Nul ne sait de quoi sera fait demain. Pour cela, il faut le vivre. | Hélio Ohara

Sans autre forme d’introduction au monde que l’expulsion de l’utérus de sa mère lors de l’accouchement, le petit Hélio naquit dans un quartier modeste de la ville de Goiània, au Brésil. Ses parents n’étaient pas les plus riches mais ils compensaient aisément avec l’amour dont ils entourèrent l’enfant. Le principal intéressé n’en prit connaissance que bien des années plus tard mais il bénéficia d’un environnement particulièrement sain, contrairement à certains de ses petits camarades. Cela aurait pu s’arrêter là, une vie monotone certes mais éloignée de tout tracas autres que ceux que le sort s’acharne à placer sur votre route. Son histoire prit un tournant différent lorsque son père, alors professeur d’anglais au sein d’un lycée miteux de la ville, fut muté à la capitale. Cette opportunité fut vivement approuvée par toute la petite famille et Hélio eut l’occasion de découvrir le sinistre paradoxe qui animait sa nouvelle ville : d’un côté, les riches et les puissants, chose qui ne changea jamais, encore aujourd’hui et les pauvres, réfugiés de bidonvilles aussi connus sous le nom de favelas. Malgré les grands changements apportés par ce dépaysement soudain, la famille parvint à conserver un niveau de vie respectable. Même si la drogue faisait des ravages jusqu’à frapper leur entourage, leurs amis et parfois leurs voisins, les parents d’Hélio eurent la vertu de lui interdire à jamais de toucher à la drogue. A défaut d’avoir de l’argent à perdre dans ce qu’ils appelaient entre eux « cette saloperie », ils avaient suffisamment de moral pour éloigner leur fils de ses ravages.

En grandissant, Hélio ne put que rejoindre l’opinion de ses parents sur le sujet, notamment en voyant la drogue détruire des individus apparemment sans problèmes au premier abord. Il s’obstina dans l’apprentissage de l’anglais, d’une part parce que son père l’enseignait et qu’il n’était pas très original à l’époque –ni même maintenant ?!-, d’autre part, parce qu’il nourrissait en secret le désir de voyager. Ce fut en quelques sortes son besoin d’exotisme –appelez cela comme vous voulez- qui le conduisit à fréquenter cette femme. L’esprit rebelle, un électron libre qui rêvait comme lui d’horizons différents. Son caractère à la fois de feu et entreprenant, suffit à rendre amoureux Hélio. Sauf que voilà, pour voyager, il faut de l’argent et pour avoir de l’argent, il faut se dénicher un travail. Tandis que le jeune homme enchaînait les petits boulots merdiques, dans l’espoir de réunir assez de fonds pour pouvoir partir en voyage avec sa belle, cette dernière s’activait de son côté. Malheureusement pour l’intéressée, elle ne tarda pas à tomber dans le milieu de la drogue voyant en elle un moyen de parvenir à ses fins. Contrairement à Hélio, elle n’avait jamais vraiment consacré de son temps et de son énergie aux études et ne pouvait prétendre à mieux. Connaissant le point de vue de son compagnon sur le sujet, elle choisit de lui cacher la vérité, préférant imaginer le jour où ils pourraient s’envoler loin de la capitale. En tant que dealeuse, elle ne touchait pas à la drogue, histoire que son compagnon ne s’en aperçoive pas mais son activité ne tarda pas à attirer l’attention d’autres individus, bien moins amicaux en revanche. Quitte à choisir, il ne fait aucun doute qu’elle aurait préféré avouer toute la vérité à Hélio, plutôt que de se retrouver confrontée à une bande de drogués sans scrupules.

C’était une journée comme les autres : le jeune homme venait à bout de sa livraison de journaux quotidienne. Le soleil n'était pas bien haut dans le ciel mais la chaleur s’en faisait déjà ressentir. Hélio peinait à ignorer les regards qu’on lui jetait, avec sa chemise trempée de sueur. Aucun doute que la gente féminine du quartier aurait bien aimé qu’il enlève son haut à ce moment précis… Une sonnerie le tira de ses pensées et il décrocha en voyant le nom de sa petite amie. Elle qui d’ordinaire offrait tellement d’assurance, que ce soit dans ses propos ou même son attitude en générale, sa voix tremblait au bout du fil. Hélio comprit aussitôt que quelque chose ne tournait pas rond et ce, malgré les coupures dans les explications de la jeune femme. Elle avait l’air terrorisée, lui réclamant de passer chez elle le plus vite possible. A peine sa requête fut-elle parvenue aux oreilles d’Hélio, qu’un bruit sourd retentit. Il ne lui en fallut pas plus pour raccrocher et se ruer chez sa petite amie. Une fois sur place, il constata la porte forcée à coups de pied ainsi que la présence de plusieurs individus inconnus au bataillon. Fort de ses entraînements de boxe, utiles selon lui pour se dépatouiller de situations comme celle-ci, il estima rapidement le temps qu’il lui faudrait pour les neutraliser. Cependant, il ne mit pas longtemps à comprendre qu’il s’agissait de drogués, pour avoir reconnu les symptômes du manque : agressivité, hâte, tics nerveux… Son arrivée alarma les complices et il s’empressa de les neutraliser. Du moins, il essaya : le jeune homme y parvint pour deux d’entre eux mais le dernier restant paniqua et sortit une arme à feu avant de viser la jeune femme qui se mettait à hurler de plus belle. Dans la panique et la confusion, Hélio ne pensa pas aux conséquences de son acte, que certains qualifieraient d’héroïque, d’autres de stupide : il se jeta devant elle alors que la détente se pressait. D’abord l’interrogation, puis la douleur, suivie du noir complet. Curieusement, il se souviendra toute sa vie du bruit de la détonation résonnant dans la pièce, plus que le cri strident de sa petite amie. Ou ex-petite amie devrais-je dire.

Sa convalescence releva du miracle. Tout le corps soignant le répétait. Cependant, le soulagement et la joie de se savoir en vie furent de courte durée : en apprenant toute la vérité sur les activités illégales de la jeune femme, Hélio ne put se résoudre à la revoir. Il ne lui pardonna jamais sa trahison, considérant son mensonge comme tel et par la suite, il aura bien des difficultés à accorder de nouveau sa confiance, que son interlocuteur soit une femme ou bien un homme. Ce ne fut pas faute d’essayer de reprendre une vie normale, de rencontrer d’autres personnes de la gente féminine –le bougre avait du succès auprès d’elle-. Le plus dur, fut sans doute d’avoir à affronter le regard de ses parents. Même s’il ignorait tout de la situation de son ex-petite amie et qu’il n’avait pas directement participé à ses activités illégales, le choc fut rude pour ses parents. En particulier sa mère, encore à peine remise de l’hospitalisation de son fils.  Après plusieurs semaines de réflexion, Hélio leur annonça son départ pour les Etats Unis. Le développement de son argumentation personnelle ne fut pas nécessaire aux yeux de ses parents. D’un regard, ils comprirent les raisons de leur fils, mieux, les acceptèrent. Son père tint malgré tout à lui donner de l’argent pour réussir son voyage sans manquer de rien en cours de route. Geste que le jeune homme accepta avec beaucoup d’émotions coincées dans la gorge. Prendre un avion en direction des Etats Unis ne fut pas l’étape la plus difficile en soi. Ce fut une fois sur le sol américain –et après s’être procuré une arme, histoire d’éloigner un peu plus la paranoïa qui s’emparait de lui- qu’Hélio s’interrogea. Quel métier pour quel avenir ? Ayant hérité du caractère pédagogue de son père, il tenta sa chance auprès d’un établissement éducatif, lequel tentait de remettre les petites frappes dans le droit chemin. Le jeune homme vit en cette école un peu particulière, le moyen de donner un véritable sens à sa vie, faute d’en avoir perdu le contrôle quelques mois plus tôt.

Cependant, il lui fallait des connaissances pour postuler en tant que professeur. Sa maîtrise de l’anglais était sans conteste appréciable, surtout pour un étranger. Pendant les semaines, que dis-je, les mois qui le séparèrent de son embauche –vive le spoiler-, le jeune homme se prit d’une violente passion pour le corps humain et ses mécanismes. Entendre le médecin, puis les aides-soignantes lui répéter O combien il avait eu de la chance de s’en sortir, motiva son intérêt pour ce sujet. Comprendre ce qui avait alimenté leur scepticisme quant à sa survie mais également plusieurs autres aspects, le tout regroupé sous le terme ronflant –quoique savant- de biomécanique. Aidé de son physique pour la mise en pratique, Hélio sut convaincre la personne chargée de l’entretien d’embauche. Il se retrouva donc à enseigner au sein de l’académie Volfoni, auprès de petits durs qui avaient l’habitude de n’en faire qu’à leurs têtes. C’était sans compter sur le tact et la maîtrise de son propre sujet de cours. Cependant, surprendre un jeune dealer en pleine transaction raviva de douloureux souvenirs. En une fraction de secondes, il revit l’accident qui aurait pu se révéler tragique. Sa respiration s’accéléra et une étrange panique s’empara de lui : celle de mourir sous les balles du tireur, celle de ne pas être sauvé cette fois, que les murs de l’établissement empêchent les secours d’arriver à temps et… Avant qu’il ne s’en rende compte, Hélio fut diagnostiqué agoraphobe. Il se mit à éviter le restaurant de l’académie, trop peuplé, ainsi que les espaces clos. Venant de la part d’un professeur véhiculeur de valeurs sportives, le fait de monter les escaliers quatre à quatre pour ne pas arriver en retard à ses cours faute de prendre l’ascenseur, fut rapidement accepté. Certains prétendent même que c’est pour se forcer à faire du sport au moins une fois par jour, pour compenser sa forte addiction au tabac. Seule drogue que le principal intéressé s’autorise, étrangement.

Sa mésaventure sentimentale lui vaut d’être particulièrement distant avec les femmes. Non pas parce qu’il applique la trahison de son ex-petite amie à l’ensemble de la gente féminine mais il ne parvient plus à accorder sa confiance à une personne du sexe opposée. Par peur de souffrir encore une fois sans doute. Depuis, il voue une véritable passion aux chiens, d’ailleurs, il possède deux dobermans chez lui, seule compagnie dont il bénéficie. Et cela lui convient parfaitement pour le moment ! En bon observateur qu’il est, Hélio a pris conscience de son malaise envers les femmes et s’efforce de masquer son manque d’assurance derrière des sourires et une apparente aisance quand il se trouve en compagnie d’autres personnes. Ce n’est qu’après avoir été consulter un médecin, qu’il a appris qu’il était devenu agoraphobe : cette peur des espaces clos ou trop vastes lui impose certaines contraintes, comme celle d’éviter le restaurant de l’académie, mais il suit une thérapie pour en limiter les crises de panique. En cours, il est connu pour sa patience légendaire –mais aussi pour sa rancune sans égale d’après certains- et il aime rendre son apprentissage vivant, physique aussi lorsque la situation le permet, surtout pour se rendre à l’aise lui-même plus que ses élèves. Quand le contexte renvoie à ses domaines de prédilection que sont la boxe et la biomécanique, le jeune homme se montre vraiment exigent en la matière. Son ambition dans la vie ? Donner une nouvelle chance à « ces gamins » comme il les appelle, presque avec affection mais surtout, les empêcher autant que possible de toucher à la drogue, souvent vecteur de ralliement au sein des clans. Sur ce point, il demeure intransigeant. Lorsqu’on le croise au détour d’un couloir, le jeune homme ne donne pas du tout l’impression d’être quelqu’un de tourmenté, au contraire, il demeure souriant, même envers des personnes qu’il ne connaît pas, quoique parfois un peu discret malgré son physique. Son envie de garder le silence sur son passé, le fait souvent rester en retrait mais il ne fuira jamais une conversation. Même s’il conserve quelques mauvaises habitudes –on ne peut pas être parfait kwa !- dans le fait de se montrer secret en ce qui le concerne, il compense volontiers ce défaut en se montrant curieux vis-à-vis de ses interlocuteurs. S’il avait été une femme, on aurait pu le voir comme une pipelette…  Il fait preuve d’un peu plus d’ouverture une fois la conversation engagée mais un seul sujet arrive à le mettre dans une colère noire : la mort. Sans doute pour l’avoir vue sous toutes ces formes lorsqu’il vivait encore au Brésil. Encore une chose à savoir sir Hélio, il fait naturellement preuve d’un sens de la justice impressionnant. Il ne supporte pas les brimades faites aux têtes de turc de l’académie et malheur à ceux qu’il prend la main dans le sac à ce sujet.

 En dépit de sa volonté de rester relativement discret, le jeune homme possède un physique qui ne lui permet pas de passer inaperçu : grand et baraqué, telle une armoire à glace à l’exception de son côté bavard, on peut dire qu’il est parfaitement adapté au cours qu’il enseigne. Cependant, on ne le verra jamais utiliser son propre corps pour expliquer les notions abordées pendant son cours, pour la simple et bonne raison qu’il n’a pas envie d’exhiber les cicatrices marquant son dos et son torse. Il n’y a que chez lui qu’il s’autorise à se promener torse nu entre les différentes pièces. Voilà pourquoi, il préfère nettement demander à ses élèves de jouer le jeu pour illustrer ses propos, donnant parfois lieu à des situations plutôt cocasses. La gente féminine s’en désole bruyamment d’ailleurs car on peut discerner les courbes de ses muscles lorsque ses T-shirts lui collent un peu trop à la peau une fois que l’été s’installe vraiment. Contrairement à ce que ses origines pourraient laisser croire, Hélio n’a pas la peau très foncé, plutôt pâle en réalité. Ce qui ne fait qu’accentuer le noir corbeau de sa tignasse toujours en bataille et le bleu de ses yeux, lequel lui donne souvent un regard dur, sévère, qui ne colle pas avec ses sourires. Sa corpulence à elle seule pourrait suffire à plaire, d’autant plus qu’il ne soigne pas particulièrement ses tenues vestimentaires. Dans le meilleur des cas, l’intéressé préfère opter pour un style décontracté, adapté au profil du professeur naturel en toutes circonstances, dans le pire des cas et bien… Non en fait vous ne voulez pas savoir. Niveau couleur, le jeune homme n’est pas ce qu’on pourrait appeler quelqu’un d’original : noir en hiver et blanc en été pour avoir moins chaud ! Non plus sérieusement, il affectionne les couleurs neutres, ni trop foncées, ni trop claires et encore moins flashy. Il a passé l’âge en plus… Quelques fois, il lui arrive de sortir le grand jeu, même si les occasions sont plutôt rares puisqu’il n’envisage aucune relation sérieuse pour le moment. Lors des différentes cérémonies liées de près ou de loin à l’académie, Hélio troque ses T-shirts saillants pour un deux-pièces noir, dans lequel il renvoie l’image d’un businessman.