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 Instant volé [Remus]

Henri Underwood

Henri Underwood
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Le dégoût sur sa peau, le mal en dessous.
Le mal qui bout.

Bout comme la lave d'un volcan explosif, au creux de son ventre, là où les aliments sont digérés, passent dans les vaisseaux, intègrent, deviennent son corps, là où se situe la machine infernale qui la maintient en vie, en vie malgré elle, malgré ses nerfs qui hurlent, malgré son ennui absurde. Malgré le peu dont elle se nourrit, constamment en train de vomir ce que le regard insistant des cantinières lui force à avaler, proie d'une attention qui se détournera d'elle lorsqu'elle la réclamera.  
Proie d'une logique irrationnelle qui veut qu'elle grossisse à force de mâcher de l'air et des chips trop grasses, pèse plus lourd mais jamais suffisamment pour qu'ils soient incapables de la soulever de terre et la balancer plus loin, dans une poubelle.

Elle gonfle comme un ballon, et pourtant elle ne se sent jamais légère.
Parce qu'il y a ce volcan au creux de son ventre, greffé à ses hanches et qui monte jusqu'à ses côtes, il y a ce braisier, cette fournaise, cet enfer au creux d'elle qui la rappelle au sol, non qui l'enracine au sol. Il y a ce volcan, et la fureur qu'il charrie, qui est la sienne et qui ne l'est pas, pas toujours, quand elle la réveille en sursauts en plein milieu de la nuit et qu'elle prend peur de sa propre rage. De ses mains crispées, qu'elle déplie à grand peine, douloureusement, de ses mains courbaturées d'avoir serré les poings dans son sommeil ; de ses jambes qui ont froissé les draps à force de courir dans le vide, de ses poumons vides d'avoir oublié de respirer, encore, d'avoir oublié d'exister.

Il y a ce volcan, et il est ce qu'elle a de plus précieux, et il est cause de sa déchéance.
Il aurait fallu que son sang ne bouillonne pas, que son souffle ne soit pas nuées ardentes, que sa peau ne craquèle pas de sècheresse. Il aurait fallu qu'elle soit autre chose qu'une Cocotte Minute, une boîte de Pandore brûlante, renfermant des émotions contradictoires qui sifflent de sa bouche entrouverte sur l'asphyxie auquel ce monde la condamne.

Masochiste.

C'est le nom que l'on a donné à ce qu'elle a, à ce qu'elle est. Mais au fond ça ne veut rien dire ; ça ne décrit pas le cycle des saisons qu'elle subit, ne décrit pas la torture dont elle est née, déchirement entre ce que l'on dit et ce qui est, hypocrisie douce-amère, ne décrit pas enfin la banalité des douleurs qu'elle s'afflige. C'est le nom que l'on a donné à sa différence, et parfois elle a l'impression que c'est ce qui la définit, ce qui fait d'elle un individu ; puis revient l'insulte dans la bouche des autres, l'insulte dans laquelle elle ne se reconnaît pas, ne reconnaît pas son remords, l'amour qu'elle porte, l'amour qui lui est portée, ne reconnaît pas tout le stratagème de ses pensées.
Parfois elle se dit qu'elle est plus que le mot masochisme.
Mais être plus qu'un mot, c'est toujours être peu de choses.

Parfois elle se dit qu'elle est Henri Underwood.
Pas seulement Henri, le chien enragé.

Henri Underwood.
Aujourd'hui elle est Henri Underwood.

Plantée face à un miroir à pied, elle plisse ses yeux maquillés. Habillée d'un jean à coupe droite, mais pas slim, et d'un débardeur à bretelles larges, elle vérifie sous toutes les coutures que les bleus ne se voient pas. Soulève son haut, tire dessus, remet en place son soutien-gorge - à la bonne taille cette fois, et ça la panique, parce que tant que ses seins se perdaient dans le bonnet, elle avait l'impression qu'elle n'en avait pas. Pas d'attributs pour faire d'elle une femme.
Et une femme, c'en est une, le dos droit, les cheveux longs et lisses, bruns comme sa couleur naturelle, les paupières lourdes d'un far qu'elle a emprunté et le teint unifié. C'en est une jusqu'au doute qui rend son geste malhabile, quand elle enfile une veste en cuir pour cacher ses bras qu'elle trouve trop pâles.

Henri Underwood n'est pas particulièrement belle, pense-t-elle, mais elle n'est pas repoussante comme Henri. Elle ne pue pas comme Henri. Henri Underwood sent le jasmin et la lessive propre. C'est bien.

Et pourtant même quand elle est Henri Underwood, c'est seulement Henri qu'ils cherchent en elle.

Henri et sa beauté sauvage, incompréhensible. Henri et l'histoire de sa folie. Henri et ses mues, Henri qui change de peau au bord de l'agonie, ressuscite quand elle atteint le point de rupture. Son regard froid comme la lame d'un couteau et la main chaude comme le sang.

Tant pis.


Henri Underwood lit autre chose que des Harlequin, et c'est bien. C'est souhaitable. Assise au fond d'une salle de classe, un recueil de poèmes à la main, elle paraît à sa place - et c'est l'illusion qui la sauve, sauve des autres lancés à sa poursuite ou dans l'attente d'un hasard heureux.

Personne ne croisera Henri cet après-midi car cet après-midi elle n'existe plus.

Tant pis.
Remus Amaro

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“Scène de la vie scolaire”. Bonjour l'originalité des professeurs. Remus avait beau être dans une académie où l'art passionnait 50% des étudiants, il se retrouvait avec un sujet bateau comme celui-ci. Le seul côté positif, vu son régime de pensionnaire, c'est qu'il était sur place vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En plus, il n'était pas obligé d'inclure des personnes sur sa photographie, et mine de rien, c'était un avantage. Somme faite de ces réflexions, c'était un sujet bateau, certes, mais libre.

C'est ainsi qu'il avait fait le tour de l'académie, une semaine plus tôt, pour repérer des lieux vides et plutôt bien exposés à la lumière. Le jeune homme comptait se démarquer des autres en illustrant un bâtiment abandonné à la fin des cours : il éviterait ainsi de demander le droit à l'image à des inconnus. Lorsque arriva le jour J, Remus prit avec grand soin son appareil photo rechargé, son trépied, et partit à la conquête de la salle B3.

Le soleil commençait à filtrer à travers les fenêtres, grandissant les ombres du mobilier. Les couleurs étaient chaudes, et c'était exactement ce que notre apprenti photographe cherchait. Cependant, en passant la tête dans l'ouverture de la porte, il remarqua que la salle n'était pas vide, contrairement à ce qu'indiquait le planning des classes. Cachée derrière un livre, la personne semblait plutôt banale : brune, habillée normalement, il n'y avait aucun signe distinctif si ce n'est l'ouvrage qu'elle tenait entre les mains. La couverture arborait des fleurs sauvages, comme le coquelicot ou la campanule vivace. Était-elle fan des plantes, elle-aussi ? La distance empêchait Remus de lire le titre. Toujours planté devant l'entrée, silencieux, il ne put s'empêcher de penser que cette scène était vraiment belle : la lumière et le calme de l'inconnue donnaient une sensation de sérénité qui contrastait avec le vacarme des cours de récré. Il cadra en format paysage et prit la photo.

Courage Remus, la dernière étape pour concrétiser ce cliché est de demander l'autorisation de la personne. Quoique, on ne voyait pas son visage, donc il n'était pas obligé. Peut-être était-ce sa rencontre catastrophique dans l'ancienne cave à vin ou le bouquin, mais Remus était plus enclin à vouloir discuter avec une personne qu'il ne connaît pas.

« Tu t'intéresses à la botanique, toi aussi ? »

Pas de bonjour, ou de toux pour exprimer sa présence. Il s'était approché comme d'habitude, discrètement, l'air curieux.
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Un bruit tinte.
Là, quelque part dehors. Dehors ? Dehors.

Alors elle bat des paupières, casse la bulle confortable de son rêve, car elle ne lit pas vraiment, elle somnole doucement dans la lumière de la fin du jour, dans le silence d’une pièce qu’elle possède de sa présence, qui lui appartient à elle seule.
A elle enfin.

C’est du moins ce qu’elle croyait, ne croit plus, alors qu’elle aperçoit l’ombre d’un autre à travers ses cils et fixe son regard sur ses pieds, terrifiée soudain à l’idée de relever la tête. Et s’il savait ? S’il reconnaissait Henri au-delà de Underwood ? Elle attend, entrouvre les lèvres pour goûter le silence ; n’y trouve pas les relents amers de ses tortures quotidiennes. Attend encore, lève une main pour tirer sur une de ses bretelles, en priant que les bleus ne se voient pas, ne la trahissent pas.

Figée dans sa peur, statue de cire. Elle n’a que l’apparence du calme, tous les instincts en éveil ; sens à vif mais le cerveau englué dans une question - raisonnement inconscient qui se reflète au fond de ses iris, passé l’éclat de stupeur qui éclaircit leur couleur, plus verte que marron. Elle a déjà entendu ce bruit qui l’a tirée de ses limbes : où ?

Où, où, où, où ?


Des tâches noires dansent devant ses yeux - elle en perd de vue les pieds de l’inconnu, qu’elle surveillait jusqu’alors jalousement. Qu’elle tenait à distance, autant qu’elle le pouvait, de toutes les prières de ses paumes ouvertes, maintenant plaquées contre le recueil de poèmes pour que l’on n’en devine pas la vulnérabilité.

Puis soudain elle entend sa voix, plus près, et les lèvres entrouvertes, ourlées, c’est sa voix qu’elle goûte, l’air qui l’entoure qu’elle inspire. Pèse le pour et le contre, en chatouillant son palais de sa langue. Relève enfin le menton dans un mouvement qui offre son visage à la lumière.

« Non. »
Non, il n’est pas un danger, conclut-elle.

Elle se rend compte trop tard qu’elle a parlé à haute voix. Trop tard que maintenant qu’elle a parlé, elle ne peut plus l’ignorer. Mais l’ignorer à quelle fin ? Cet après-midi elle n’est pas Henri, mais Henri Underwood. Henri Underwood n’a pas de raison de fuir devant un inconnu.

« Non, euh, en fait c’est un recueil de poèmes. »
bégaie-t-elle. « Je ne connais pas grand-chose sur les plantes... »

Marquant une pause, elle se mord la langue. Soudain agacée par la niaiserie dégoulinante de ses joues rougies de gêne, de ses doigts cachés entre les pages du livre, puis de ses bras qui se croisent sous sa poitrine, de ses semelles qui couinent quand elle rapproche ses pieds sous le bureau. Prête à se lever s’il faut partir, partir avant d’en mourir d’embarras.

C’est à cet instant qu’elle le voit, l’appareil photo qu’il tient dans une main ; et que son cerveau fait enfin le rapprochement. Il a pris une photo - le bruit, c’est parce qu’il a pris une photo.
Il a pris une photo.

Elle en est maintenant sûre. Mais de quoi ? Est-elle dessus ? Voit-on son visage ? Elle retient ces questions à la frontière de ses lèvres, poursuit son monologue pénible :

« En fait je ne connais pas grand-chose tout court. »
Et elle a un rire comme une excuse.

Un pouffement plus qu’un rire, en vérité, et la haine de soi revient, lui casse les dents et le nez, remplit sa bouche de son propre sang - elle étouffe soudain, tousse dans son poing dans un effort qui lui remplit les yeux de larmes.

« Désolée... »


Henri lui manque tout à coup, d’une force terrible, Henri lui manque et c’est une chose qu’elle aurait cru impossible. Henri lui manque parce qu’elle aurait su faire semblant d’être autre chose qu’inquiète. Autre chose que méfiante.

Elle aurait su faire semblant d’être autre chose qu’Henri.
Remus Amaro

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Des secondes -qui lui parurent des minutes- s’égrainèrent avant d'obtenir une réponse.

« Non. »

Au moins la réponse avait l'avantage d'être précise. Mais tranchante. Tous les efforts investis pour devenir sociable venaient de tomber à l'eau. Remus était déçu, ce n'était pas aujourd'hui qui allait faire une rencontre qui durera plus que cinq minutes.

« Non, euh, en fait c’est un recueil de poèmes. Je ne connais pas grand-chose sur les plantes... »

Ces doutes furent balayés directement. A voir son visage empourpré, sa posture clairement sur la défensive et sa difficulté à s'exprimer clairement, elle n'était pas snob comme il l'eut cru. Timide sans doute, mais pas snob. Un peu comme Remus, quand il était arrivé à Volfoni. Depuis, il se sent plus à l'aise, car il a pu rencontrer de bonnes personnes : Lou, Jiang et récemment Angel. Il avait fallu l'apprivoiser, pour que ses paroles deviennent plus libres. Se rendant enfin compte qu'il fixait son visage étrangement, il rougit, et détourna son regard.


« En fait je ne connais pas grand-chose tout court… Désolée. »

Qu'avait-il dit de blessant ? Rien. Juste son silence l'avait sans doute pousser à se morfondre sur elle-même. Les yeux rivés sur la fenêtre, le bruit étouffé que l'inconnue avait fait ramener le regard du rouquin vers son interlocutrice. Ses yeux étaient humides, et il était certain que si il continuait à la regarder sans rien dire, aussi passif qu'un objet, elle allait sans doute s'écrouler. Pourquoi ? Il n'en savait rien. Mais ce n'était pas très normal de se retrouver seule le soir à lire un recueil de poésies dans une salle de classe vide. Il devait y avoir quelque chose, et ce genre de chose ne se demande pas.

Ainsi, pour esquiver la potentielle scène de film dramatique, Remus répondit, illustrant ses paroles avec des gestes de bras, à la manière des Italiens.


« Haha, non non, c'est moi ! Je vois des fleurs sur un livre et ça y est, je fais des raccourcis !
Après, tu dois certainement connaître des choses, regarde cette fleur rouge sur ton livre : c'est un Coquelicot. Bien sûr, c'est pas la première chose qui t'a frappé à l'esprit quand tu as acheté ce bouquin, mais tu le sais. Peut-être que pour tes connaissances, c'est pareil : tu en as, mais tu ne les prend pas compte dans ta vie de tous les jours !
 »

Bien que le jeune homme voulait se montrer rassurant, il se demanda si il s'y était pris de la bonne manière. Il ne voulait pas la laisser croire qu'il la prenait pour une fillette de neuf ans. Car elle ne semblait pas avoir des problèmes de cet âge-là.
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Il a cru... Il a cru quoi, au juste ? Qu’elle pleurait de dépit ? Qu’elle pleurait tout court ?
Ne te fous pas de moi.

Ne te fous pas de moi.
Ne te fous pas de moi.
Ne te fous pas de moi.
NE TE FOUS PAS DE MOI.


Ah, le volcan a repris du service au creux de tes hanches ; ah, ton souffle redevient nuées ardentes et dans les airs en sommeil, tu bouillonnes de vie, d’un flux trop fort, trop brusque, que ton corps bientôt ne contient plus. Implosion. Ton visage déchiré, ton torse en lambeaux, tes membres éparpillés aux quatre coins de la pièce. Ça, c’est que tu vis intérieurement.

En vérité, tu as juste laissé échapper un sifflement, court, aigu.
En vérité, tu as frappé discrètement ton tibia contre le pied de table pour évacuer la violence.
En vérité, tu as déchiré la page sous tes doigts, tu l’as écrasée dans ton poing.

Je t’emmerde avec tes coquelicots, c’est ce que tu penses.
Tu ne t’attendais pas à ce que ça soit si dur, si pénible, d’être Henri Underwood. Mais peut-être que tu te trompes depuis le début. Peut-être que la fille qui se tient là, en train de lire un recueil de poésie, ça n’a jamais été Henri Underwood.
Jamais.
Juste une imitation grossière de l’idéal féminin que tu voulais atteindre avant d’entrer à Volfoni. Avant que l’on piétine tes aspirations naïves et que l’on t’en insuffle d’autres, guerrières. Avant que ta personnalité elle-même ne devienne meurtrière.

Après tout tu n’as jamais lu de poésie.

Même avant, tu ne lisais que des romans à l’eau de rose ou des magazines féminins. Alors pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi, tu peux me le dire ? Qu’est-ce que ça change vraiment d’ajouter « Underwood » ? Rien. Absolument rien.

Underwood c’est juste une excuse pour justifier ton hypocrisie latente.

« Tout va bien. »
murmures-tu.

Et c’est la voix de Henri qui résonne, la voix de Henri, tu la reconnais, tu la chéris, tu en pinces les lèvres de plaisir. C’est TA voix. Soudain Henri ne te manque plus ; ce serait un non-sens puisque après tout Henri, c’est toi.
Henri c’est toi.

Hélas ?


« Tout va bien. »
répètes-tu plus fort. « Dis-moi plutôt ce que tu vas faire de la photo. Je peux la voir ? » ajoutes-tu, dans un sourire crispé.

Crispé parce que tu n’as plus l’habitude, plus vraiment ; crispé parce que tu ne veux pas l’effrayer, ne veux pas que le changement d’attitude soit trop violent. Tu as l’air soulagée, un peu, au fond de tes yeux et ça adoucit sensiblement tes traits. Comme si un poids venait de quitter tes épaules, comme si une guerre venait de se terminer. Armistice précaire.
Tu trouves ça drôle, parfois, la façon dont les hommes ont de se lancer dans des entreprises perdues d’avance. C’est ce que tu as fait, aujourd’hui. C’est ce que tu as fait, et tu savoures en secret ton cadeau, le goût vain de la fuite en avant que tu connais si bien, tu fais rouler sur ta langue l’ennui qui commence à te prendre. Tu espères soudain que cette rencontre ne devienne pas vaine à son tour.
Tu as besoin de quelque chose qui te retienne ici, dans cette salle, ou tu retourneras inéluctablement à tes abysses.
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Un sifflement aigu. Le bruit d'une feuille enlevée de force de sa patrie, et lentement broyée. Il les avait entendu ces sons. Il ne comprenait pas ce qu'ils faisaient là, mais il ne pouvait les nier. Le moins que l'on puisse dire c'est que ce n'était pas la réponse qu'il attendait à son discours qu'il avait mis tant d'efforts à formuler. Et pourtant, c'est ce qu'il fit. Faire genre de n'avoir rien entendu, parce que lui aussi avait été une personne qui avait des réactions parfois incompréhensibles pour une personne lambda.

« Tout va bien. »

Il n'en avait pas l'impression. Elle le répéta plus fort, comme si elle essayait de se persuader. Est-ce que Remus avait obtenu assez de courage pour demander directement ce qu'il n'allait pas ? Non. Il avait peur d'un refus, de gêner. Et tandis que mille et uns scénarios faisaient un casting dans sa tête, la suite arriva :

« Dis-moi plutôt ce que tu vas faire de la photo. Je peux la voir ? »

Ah oui, la photo. La présence de son bridge lui revient enfin dans sa main. Il vérifia le rendu de sa photo sur son écran, puis le lui montra.

« J'étais justement venu te demander si tu étais d'accord pour que je la diffuse pour un projet de classe. En vrai on voit juste ta silhouette avec le contre-jour, et c'est ça qui m'a intéressé. Le jeu d'ombres qu'on peut obtenir à cette heure-ci. T'en penses quoi ? »

En attendant sa réponse, il fixa avec un air très sérieux le trajet de ses yeux. Bizarrement, cette photo lui rappelait celle prise sur les toits, avec Lou, qui était en train de s'échauffer pour danser. Les filles avaient-elles besoin de s'isoler en soirée pour se dévoiler ? Face à l'inconnue qui semblait aussi sincère qu'un masque, il en doutait.
Henri Underwood

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« J'étais justement venu te demander si tu étais d'accord pour que je la diffuse pour un projet de classe. En vrai on voit juste ta silhouette avec le contre-jour, et c'est ça qui m'a intéressé. Le jeu d'ombres qu'on peut obtenir à cette heure-ci. T'en penses quoi ? »

Elle plisse les yeux, un peu perplexe. Un peu perdue dans ses émotions - pour changer. Heureuse d’être belle sur une photo, tout simplement, aussi naïf que cela puisse paraître, heureuse d’y paraître douce, inquiète d’y être reconnue. Heureuse, enfin, de cette image que cela donne d’elle-même - ce petit bout de rien, instant volé, à la fois sincère et mensonger. Paralysée, en partie, par l’idée de nouvelles rumeurs, de rumeurs sur elle et lui ; ce n’est jamais bon, une rumeur sur elle et lui.

Mauvais pour lui, qui serait chahuté, harcelé, qui rejoindrait ton rafiot de quotidien. Mais surtout mauvais pour toi, dont on raserait le crâne sans doute d’encore plus près, à la limite du raisonnable, juste avant d’entamer la peau parce qu’il le faudrait, entamer la peau, c’est peut-être la seule façon de t’empêcher d’être belle - belle par réminiscence, belle de la beauté perdue que l’on devine chez les poupées défigurées ou les femmes âgées. Belle par effort d’imagination, et parfois la réalité dépasse la fiction, et parfois tu l’es vraiment, pour un instant, tu l’es si fort et ça en paraît suspect parce que inhabituel.
Tu es belle sur cette photo.

Belle tout simplement comme l’est une femme.

C’en est à pleurer de dépit - tu n’y penses pas. Après un court instant de silence, tu chuchotes d’un air presque solennel :

« Je pourrais en avoir une copie ? Je veux la montrer à ma mère. »


Tu ne sais pas pourquoi tu prends soudain le ton du secret, mais tu le fais avec une forme de joie dans la voix et c’est le plus doux de tous les visages que tu lui as déjà montrés. Le plus doux, et le plus ordinaire aussi. Ça te va. D’un geste de la main, tu balaies les minutes qui ont précédé de ta mémoire - fronce les sourcils pour te concentrer sur le présent.

« Je la trouve... »
Défaut de vocabulaire. Tu n’as pas vraiment l’habitude de faire des compliments. « Sympa. Tu dois lui donner un nom ? » demandes-tu. Puis, dans l’élan de la conversation : « Tu dois préciser qui est dessus ? »

Mais cette question n’a rien d’une curiosité.

Redressement d’épaules, tu fourres le recueil dans la poche de ton pantalon, étires tes bras au-dessus du bureau en léchant tes lèvres gercées ; lui adresses un regard en coin, un regard comme impatient. Tu hésites à lui demander son nom, car il y a des chances pour qu’il veuille connaître le tien en retour et ça, tu ne sais pas si tu peux te le permettre.

Tu finis quand même par lâcher un « Comment tu t’appelles ? » vague qui ne paraît pas effrayé - ne paraît pas. Au pire, te dis-tu, tu lui mentiras. Tu lui mentiras pour adapter la réalité à la tranquillité de son regard. Pour ne pas choquer.
Pour ne pas qu’il prenne peur.

Tu lui mentiras au nom de la tendresse, animal prudent, susceptible, tu lui mentiras par espoir, pour une fois, d’être sensible à son confort - par espoir d’être sensible.
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« Je pourrais en avoir une copie ? Je veux la montrer à ma mère. »


Remus haussa un sourcil. Il ne s'attendait pas à cette réponse, autant par le contenu que par la forme.

« Oui, bien sûr ! Par mail ou alors si tu me prêtes ta clé USB un de ces quatre, ça peut se faire. »

Il vit son visage s'apaiser et c'est la première fois depuis le début de la conversation qu'il reconnut la silhouette sereine qu'il avait voulu immortaliser. Le photographe attendit patiemment le reste de la critique, mais qui fut de courte durée. « Sympa ». C'est déjà ça. Pour une photo prise sur le vif, c'était un beau compliment, même si Remus n'était pas dupe quand au niveau d'expertise en face de lui. Ce qui lui fit plus plaisir fut l'intérêt porté au devenir de la photo. Peut-être viendra-t-elle la voir lorsqu'elle sera exposée ? Ce serait cool, et bien plus parlant bizarrement qu'un « sympa » lancé à la va-vite.

« Alors pour le nom, le mieux c'est d'en trouver un, parce que "Sans titre", ça fait pas très professionnel et pour le "modèle" (Il mima les guillemets avec ses mains), si tu veux voir ton nom apparaître ça peut se faire, sinon on marque juste "Anonyme" dessous. »

Cela faisait beaucoup de guillemets à mimer et le jeune homme avait peur qu'on le réduise qu'à l'étudiant-qui-fait-des-guillemets-tout-le-temps-quand-il-parle. Ne serait-ce également pas cliché de dire que c'est son côté italien que d'illustrer ses paroles ? Ne sachant pas quoi dire sans paraître trop  indiscret, il la regarda s'étirer. Imprévisible, solitaire, hésitante, on dirait un chat sauvage. Pas très originale comme comparaison, pourtant elle semblait s'appliquer exclusivement pour elle. Une autre question le tira de ses pensées :

« Remus, comme dans Harry Potter. Ce qui est chronologiquement impossible vu que je suis né avant, mais c'est clair pour tout le monde au moins. Et toi ? »

Yeux pétillants, il voulait montrer sa curiosité comme elle l'a faite au sujet de sa photo. Si on s'intéresse à la photographie, on ne peut pas être une mauvaise personne, n'est-ce pas ?
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Marathon.
Marathon le long de tes circuits nerveux, de tes phalanges, de ta gorge ; marathon de mots, d’idées, de banalités. Préjugés, lieux communs, non-sens ordinaire. L’impression noué aux tripes de n’avoir rien à se dire. L’envie menotté aux poignets d’abandonner. De laisser tomber.
De le laisser tomber ; le planter là, là comme au milieu de nulle part, le planter là et ne plus jamais le revoir.
Ce n’est pas lui, le problème ; c’est toi. Toi qui as perdu l’habitude, toi qui ne parles plus que de mots qui font mal en te persuadant qu’ils font mal parce qu’ils sont vrais, mais c’est faux, faux, toi et ta philosophie à deux balles, ta philosophie de skyblog emo-gothique, ta philosophie de rien. Toi qui ne dis bonjour à personne, parce que tu es dans ton monde et que tu n’as pas envie de les y inviter, pas envie de te les trimballer. Toi qui n’attends personne, parce que tu es libre et indépendante, c’est ce que tu crois, parce que tu es libre et que tu n’as pas besoin d’eux.
Jamais.
On y croirait si tu ne le revendiquais pas toutes les cinq minutes, petite boule de désespoir. Petite boule de désamour. Tu sondes tes abysses depuis tant d’années et partout tu n’y as jamais lu l’évidence : l’air hagard de ton âme, qui ne sait plus derrière quelle façade se cacher, laquelle est la plus imperméable, laquelle supporte le mieux les larmes.
L’air hagard de ton sommeil, où les cauchemars sont trop faciles, presque infantiles. Où les cauchemars sont des petits bonbons acides. Et tu te réveilles toujours la bouche dissoute, difforme, tu te réveilles sans savoir si tu es encore capable de parler jusqu’à ce que quelqu’un te fasse un croche-patte dans les escaliers et que tu te souviennes comment crier.

« Je préférerais qu’on mette ‘anonyme’. »

 
Je préférerais qu’on me brûle à l’acide nitrique.

Et puis vient la question redoutée, la question que tu attendais. Tes cauchemars prévisibles.

« Anna. »
mens-tu.

Et tu mens bien.
Tu mens plein sourire, et sourire à dents, comme tes poings sont à barbelés et ton ventre à feu et à sang. Tu mens en te persuadant que c’est ce qu’il faut faire. Que tu lui rends service.

« Je suis en danse. »


Mais oui. Tu n’es même pas sûre que ça veuille dire quelque chose, « je suis en danse » ; ce n’est pas grave, ça sonne bien. Ça sonne propre sur soi. Ça sonne promenades sur la plage, équitation et colonie de vacances - tes fantasmes naïfs, Henri, tes fantasmes naïfs.

Mieux encore, « je suis en danse », ça rime avec des tas de phrases que tu connais par cœur.
Je suis morte d’avance.
Je suis constamment en période de latence.
J’attends ma date d’échéance.

J’aurais aimé avoir la patience.
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« Va pour Anonyme, si c'est ce que tu veux. »

Voulait-elle rester discrète ou bien trouvait-t-elle la photo pas si terrible que ça au final ? Remus opta intérieurement pour la réponse A, vu le genre de scène qu'il venait de photographier.

« C'est sympa comme prénom Anna ! C'est un palindrome du coup, c'est drôle, ça se lit dans les deux… pardon, me revoilà reparti dans des explications foireuses. »

Ses sourcils se froncèrent, soudain en proie à une profonde réflexion. Il ne parlait pas trop d'ordinaire, alors comment se faisait-il que ce soir, il sortait tant de mots en trop ? Des choses inutiles, des tournures de phrases à-la-con, et ses fameux "guillemets-avec-ses-doigts" ? Cinq secondes s'écoulèrent sans qu'il ne dise rien, malgré la sublime précision « Je suis en danse ». Le malaise. Il avait plus l'impression de déranger qu'autre chose, d'avoir percé une bulle de solitude qu'il ne pouvait pas reconstruire comme ça, en partant en crabe de la salle. A quoi bon ça rimait qu'ils échangent si l'un était en trop ? Elle avait souri à pleines dents, mais il se sentait toujours pas à l'aise. L'expert des plantes n'était pas un expert des relations humaines, mais un truc clochait un peu. Et pourtant, il ne voulait pas la vexer en partant comme ça, sans dire un mot.

Il enleva la sangle de son appareil photo autour de son cou puis présenta son bridge comme un vendeur de télé-achat.


« Bon ben, comme t'as pu le deviner, je suis en phot... »

Moment d'égarement, peut-être le fait de trop s'attarder sur la réaction d'Anna, et voici sa main qui refusa de coopérer, lâchant subitement l'appareil photo qui tomba sur le sol, attiré comme un aimant. L'objectif et le boîtier se séparèrent, alors que ça ne devait pas être possible pour ce modèle. Une lentille profita de l'occasion pour s'échapper sous une table, roulant dans un bruit aigu sur le parquet.

Silence.

Ses yeux s'agrandirent, sa bouche se relâcha, des larmes apparurent de manière spontanée.


« Oh putain. »

Le cadeau de son oncle. Son fidèle compagnon. Son meilleur ami et outil artistique. Celui qui avait partagé tant de ratés et quelques réussites. Le voir à nu, par terre, c'est comme si toutes les « photorandos » qu'il avait pu faire venaient d'être effacées de sa mémoire, cette carte SD à lui.

« Oh putain. »

Reprenant peu à peu ses esprits, il rassembla en silence les différentes pièces tout en évitant de les salir de ses larmes.
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