. Tu ne prendras aucun plaisir à te faire déchirée de toutes part. Je creuserai ta tombe et t'acculerai à l'intérieur, face contre terre, pour que plus jamais tu ne puisses regarder. C'était trop.

Les rideaux tombent et le soleil s'éteint. Un pas vers l'arrière, un autre, un sanglot, déséquilibre, toux indélicate. Ses chevilles tremblaient. Ses mains tremblaient. Les vers. Toujours les vers. Elle n'avait simplement pas à les envier de cette façon. Rien à faire là-bas parce que ce n'était pas sa place. Elle était mieux dans le noir. Elle était mieux toute seule, par terre ou sur un drap, enfermée seule et dans le noir.
Respiration saccadée, la vue s'adapta à l'obscurité. Bouffée de chaleur, la veste tombe, glisse le long de sa jambe, les doigts froids rassurent le coeur. Battements. Toujours en vie. Les larmes s'effondrent et le ventre gargouille. Les monstres sont loin. Ils ne franchiront pas la porte si tu la ferme de l'intérieur, mais on ne t'a jamais donné la clef. Tu n'as jamais tenté de la prendre. Dans les ténèbres se dessine ton reflet. L'autre est fidèle à ce que tu connais de toi, tu avances péniblement. Tu n'as ni ses neuf vies, ni sa nyctalopie. Saphirs similaires. En Grèce, il paraît que les yeux bleus sont maudits. En face de toi, elle ne porte qu'un ensemble de sous-vêtements laid, pitoyable. Son sein est aussi plat que le tien. Tu le vois, lorsqu'elle écarte sa bretelle, sa protection. Le téton n'est pas appétissant. Il n'y a pas de chair. Nulle part. Des fesses inexistantes, une pure mascarade. L’élasthanne de son bas s'étire et la découverte est bien ridicule. Un sexe. Un début de sexe prude, sans aucun intérêt. Le sexe le plus creux, le plus absurde, le plus superfétatoire, le plus stérile de tous les stériles du monde entier. La femme infertile. La femme laide, la femme cachée, le bout de viande avariée parce que personne n'en a voulu lorsqu'il était encore frais. Qu'on a acheté parce qu'il ne restait que lui, et dont on se satisfait, la gorge nouée mais la langue pendue. On se demandait bien ce qui avait pu l'attirer jusqu'ici.
Mais personne n'avait voulu arriver jusqu'ici.
On la cache sous les draps et on l'oublie. Un souvenir de plus à enfouir. Ce n'est pas un crime que de réduire au silence les monstres dans son genre, moins plantureux qu'une larve, moins fécond qu'un désert. Sa plainte et ses spasmes tus aux yeux du monde. Pas besoin de les lui arracher.

Et une présence proche qui vient l'aviver.


 
[PN] Limon. [Sigrid Oleksander & Emile J. B. Evans]
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