« - Très bien monsieur Ohara, et si vous me parliez un peu de vous aujourd'hui ?

- De moi ? Je ne suis pas sûr qu'il y ait grand chose à raconter. Je suis né à Manaus, au Brésil. Je suis fils unique, vous savez le genre pourri gâté par ses parents. Ah, en parlant de mes parents, mon père est professeur d'histoire dans une université, et ma mère... elle s'occupait de moi quand j'étais petit, il m'a fallut longtemps pour comprendre qu'elle était femme au foyer, et qu'en plus c'était un choix. Mon père gagnait assez bien sa vie pour nous entretenir tous les trois, et ma mère ne voulait pas que des nourrices m’élèvent. De ce que j'en sais, parce qu'elle n'aime pas parler de son enfance, elle a été élevée comme ça elle, et ne voulait pas reproduire ce schéma avec moi. Je vous l'ai dit docteur, je n'ai pas une vie très intéressante.

- Mais si, continuez, vous ne voulez pas me parler un peu de votre enfance ?

- Mon enfance ? Bah, elle a été comme celle de tout le monde je pense. Quand j'ai eu l'âge d'aller à l'école j'ai été inscrit dans celle du quartier, la publique, pas la privée. Mes parents pensaient que c'était mieux que je fréquente des enfants « normaux » et pas des petits bourges... ce sont leurs mots exacts. Je devais avoir une dizaine d'années quand ils m'ont dit ça, mais ça m'a marqué... parce que la maison qu'on habitait à cette époque rentrait vraiment bien dans le critère « maison bourgeoise », du coup les entendre dire ça c'était... enfin vous voyez quoi. Je suis sûr que mes copains à l'école devaient penser que j'étais un petit gosse de riches. Dans un sens, ils n'auraient pas eu vraiment tort... »

Hélio s'interrompit quelques secondes, fouillant dans ses souvenirs d'enfance histoire de voir s'il en trouvait un qui mériterait d'être raconté au médecin qui lui faisait face, avant de finalement secouer très légèrement la tête. Non, il n'avait rien de particulier à raconter.

« - J'ai vraiment eu une enfance normale vous savez... J'ai été à l'école, je me suis fait des amis, des ennemis aussi, et j'ai grandi. Je suis entré au collège, et par une lubie de mon père, je me suis retrouvé dans un collège américain... Enfin une lubie. Je vous ai déjà dit que mon père a vécu plusieurs années à Atlanta ? Pour son travail... Il a toujours pensé que ça pourrait être bien qu'on retourne s'y installer avec ma mère. Mais on n'en a jamais eu l'occasion. Faut dire que son boulot de prof lui prenait tout son temps, et l'université ne voulait pas le laisser partir. Il paraît qu'il était trop apprécié par ses étudiants. Enfin bref, c'est pour ça qu'il m'a inscrit dans un collège américain, c'est con comme justification vous croyez pas ? N'empêche que c'est pour ça que je parle aussi bien anglais... Sinon... Bah j'ai passé une adolescence normale, j'ai eu des bonnes notes, sans pour autant être un petit génie. Vous savez, j'aimais bien les cours, c'est pour ça que j'ai décidé de devenir prof à mon tour. Contrairement à ce que beaucoup croient, c'est pas parce que mon père l'était et que j'ai voulu faire comme lui. En fait, il m'a même dit plusieurs fois que je devais suivre la voie que je voulais, celle qui me conviendrait le mieux. Mais faut croire que marcher sur ses traces me plaisait bien.

- Alors comme ça, vous saviez dès le collège ce que vous comptiez faire une fois adulte ? C'est rare qu'un enfant garde son idée jusqu'à sa majorité.

- Et pourtant... à partir du moment où j'ai su ce que je voulais faire, j'ai gardé cette idée et je ne le regrette pas. J'aime mon métier. Vraiment. Enfin... voilà, je pense que je vous ai raconté l'essentiel.. non ?

- Vous oubliez une partie importante de votre vie il me semble Hélio. »

A nouveau, durant quelques instants le jeune homme s'enferma dans le silence. Il l'avait senti venir, cette question. Il savait qu'il ne passerait pas au travers, après tout, s'il avait commencé à voir un psy c'était bien à cause de Ça. Il avait eu beau dire que tout allait bien, qu'il s'en remettait, ça n'était pas le cas. Cela faisait quasiment un an qu'il avait rendez-vous avec cet homme, ce docteur, et peu à peu, il c'était ouvert, avait commencé à lui raconter sa vie, lui parlant de tout et de rien, surtout de rien, jusqu'à arriver à ce jour. D'habitude, il se renfermait sur lui même, coupant ainsi court à la discussion, mais aujourd'hui c'était un peu différent, juste un peu.

D'une voix bien moins alerte que précédemment, Hélio reprit la parole, sans fixer le médecin cette fois, choisissant ses mots avec soin.

« - J'ai rencontré Lucy, enfin Lucia, à la fac. Elle... C'était le genre de fille qu'on repère assez facilement. Jolie, intelligente, n'ayant pas sa langue dans sa poche... Enfin, vous voyez... Je n'aurai jamais cru qu'elle soit intéressée par quelqu'un comme moi, mais... c'est elle qui m'a abordé la première fois. On a commencé à sortir ensemble, comme ça... sans réellement s'en rendre compte. Ça semblait la suite logique de notre rencontre... Faut croire que j'ai été idiot. ...A cette époque, je partageais mon temps entre les sorties avec elle, et les cours. On était dans notre petit monde, à moins que ça ne soit que moi qui l'étais... On était en cours ensemble au début, alors on n'était pas souvent séparés, mais à un moment on n'a pas pris les mêmes spécialisations... Moi j'ai choisi la biomécanique comme vous le savez, on en a déjà parlé... elle... elle a carrément changé de filière... ce qu'elle faisait jusqu'à présent ne l'intéressait plus d'après ce qu'elle m'avait dit... il faut croire qu'elle avait trouvé plus intéressant. »

A nouveau, durant quelques instants, Hélio se tut, s'enfermant dans un silence pensif. Avant de finalement reprendre la parole, sans pour autant fixer l'homme face à lui, l'impression d'être seul aide souvent à parler...

« - Je pensais qu'on allait faire notre vie ensemble... et je pensais qu'elle y songeait aussi... jusqu'à « l'accident ». Enfin pour autant qu'on puisse appeler « ça » un accident. C'est... un peu flou en fait, je me souviens de ces types qui en avaient après elle... et de la douleur... une douleur insoutenable. Et ensuite, tout est devenu noir. D'après les médecins, je dois avoir un ange gardien qui veille sur moi, car je n'aurai pas du m'en sortir... Il paraît que Lucia a passé tout son temps à mon chevet... mais peut être que ça aussi c'est un mensonge, après tout, tout ce qu'elle m'avait raconté d'elle jusqu'à présent en était un... »

Quand Hélio se tut cette fois-ci, le médecin face à lui sut qu'il ne continuerait pas, son patient s'en rendit compte au même moment. Il savait bien qu'il aurait du, qu'il était là pour ça mais... c'était encore trop compliqué. Comment expliquer à quelqu'un que celle qu'il avait cru être la femme parfaite était... juste une dealeuse ? Que tout ce qu'elle avait pu lui dire depuis leur rencontre avait été entaché par un mensonge qui avait manqué de lui coûter la vie ? En refusant de parler, Hélio savait qu'il fuyait, exactement comme il avait fui le Brésil en postulant à Volfoni, mais c'était encore trop tôt... peut être plus tard pourrait-il en parler facilement.

« -Et maintenant, je travaille dans une académie, ici en Floride... le côté positif ? Il fait presque aussi chaud ici que là d'où je viens. »

Hélio est quelqu'un de relativement paradoxal. Bavard et plutôt expansif, il semble se lier facilement avec les gens, partageant assez facilement des moments de pseudo complicité avec eux. Un sourire quasiment tout le temps plaqué aux lèvres, un bon mot lui échappant régulièrement... ou un bon mot foireux d'ailleurs, tout est une question d'appréciation, il n'hésite que très rarement à se mêler aux conversations pour parler de la pluie et du beau temps, commenter les derniers résultats de telle ou telle équipe sportive de l'académie... ou de la ville. C'est un jeune homme qui parle... beaucoup, réellement. Mais très rapidement, vous vous rendrez compte qu'il ne fait qu'effleurer les sujets personnels, les esquivant avec adresse. Il peut même, en dehors de ses heures de cours cela va de soi, paraître quelqu'un de superficiel. Mais c'est juste une image de lui qu'il donne, si vous prenez la peine de gratter un peu sous la surface, vous découvrir un jeune homme secret, voir même renfermé, qui ne donne sa confiance qu'au compte goutte. Il préserve son intimité, ne livrant son histoire et son passé qu'à de très rares personnes qui peuvent se compter sur les doigts de la main. Il est possible d'aborder tous les sujets avec lui, enfin presque... La mort entre autres est un sujet sensible, voir même tabou.

Hélio n'est pas réellement ce qu'on pourrait appeler « un beau gosse », mais ça n'est pas non plus un laideron. On pourrait simplement dire qu'il est dans la norme. Un visage plutôt banal, encadré par une masse de cheveux noirs indisciplinée, des lèvres bien dessinées, un nez droit, la seule chose qui tranche réellement dans ce visage, ce sont ses yeux. Hélio possède deux yeux (normal) bleus sombres, qui transmettent relativement bien ses émotions.
Niveau vestimentaire, Hélio est un adepte du tee shirt, jean, baskets, c'est pas super classe, mais c'est tellement pratique et tellement confortable. Et puis, faut dire qu'un tee shirt un peu moulant ça met furieusement bien en valeur ses muscles. Et des muscles il en possède un certain nombres, pratiquer la boxe ça laisse des traces, d'ailleurs, si on le regarde d'un peu plus près on s'aperçoit aussi qu'il est taillé en V.
Si vous avez la chance de le voir torse nu, et pour ça il vous faudra vous accrocher, vous pourrez voir sur son torse et dans son dos des cicatrices qui, même si elles s'estomperont très certainement avec le temps, ne disparaîtront jamais totalement. Non pas qu'il ait honte de celles-ci ou quelque chose de ce genre, non, simplement elles amènent des interrogations auxquelles il n'a pas forcément envie de répondre.