➸ Breath me ➹ [Summer Weilana & Adriel Lespérance]

Jeu 19 Juin - 15:30

Summer avait réussi à trouver un endroit sur la plage, éloigné de tout le boucan infernal de la foule et des gamins qui s'obstinaient à chercher des crabes ou des crevettes. Elle s'assit sur un rocher plat et se contenta de regarder la mer sans pensées précises, tripotant son appareil. Elle avait prétexté vouloir sortir pour prendre des photos, mais le cœur n'y était pas vraiment. Elle avait l'impression qu'elle n'avait plus le droit de le faire.

Honnêtement, venir en Floride était un moyen de fuir le Minnesota, fuir ses fantômes et ses démons, mais ses idées noires semblaient la suivre jusqu'ici. Pourquoi est-ce qu'elle avait encore le droit de faire ce qui lui plaisait alors qu'eux n'en n'étaient plus capables ? Même Jiang ne se remettrait jamais totalement de sa blessure. Elle avait été la plus chanceuse d'entre tous, mais pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'elle était la seule à pouvoir continuer sans problème ce qu'elle aimait alors que les autres-

Non, elle devait arrêter d'y penser. Elle s'était suffisamment poser la question à l'hôpital, après son réveil. Elle avait suffisamment pleurer, suffisamment crier. Mais pas suffisamment souffert. Un petit coma et c'est tout, la voilà sur pied, et elle était censée reprendre la vie normalement ? La Terre avait continué de tourner, réveillée ou pas. Qu'ils soient morts ou pas.

Elle secoua la tête. Elle ne devait PAS y penser. Elle passa une main sur son visage.

Summer avait très vite regagné sa popularité dans ce nouveau Volfoni. Rien que son ancienne réputation l'avait plutôt bien propulsé, maintenant qu'elle était une des "revenante" de l'accident du troisième étage, elle était encore plus célèbre. Elle s'efforçait de sourire quand même quand on venait lui parler pour n'inquiéter personne, certains avaient le tact de ne rien lui demander à propos de l'accident, d'autres étaient moins subtils. On lui avait même carrément proposer d'écrire un article dessus, mais elle refusa tout net. A dire vrai, elle n'était même plus certaine de vouloir rester rédactrice. C'était à cause de ça qu'elle s'était rendue au troisième étage, elle pensait pouvoir obtenir un scoop en venant avec le club du paranormal. C'était comme ça que-

« Et merde ! »

Elle se prit la tête entre les mains. Quoiqu'elle fasse, ça la hantera toujours. Elle ne savait plus quoi faire.

Jeu 19 Juin - 19:16

Plainte de la journée : c’est vraiment la merde, chercher quelqu’un dans cette école lorsqu’on ne prend pas la peine de vouloir connaître les gens. Un peu comme moi. Sans compter que je n’ai clairement pas le talent pour ça. Déjà, quand j’étais gamin, j’avais toutes les difficultés du monde à trouver Charlie. Et maintenant, faut que je trouve Summer. Et pour trouver Summer, faut que je trouve quelqu’un qui sait où elle est. Mais vous me prenez pour qui? Non, je ne la chercherai pas partout. Je préfère perdre mon temps d’une autre façon.

Heureusement, je me souviens qu’elle est dans le même bungalow que Heather, donc je vais direct à la cafet’. Ça manque pas, la blondasse est là. Je me récolte ce qui me semble comme des centaines de regards insistants lorsque je pose ma question. Alors comme ça, elle s’isole souvent à la plage? Je ne remercie même pas mon informatrice et je pars direct. C’est que j’ai appris que Summer vient de sortir de son coma, donc bon, j’ai envie de savoir comment elle va. Je ne la connais pas des masses, mais on a bossé ensemble sur un projet qui mélangeait photo et dessin pour un concours, et la collaboration a été vraiment agréable.

Prenez-moi au pied de la lettre lorsque je dis ça, parce que pour moi, travailler avec quelqu’un d’autre est un vrai cauchemar. Surtout lorsque ça concerne mes dessins. Même si l’ambiance était un peu douteuse au début, ç’a finit par marcher comme sur des roulettes. La preuve : on a gagné, et notre œuvre commune a été exposée. L’événement a été médiatisé, et on a eu la chance d’être interviewés. C’est un peu grâce à elle si on a commencé à s’intéresser à mes dessins, si mes œuvres gagnent peu à peu en popularité. Jamais je n’y aurais cru, jamais je n’aurais pensé que quelqu’un à part moi pourrait apprécier ce que je fais.

Et justement, on m’a proposé une nouvelle exposition à Arcadia. Ils veulent un nouveau projet avec Summer accompagné de nos œuvres individuelles, ce qui est une putain de chance. C’est entre autres pour lui annoncer la nouvelle que je la cherche maintenant sur la plage. Puisqu’on m’a dit qu’elle s’isole, je me dirige vers cette petite crique où je vais parfois. Ça ne manque pas : elle est bien là. Ça m’arrange, j’avais vraiment pas envie de tourner en rond partout sur la plage. Je m’approche doucement – elle a l’air perdue dans ses pensées. À vrai dire, je dirais qu’elle n’a pas du tout bonne mine.

-Hey, Summer. J’te cherchais. J’ai un truc à te dire.

Je m’assois à côté d’elle, mais pas trop près. Je déteste qu’on envahisse mon espace personnel, alors d’habitude, je m’assure de ne pas envahir celui des autres. Elle a clairement le visage de quelqu’un de détruit – je remarque aisément ce genre de choses. Bien sûr, j’ai inévitablement entendu parler de ce qui lui est arrivé au Minnesota, et je n’ai pas l’intention de le lui rappeler. Tout Volfoni en parle déjà, c’est bien assez.

Jeu 19 Juin - 19:53

Summer sursauta. Une voix l'avait tiré de ses réflexions et elle se tourna vers son possesseur. Adriel ? Comment est-ce qu'il l'avait trouvé ? Elle se souvenait de lui, ils avaient passés pas mal de temps ensemble depuis qu'ils ont du collaborer pour un projet commun, qui avait eut énormément de succès. Et si au début, il lui flanquait totalement la frousse avec son look, elle avait fini par l'apprécier.

Elle s'efforce de sourire.

« Ah ! Salut Adriel. Ça faisait longtemps... »

Depuis son accident en réalité. Elle ignorait s'il était venu la voir à l'hôpital ou pas, mais elle appréciait qu'il soit venu la voir maintenant. D'ailleurs, elle avait appris que son accident avait été médiatisée, justement parce qu'elle avait déjà une petite réputation avec leur projet. Autant dire que pour une journaliste, se retrouver sur le devant de la scène est extrêmement perturbant.

« Tu voulais me parler de quelque chose ? Je t'écoute ! »

Elle continue d'afficher un sourire, même si elle saigne au fond. Elle ne veut pas qu'on s’apitoie sur son sort, elle ne voulait pas qu'on ait pitié d'elle et qu'on soit triste pour elle, elle ne méritait pas ça. Elle n'était pas à plaindre. Elle était encore en vie elle.

Jeu 19 Juin - 20:30

Summer sursaute légèrement, elle était bel et bien perdue dans ses pensées. Elle sourit, mais je ne suis pas dupe. J’ai eu ce genre de sourires longtemps, et souvent, je les ai encore. C’est un sourire vide, mais une fois de plus, je ne relève pas. Elle fait un effort. Je lui rends son sourire.

-Ouais, ça faisait un bail. J’suis toujours en retard sur les nouvelles, j’venais d’entendre que t’étais sortie de l’hosto. Donc je me suis dit que je pourrais aller te voir.

Mon principal problème, c’est que je remarque facilement quand les gens ne vont pas, mais je ne sais pas du tout quoi faire de cette info. Je reste là, les bras ballant, à dire les pires banalités qu’on peut trouver pour remonter le moral de quelqu’un. C’est pathétique. Je passe une main dans mes cheveux et joues avec mes piercings à l’aide de ma langue sectionnée.

-On m’a informé qu’une exposition d’art contemporain aimerait beaucoup qu’on fasse un nouveau projet pour l’exposer. Mais la différence, cette fois, c’est que je serai autorisé à montrer l’une de mes œuvres, et toi, l’une de tes photographies. Ce serait la première fois qu’on expose nos travaux individuels, c’est vraiment quelque chose.

Je me doute qu’elle n’a pas le moral pour parler d’arts ou de projets futurs, mais je préfère lui dire une bonne nouvelle sans rapport avec l’accident. Ça change les idées.

Jeu 19 Juin - 22:24

Summer rit légèrement. Oui, ce genre de nouvelle se répandait bien en général, mais les loups solitaires comme Adriel mettaient un certain temps avant d'en avoir vent. Elle ne lui en tint pas de rigueur, ce n'est pas comme si elle s'attendait que tout le monde fasse la fête à Volfoni en la serrant dans ses bras avec les larmes aux yeux pour sa rentrée. Elle leva la main en la secouant pour montrer qu'elle ne lui en voulait pas.

« Ça ne fait rien. Je suis contente que tu viennes prendre de mes nouvelles. »

Elle posa son appareil sur ses genoux et s'étira les bras. Il faisait vraiment bon en Floride, c'était très agréable pour se détendre et il n'y avait rien de mieux que la plage pour se relaxer tranquillement.

« Comme tu peux le voir, je vais bien. Je n'ai plus de cicatrices en tout cas, et je crois que je commence à me repérer un peu ici. Ça fait du bien de changer de climat, on crèvera plus de froid comme au Minnesota ! »

Elle l'écouta attentivement, puis écarquilla les yeux. Un nouveau projet avec Adriel ? Et ils pourront même exposer des œuvres individuels ? C'était... C'était un honneur, et une très bonne opportunité ! Son visage sembla s'illuminer un instant, puis redevint terne. Elle sourit à nouveau puis baissa les yeux sur son appareil photo.

« C'est génial ! Je suis contente d'être sortie de l'hôpital à temps pour ça alors ! On va pouvoir collaborer à nouveau donc... Super, vraiment super ! Tu as déjà des idées ? »

Elle leva les yeux vers lui. A dire vrai, elle, n'avait aucune idée. Presque aucune envie.

Ven 20 Juin - 3:24

Je ris à mon tour. D’un certain point de vue, elle est plutôt chanceuse que je vienne la voir. Ça veut dire que je l’apprécie assez pour ne pas être totalement froid à son existence. Ça m’étonne presque que j’aie fini par penser à aller la voir. Normalement, j’aurais oublié et je lui aurais demandé de ses nouvelles en la croisant à quelque part. Bien que je puisse voir qu’évidemment, Summer ne va très bien, je ne peux comprendre objectivement. À la fin de ma journée, ça ne fera absolument aucune différence, et même si on va jusqu’à dire que je n’ai pas de cœur, j’ai appris à vivre avec mon indifférence.

Je lui souris alors qu’elle me parle. Avec moi, faudra faire plus d’efforts. Bien sûr que non, tu ne vas pas bien. L’éclat de tes yeux et de ton sourire est terne. Oui, tu vas mieux. Physiquement. Il existe des cicatrices bien pires qui ne se guériront jamais. Je finis par l’écouter sans vraiment l’entendre. Et si, pour une fois, je disais ce que je pensais vraiment au lieu dire des formules de consolation toutes prêtes et bidons?

-Oh, tu sais, je trouvais le Minnesota plutôt chaud comparé au Québec. C’est à mon tour de recevoir un choc climatique.

Je me tais quelques secondes, regardant la mer. Sa voix ne sonne pas très convaincue à mes oreilles, lorsqu’elle commente ma nouvelle. Je ne lui en veux pas. Je sais ce que c’est de n’avoir envie de rien. Je finis par me tourner vers elle. Je soupire. Je m’apprête quand même à lui dire un truc que je ne dirai jamais à n’importe qui – probablement la première chose un tant soit peu personnelle que je lui aurai dite à propos de moi.

-T’sais, Summer, pendant la grande majorité de ma vie, un vide immense m’a habité. Presque un trou noir. Je lutte encore pour ne pas qu’il m’avale tout rond. J’ai des blessures que j’suis incapable de refermer. À part dessiner ou lire, je n’ai presque jamais le goût de rien. Je suis indifférent à presque tout, à presque tout le monde. Ça arrive, quand on a trop morflé. Donc je sais reconnaître une personne vidée quand j’en vois une, et essaie surtout pas de me faire croire que tu vas bien. La plupart des gens vont se contenter d’un sourire faux et d’un «je vais bien». Ils voient ce qu’ils ont envie de voir. T’as beau lancer tous les signaux que tu veux, ils vont fermer les yeux, ils vont se dire que tu vas effectivement bien parce qu’ils ne veulent pas avoir la fameuse discussion avec toi et faire l’effort de te voir souffrir. Si je peux parler franchement, je dirais que je suis incapable d’être affecté par le fait que tu souffres, même si t’es sympa. Quand je vais rentrer dans mon bungalow, j’vais oublier. Même si je disais que je te comprends, ce serait un mensonge, parce que je n’ai pas vécu ce que tu as vécu. Mais je te vois, juste là, et je sais que t’es encore plus vide que moi. Y’a pas de formule magique pour se sentir plus vivant. Pendant des années, j’ai cru que je me sentais vivant lorsque j’étais défoncé au point de ne plus me rappeler de mon nom. Si tu veux un conseil, essaie de mettre tes rares éclats d’émotion dans ce que tu aimes, comme la photo. Peu importe l’émotion qui en ressort, même si t’as envie d’arracher des jugulaires pendant que tu photographies des trucs, soit. Après, regarde ce que tu as fait. Mettre son mal d’être dans l’art, c’est ce qui libère le plus…enfin, pour moi. J’sais pas pour toi.

Je me tais enfin. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas autant parlé, mais je n’en pouvais plus de la regarder faire semblant que tout va bien sans rien dire. Je trouve la force de lui offrir un nouveau sourire et de plaisanter.

-C’est bon, ma séance de psychologie est terminée. J’arrête de te torturer. J’ai juste pas envie que tu finisses comme moi, ou que quiconque finisse comme moi.

Ven 20 Juin - 19:56

Summer laisse échapper un rire de gorge. Elle n'est jamais allée au Québec mais avait une idée du climat qu'il y avait là-bas et effectivement, ça devait changer. Puisqu'elle venait d'HawaPi, le climat de Floride lui allait parfaitement bien en revanche, comme un retour aux sources.

« J'imagine oui... Rien que te voir habillé comme ça, ça me donne presque chaud ! »

Et pourtant il portait des vêtements assez légers, mais puisqu'ils n'étaient pas différents de ce qu'il mettait d'habitude au Minnesota, ça lui donnait une drôle d'impression. Elle se tait et regarde la mer elle aussi. C'est un spectacle qui l'avait toujours détendu. C'est calme, régulier, pas trop bruyant elle aimait l'odeur qui s'en dégageait.

Elle se tourna vers Adriel quand il commença à parler. Elle voulu l'interrompre, voyons d'ici le discours du type compatissant qui voulait essayer de la réconforter avec des phrases bateau de genre "je sais ce que tu ressens, c'est dur, mais tu dois pas te laisser abattre", elle en avait assez d'entendre toujours la même chose.

Finalement, elle s'interrompit.

Summer l'écouta jusqu'au bout en gravant chacun de ses mots dans sa tête, baissant les yeux sur son appareil photo, qu'elle commençait à tripoter. Un appareil photo de très grande marque qui coûtait les yeux de la tête. Quand il finit de parler, elle leva les yeux vers lui avec un sourire.

« Je suis désolée mais- »

*Crack*

Quelque chose se brisa en elle, bruyamment, avec tellement de puissance qu'elle pleura presque immédiatement.

« Je peux pas. J'y arrive pas. Je n'arrive plus à faire des photos qui me plaisent. »

Elle secoua la tête. Elle ne pleurait pas, elle ne voulait plus pleurer. Ce n'était pas de sa faute si du liquide lacrymal coulait de ses yeux.

« Mon appareil photo a été détruit pendant l'accident, il en reste plus rien. Celui là... », elle posa son appareil sur le rocher. « Celui là, c'est Isaac qui me l'avait offert. On est vaguement sorti ensemble, je l'aimais même pas, alors pourquoi je suis aussi dégoûtée ! »

Elle balaya le rocher de la main et l'appareil alla s'écraser dans le sable alors qu'elle se couvrait le visage, honteuse.

« C'est horrible de dire ça non ? Il est mort et j'avoue finalement n'avoir eu aucuns sentiments pour lui. Je suis même sûre qu'il n'en n'avait pas non plus et pourtant je suis triste de ce qui s'est passé ! Par quoi, par pitié, par hypocrisie ?! J'en sais rien ! J'en sais foutrement rien ! »

Summer se releva, pourquoi, aucune idée, elle voulait juste être debout.

« Et si c'était que ça ! C'était l'unique héritier d'une firme multinationale ! Et il est mort, haha ! », elle se mit à rire jaune. « Tu sais que j'ai croisé ses parents une fois, tu sais ce qu'ils m'ont dit ? Que j'aurai du crever à sa place. Ouais, bien sûr, parce que je suis que dalle moi à côté ! »

Elle était en train de péter un câble, elle donnait de grands coups de pieds dans le sable et se dirigeait à grands pas vers la mer en continuant de crier.

« EH BAH OUI ! J'AURAI DU CREVER ! Mais certainement pas pour lui non, j'aurai du mourrir à la place d'Andrew putain, lui il méritait de vivre ! Lui il avait des rêves, des projets, un avenir, et maintenant plus rien ! Plus rien parce qu'il est mort et je peux plus rien y faire ! »

C'était injuste, trop injuste.

« Pourquoi moi ?! Pourquoi moi j'aurai le droit de continuer à faire des photos, de continuer à écrire, à faire la fête, à manger, à boire, à respirer, à vivre, alors que lui a été enterré à presque 8000km d'ici ?! POURQUOI ?! »

Elle marcha dans la mer, pourquoi, elle ne savait pas, elle y était juste attirée, comme s'il suffisait de nager pour aller en Allemagne et se rendre au cimetière, s'écrouler devant et demander pardon, pardon, pardon.

Comme si c'était aussi simple d'oublier.

Ven 20 Juin - 21:09

Je fais souvent cet effet aux gens, lorsque je me décide de parler, de creuser leur mal d’être. Je savais d’avance que j’allais déclencher ou briser quelque chose. On s’attend toujours aux formules compatissantes pré faites, on s’attend toujours à devoir répéter le même discours à tout le monde. Elle m’écoute attentivement, et après un moment, elle n’ose plus me regarder. Je sais parfaitement que ce que j’ai dit fait mal. Ça va chercher toute la merde qu’elle cherche à cracher. Et pour la cracher, elle la crache. Elle la vomit, même. Je reste immobile et je l’écoute à mon tour, passif. Parfois, je suis heureux d’être insensible, de savoir que voir quelqu’un crier et pleurer ne m’affecte pas. De toute façon, elle a sûrement besoin de quelqu’un qui ne va pas flipper si elle décide de péter un câble. C’est bien de savoir que la personne qui t’écoute gardera son calme.

Je me lève et la suis vers la mer – sans pour autant entrer dans l’eau. J’ai pas envie que mes Converses soient détrempées, et j’ai encore moins envie de les retirer. Je reste planté là comme un imbécile et je regarde Summer pleurer. Ça me rappelle la première fois qu’on a vraiment essayé de me faire dégueuler une partie des ordures que je garde à l’intérieur de moi. C’était Jake qui a réalisé cet exploit, et j’ai pété un câble monumental. Pire que celui de Summer. Bien pire. Je déteste perdre le contrôle, et pourtant, ça m’arrive constamment. Nettement moins souvent depuis que je suis aux States, mais parfois, je me dis que c’est le calme avant la tempête. J’attends encore ce qui va complètement balayer mon self-control si durement acquis. Je finis par m’asseoir dans le sable, juste assez près de l’eau pour ne pas qu’elle me touche.

-J’ai dit – et je pense – des trucs beaucoup plus horribles que ce que tu as dit à propos d’Isaac. La dernière chose que j’ai dite à ma mère avant de partir du Canada, c’est ‘’sois sûre de pas te manquer, la prochaine fois que t’essaies de te tuer’’. Je pensais ce que j’ai dit. J’ai dit des choses cruelles à mon père, parfois à des amis.

Je me mets à prendre le sable par poignées et à le relâcher par terre à répétition, comme hypnotisé par le mouvement de ces minuscules minéraux.

-Tu l’aimais pas, et alors? Andrew était probablement un mec bien, mais qu’est-ce que ça fait? Qui on est pour décider de qui mériterait de mourir et vivre? La seule raison pour laquelle toi et Jiang, vous n’êtes pas morts et eux oui, c’est l’endroit où vous étiez quand tout s’est écroulé. C’est du hasard, c’est comme ça. La vie est une chienne, elle est injuste. Notre avis n’est pas demandé, on est juste balancés dans la merde. Faut prendre ce qu’elle donne.

Je lève à nouveau la tête vers elle.

-Je sais, j’suis loin d’être encourageant, j’suis presque blessant. Mais je m’en balance complètement. Tu peux me gueuler dessus, me taper, pleurer jusqu’à être complètement déshydratée si ça peut te soulager. Faut bien que tu fasses sortir tes ordures.

Ven 20 Juin - 21:45

Summer s'arrêta de marcher lorsque l'eau atteignit ses genoux. Qu'est-ce qu'elle était en train de faire ? Elle regarda ses mains comme si la réponse y était inscrite, puis elle les passa dans ses cheveux. Folle, elle allait devenir folle si ça continuait comme ça. Elle entendit à nouveau Adriel et se retourna vers lui. Elle n'aimait pas ce qu'il disait. C'était dur, c'était blessant, et c'est vrai ce qu'on dit, il n'y a que la vérité qui blesse.

Ça n'avait été qu'une question de chance.

Ou de malchance.

La vie est une pute.

Et il fallait que tout ce qu'elle avait sur le cœur sorte, qu'elle le vomisse jusqu'à se vider la panse.

Elle donna un coup rageur dans l'eau, ce qui ne fit que l'éclabousser, avant de se tourner à nouveau vers la mer pour pleurer. Elle avait toujours horreur de pleurer devant quelqu'un. Pour elle, c'était un comportement d'enfant capricieux.

« Je déteste ça. Je déteste cette situation, je déteste cette vie, je déteste cette école, je déteste tout les gens qui s'y trouvent, je déteste tout, tout, tout, et par-dessus tout je me déteste ! »

Mais qu'est-ce qu'elle pouvait faire, à part continuer à vivre pour ceux qui sont morts ? Elle avait eut de la chance en échappant au pire, et rien ne présageait qu'elle sortirait de son coma. C'était un miracle qu'elle en soit sortie presque intacte, vraiment. Et elle savait qu'elle ne pouvait pas gaspiller sa vie en larmes et en cri.

Elle devait faire quelque chose pour s'en sortir, mais quoi ? Se lancer corps et âme dans sa passion comme l'avait fait Adriel ? Alors que c'est justement cette passion qui avait faillit lui coûter la vie ? En regardant le large, Summer ne savait pas. C'était tout ce qu'elle savait. Qu'elle ne savait rien, rien du tout.

Dim 22 Juin - 2:26

Je finis par me lever, en ayant déjà assez d’être assis dans le sable. Et j’avoue qu’un paire de jean trouée, ce n’est pas l’idéal pour un tour à la plage. Enfin, si votre truc, c’est d’avoir du sable dans les sous-vêtements, qui suis-je pour juger? Personnellement, j’essaie d’éviter. Je finis par me sentir un peu de trop, à la limite inutile, en la voyant pleurer ainsi. Je me sens las, soudainement encore plus détaché qu’il y a une minute ou deux. J’ai conscience que je pourrais paraître encore plus cruel et insensible si je partais juste comme ça. Une minuscule partie de moi me dit que, effectivement, ce serait une action de pur connard. Mais heureusement, elle n’est pas très difficile à ignorer.

Je suis encore en train de débattre dans ma tête lorsque Summer se remet à parler – plus à elle-même qu’à moi. D’habitude, le classique «je déteste tout le monde et la vie n’est que de la merde», c’est ma réplique. Enfin, ça l’était. Détester tout le monde, ça pompe trop d’énergie, je préfère m’en balancer royalement. Maintenant, c’est l’une de filles les plus populaires de Volfoni qui le hurle de toutes ses forces. Et se détester, c’est encore pire. Ça aspire tout. C’est comme un gros Américain (je sais, c’est un pléonasme) au Mc’Do : ça vide tout jusqu’à la dernière miette, ne laissant rien derrière.

Et puis merde, Summer a besoin de quelqu’un en ce moment précis. Et si ce ne n’est pas moi, ce sera qui? Les dauphins? J’entre dans l’eau à mon tour sans même prendre la peine de me débarrasser de mes Converses. Après tout, ce n’est que du tissu, ces godasses, ça va sécher. Tout comme mon jean. Je m’avance jusqu’à elle – l’eau ne m’arrive à peine aux mollets. J’avoue que je ne sais pas trop quoi faire. La proximité me met souvent mal à l’aise, et avec les fréquentations que j’avais au Canada, rien ne les consolait mieux que d’être totalement défoncés. Ce n’est plus une solution – et ça ne l’a probablement jamais été. J’essaie de ne plus en faire la réponse à mes problèmes, et j’ai des alternatives, mais ne me demandez pas d’en proposer aux autres. Je l'enlace néanmoins très maladroitement en espérant qu’elle ne le prenne pas mal. Va savoir, peut-être qu’elle ne sait même pas que je suis gay.

-On peut faire semblant que j’ai dit quelque chose d’incroyablement réconfortant en faisant ça? J’ai aucune idée de ce que je pourrais te dire.

Mar 24 Juin - 11:36

Summer ne prête pas attention aux clapotis de l'eau alors qu'Adriel avançait vers elle. Elle essayait déjà d'essuyer ses larmes, ce qui n'était pas trop mal. Si elle rentrait à Volfoni dans cet état, on allait encore la prendre en pitié et lui ramener 36 couvertures et quarante douze chocolats chauds avec des marshmallows dedans en lui proposant de se confier, qu'on serait toujours là pour elle et qu'ils savaient à quel point c'était difficile et qu'elle avait le droit de pleurer.

Sauf que c'est faux, elle n'en n'avait pas le droit. Elle avait survécu elle. Elle pouvait encore étudier elle. Elle pouvait encore avoir des projets elle.

Ils ne comprenaient rien à rien.

Personne ne pouvait comprendre.

Summer écarquilla les yeux. C'étaient bien les bras d'Adriel qui venaient de l'entourer, là ? Elle pouvait sentir que le geste était un peu maladroit. Enfin quand même ! De mémoire, elle ne l'avait jamais vu avoir ce genre de contact avec quelqu'un. Oh, elle ne se faisait pas de scénarios dans sa tête. Ils s'entendaient bien tous les deux, mais ils étaient radicalement différents, ça ne lui est jamais venu à l'esprit qu'il puisse se passer quelque chose entre eux.

Elle se sentait un peu mal pour lui à vrai dire. Elle devait vraiment avoir l'air pitoyable pour qu'il en soit venu à essayer de la réconforter de cette façon. Elle trouvait ça attentionné de sa part. Elle déglutit et hocha la tête en essuyant encore son visage.

« Ouais. D'accord. On va faire ça. »

Elle prit une grande inspiration et se retourna vers Adriel.

« Merci. Je... Ça m'a fait du bien. J'avais besoin que ça sorte. »

Summer lui sourit gentiment, un vrai sourire cette fois, pas ceux qu'elle distribuait à la pelle depuis sa sortie à l'hôpital. Elle marcha jusqu'à la plage, histoire de se sortir de l'eau. Ses chaussures étaient trempées, elle les retira et les posa sur un rocher le temps qu'elles sèchent. Elle ramassa également son appareil photo au passage, retirant le sable qu'elle pouvait trouver dessus.

« Puis en prime, je te paye un resto. Faut bien qu'on parle de notre prochaine collaboration, non ? »

Elle lui était reconnaissante, mais ne savait pas trop comment s'y prendre pour le lui montrer.

Mer 25 Juin - 1:37

Je crois que, d’une façon ou d’une autre, j’ai réussi à faire en sorte que Summer se sente légèrement mieux. Même si ce n’est que pour quelques minutes, ça vaut la peine. Ça vaut toujours la peine de se sentir moins merdique, ne serait-ce que pour un court laps de temps. Ça laisse le temps de respirer, de reprendre son souffle avant de recommencer à se noyer. J’étais sûr que j’allais, au mieux, ne faire aucune différence, et au pire, la faire encore plus pleurer.

Moi et mon tact. Moi et ma maladresse. Moi et ma capacité à parler aux gens en général. Elle se calme lentement mais sûrement, se tourne vers moi et essuie ses larmes. Étrangement, elle me remercie. C’est rare qu’on me remercie pour ce genre de choses. D’habitude, ils veulent tous entendre que tout va bien aller, qu’il faut sourire. Moi, je n’ai pas envie de mentir. Je dis des vérités laides, je fais mal. Je dis le contraire de ce qu’on veut entendre.

-Ben y’a pas de quoi. Si on n’évacue pas, une fois de temps en temps, on risque de se noyer dans notre merde. On a tous besoin que ça sorte.

Belle image, Adriel. Très charmant. Pas très ragoûtant, mais c’est tout de même la vérité. Même si on prend cette merde, qu’on la fout dans des sacs poubelle qui sentent bon le parfum artificiel et qu’on les cache dans un placard, ça ne règle pas le problème. Ça finit par puer, et on met encore plus de Febreze. On se bouche le nez. Mais immanquablement, quelqu’un arrive dans ta vie, se demande pourquoi ça sent la charogne chez toi et ouvre le putain de placard. T’avais pourtant écrit ‘’don’t open dead inside’’ sur la porte, mais c’est quand même arrivé.

Elle m’offre un sourire – un vrai, cette fois-ci. Je ne peux que lui faire un véritable sourire, moi aussi. Pas ceux remplis de lassitude, mes habituels sourires forcés. Je la suis silencieusement jusqu’à la plage. Elle est beaucoup plus calme. Je m’assois à côté d’elle et retire également mes chaussures pour les faire sécher. Ça fait un bail que j’ai arrêté de complexer sur ma stupide malformation aux pieds. Et étrangement, la plupart des gens ne semble pas s’en rendre immédiatement compte.

-Bon, premièrement, c’est toi la jeune fille éplorée, donc si quelqu'un paye le restau’, ce sera moi. Deuxièmement, l’exposition est dans un mois et demi. Si, pour le moment, si t’en n’as pas envie ou t’as pas l’inspiration, j’vais pas te blâmer. Si on ne traîne pas trop, le délai est tout à fait raisonnable, même pour te donner le temps de souffler un peu.

Malgré moi, je m’attends un peu à ce que la collaboration ne marche pas, cette fois-ci. Elle a un blocage, je peux comprendre. Ça me fait incroyablement chier, mais je peux comprendre.

-Tu peux faire autre chose que de la photo d’information ou journalistique, si t’en as ras-le-bol avec ce qu’il s’est passé, hein.

Sam 28 Juin - 20:44

Se noyer dans sa merde. Quelle image poétique e ragoûtante. Ceci dit, Adriel n'avait pas tort, il n'y avait rien de pire que la constipation émotionnelle pour quelqu'un. Se retenir puis tout lâcher d'un coup. C'est ce qu'elle avait fait, en quelque sorte, métaphoriquement, et en voyant le résultat, elle ne voulait pas que ça recommence de sitôt. Qui sait à côté de qui elle se retrouverait la prochaine fois sinon.

« Ouais. La constipation émotionnelle, c'est fini pour moi. »

Elle souffla à nouveau un grand coup en ramenant ses cheveux en arrière. Maintenant qu'elle s'était calmée, elle appréciait totalement le paysage, la chaleur douce mais bien présente, le soleil qui frappait agréablement sur sa peau, le bruit des vagues, l'odeur du sable et de l'eau salée... Elle se sentait juste bien. Comme vidée d'un poids.

« Haha, tu comptes me payer le restau ? Non, j'ai une règle, je laisse jamais un mec payer pour moi. Ni m'ouvrir la portière de la voiture d'ailleurs. Pas tant que c'est pas mon petit ami en tout cas. »

Oui, c'était sans doute bizarre, mais elle était comme ça, Summer. Elle estimait qu'un simple ami n'avait pas besoin de faire preuve de "galanterie" envers elle, et que le fait que l'homme doive payer était dépassé, elle n'avait pas besoin de ce genre de traitement de faveur.

« Quand à l'exposition... Je vais y réfléchir. Pour l'instant c'est le vide total dans ma tête mais je suis sûre qu'on peut trouver. »

Summer n'en n'était pas si certaine en réalité. Pas toute seule en tout cas. Toutes les idées qui pouvaient lui passer par la tête lui semblaient nullissimes, et c'était comme ça qu'elle se sentait, comme si elle ne pouvait plus jamais réussir à prendre de bonnes photos, des photos qui lui fassent plaisir. Est-ce qu'elle avait perdu la passion ?

« Je... Je ne sais pas. J'ai l'impression que je ne peux plus rien faire de correct avec mes photos. D'ailleurs, j'ai changé de cursus à cause de ça... Quant au journal... J'aime toujours autant écrire. J'écris encore beaucoup d'ailleurs. Je pense que c'est ma rubrique qui ne me convient plus. »

Les rumeurs, les ragots... Plus elle y pensait, plus elle se trouvait une grande immaturité dans ses actes passés. Et une incroyable superficialité aussi, doublée d'une hypocrisie monumentale. Peut-être qu'elle exagérait un peu, à peine.

« Mais pour l'expo, je ferai de mon mieux. Disons que ça sera mon dernier travail en tant qu'étudiante ! »

Dim 29 Juin - 6:30

Je regarde la mer au loin, et ça me rend un peu nostalgique. Non, je n’ai jamais vécu au bord de la mer, mais au Québec, ma réserve était très près d’un grand lac. L’été, je m’y rendais souvent, lorsque la nuit était tombée. J’y fumais avec Jake, et pendant un instant, regarder les clapotis de l’eau me faisait oublier une partie de mes tracas – quoique le weed devait y être aussi pour quelque chose. Quoi qu’il en soit, même aujourd’hui, sans substances illicites, ça me calme. Je me mets à rire doucement lorsque Summer parle. Ouais, elle a compris ce que je voulais dire. Je ne veux pas faire de jeu de mots douteux, mais la constipation émotionnelle, c’est chiant.

-Oh, on se dit toujours ça. J’ai l’air d’un expert en disant qu’il faut tout laisser sortir, mais je suis le parfait exemple du mec qui garde tout pour lui, qui encaisse tout et qui explose au moment le moins opportun.

Mais quand même. Exploser, ça fait du bien. Summer est déjà beaucoup plus sereine. Plus de larmes, plus de cris. Elle réussit même à sourire. Même si ça risque d’être temporaire, c’est un pas en avant. Presque automatiquement, elle refuse ma proposition. Elle monte encore dans mon estime : enfin une fille qui s’assume et refuse une partie des rôles traditionnels des sexes. Ça me plaît, et puis, si j’ai de la bouffe gratis, qui suis-je pour râler?

-Bah, si tu y tiens, je te laisse payer, alors. Je tiens simplement à préciser que je ne proposais pas de payer parce que j’suis un mec et tout ce bazar. Je déteste les rôles et les stéréotypes qu’on colle aux hommes et aux femmes encore aujourd’hui. J’en ai peut-être plus conscience à cause de mon homosexualité, mais on a tous une pression sociale à cause de ces conneries, d’une manière ou d’une autre.

Je soupire et sors un paquet de cigarettes de la poche de mon jean et m’en allume une. J’ai sérieusement besoin de ma dose de nicotine, mon sevrage me fout sur les nerfs. Je sais, je claque mon pognon en clopes, mais c’est l’une de seules choses qui me distraient et m’empêchent de consommer du chimique. J’avance petit à petit, ça fait plusieurs mois que j’ai arrêté cette merde. Éventuellement, je vais devoir également arrêter de fumer. Je remplace du poison par un autre, mais c’est déjà nettement moins horrible que du speed. J’en prends une bouffée.

-Au fait, j'espère que ça ne te dérange pas que je fume.

Deuxième bouffée. Putain, ça fait du bien. J’essaie tant bien que mal de ne pas lui balancer ma fumée à la figure.

-J’sais que c’est chiant. Ça m’arrive d’avoir l’impression de ne rien faire de bon, mais une fois qu’on aura décidé du concept, apporte-moi tes clichés même si tu les trouve merdiques. T’inquiète, je vais en faire quelque chose. Un œil extérieur peut vachement aider.

C’est vrai, c’est moi qui dois travailler à partir de ses photos, et je ne les vois pas de la même manière qu’elle. C’est le bon côté de travailler avec quelqu’un d’autre.

Ven 11 Juil - 20:18

Summer hocha la tête. Elle se doutait qu'Adriel était quelqu'un de relativement calme et posé, c'est pourquoi elle avait toujours essayé, depuis le jour où ils ont collaboré, de ne pas l'énerver. C'était comme une bombe à retardement, mieux valait ne pas la déclencher. Elle sourit et hocha la tête.

« Je comprends ouais. Moi non plus j'aime pas les stéréotypes, les clichés, je trouve ça tellement bête. »

Ce qui expliquait pourquoi dans sa tête, stéréotype égal inintéressant. Ce qui était assez paradoxal, en y réfléchissant, mais c'était plus fort qu'elle. Quand on essayait de décrotter un Sportif de son image de playboy, on ne trouvait parfois que réellement un sportif qui ne pense qu'à collectionner le plus de filles possible. En soit, c'était le pire, ceux qui sont clichés jusqu'au bout des ongles. Elle secoua la tête.

« Non, ça va, j'vais pas faire un cinéma pour ça. »

En temps normal, elle n'aimait pas qu'on fume à côté d'elle, mais elle pouvait bien faire une exception pour Adriel.

« Ouais, j'vais faire ça. Je me donnerai à fond pour cette collab'. »

Il ne s'agissait pas que d'elle après tout, on comptait sur Adriel aussi et elle ne voulait pas être un boulet à ses travaux. Ses chaussures ne devraient pas tarder à être sèche maintenant, vu comment le soleil tapait.

« T'as un restau en tête au fait ? J'ai dis que je t'invitais mais en fait je connais pas encore le coin alors... »

Elle se sentait un peu bête du coup, d'avoir proposé sans même savoir où aller. Elle savait où était le MacDo du coin, mais c'était pas vraiment top et elle n'était pas sûr qu'Adriel soit un fan de fastfood.

Mer 16 Juil - 9:01

Les clichés. Les putains de clichés. Elle a raison, c’est stupide et ennuyant. Les gens y correspondant sont prévisibles, fades. Moi-même, je me demande parfois si je suis le cliché du mec marginal qui déteste la société entière. M’enfin, je crois que j’ai plus de profondeur que ça, mais on avis est tout à fait subjectif. Et puis, je ne déteste pas tout le monde, c’est faux. Je m’en branle, c’est pas pareil. Je souris et j’acquiesce.

-C’est vrai que t’es loin du cliché de la fille populaire qu’on a généralement en tête. C’est presque rafraîchissant.

Je prends une nouvelle bouffée de cigarette. Mon corps commençait vraiment à manquer de nicotine. Oh, même si Summer en avait fait un cinéma, j’aurais continué à fumer. J’ai une tête de cochon, j’suis chiant, et je considère que je peux me détruire les poumons si ça me chante. C’est bien qu’elle ne soit pas contre, parce que ça lui donne le droit de ne pas avoir ma fumée à la figure. Encore mieux que de pouvoir fumer sans qu'on me sermonne, Summer décide de faire cette collaboration avec moi. C’est une chance de plus pour moi de percer un peu dans le domaine des arts ; j’apprécie qu’elle le comprenne. Je pensais être simplement tatoueur et dessiner pour mon propre plaisir après l’université, mais mes œuvres commencent à être un peu connues – surtout sur Internet, en fait. C’est mieux que tout ce que j’avais pu espérer. Certaines personnes m’ont même fait de propositions d’achats. Ouais, y’a des gens assez tordus pour vouloir acheter ce que je fais et foutre ça sur leurs murs. Génial, non? Je dois tout ça en partie à cette fille.

-Promis, j’arrête de t’emmerder avec ça après cette expo’.

J’suis sincère. Peut-être qu’elle n’a vraiment plus envie de faire de la photo, et si c’est le cas, vaut mieux la laisser tranquille et faire ce qui lui plait. Je me tourne vers Summer alors qu'elle me parle. Un restau? Je réfléchis. Je ne connais pas plus le coin qu’elle, à vrai dire.

-Ah, en y pensant bien, oui. Bon, c’est pas vraiment un restau, en fait. C’est plus un petit café. J’y vais parce que c’est tranquille, leurs cafés sont excellents et leur bouffe est délicieuse et légère. Ils exposent les œuvres de différents artistes locaux à chaque mois et font des événements culturels, certains soirs. C’est sympa. Idéal pour parler tranquillement.

À part le Mc’Do, c’est tout ce que je connais. J’aime bien m’y rendre et y perdre mon temps avec mon laptop et un bol de café au lait.

Dim 20 Juil - 14:08

Summer rit doucement. Elle prenait ça pour un compliment, le fait qu'elle ne ressemble pas au cliché de la fille populaire. C'est vrai que physiquement, elle était plutôt banale, elle ne possédait pas non plus une immense fortune ou un talent particulier.

« Tu me rassures ! Mais par curiosité, c'est quoi le cliché de la fille populaire ? »

La pin-up richissime qui a tous les garçons à ses pieds ? La Mary Sue qui a toujours raison et que tout le monde adore ? Le génie dans un domaine particulier qui s'est déjà faite repérer et a déjà signé des contrats ?

Elle secoua la tête.

« Oh j'te rassure, tu m'emmerdes pas. Ça va me changer les idées... Il fallait absolument que je commence à faire quelque chose de productif. »

Se lancer corps et âme une dernière fois dans la photographie lui permettrait sans doute d'oublier un peu tous ses malheurs. Et en plus, elle n'était pas seule, les choses ne pourraient qu'aller mieux après ça. Du moins elle l'espérait. Elle sourit.

« Bon café, bonne cuisine, ambiance artistique... Je te suis ! »

C'était tout de même nettement mieux qu'un simple fast-food.

Dim 27 Juil - 7:06

Après un moment, je dois bien me rendre à l’évidence : je vais finir par me brûler les doigts si je continue à fumer cette clope. Je jette négligemment le mégot par terre. J’avoue, ce n’est pas très écolo, mais c’est pas comme si je traînais un cendrier partout où je vais. Je fixe distraitement la mer en tirant une nouvelle cigarette du paquet. Je n’en ai pas l’air, mais j’écoute toujours Summer.

-J’trouve que Heather est un très bon cliché de la fille populaire. Sans offense, hein, mais elle me donne cette impression.

Oh, je me fiche qu’elle soit offensée. Je n’ai juste plus trop envie d’entendre gueuler, donc je suis plus poli. Je continue de fumer ma clope en riant légèrement. Je sais ce que sais, de rester inerte à cause de la douleur. De devoir se forcer à ne plus être une immonde larve improductive.

-Ça peut pas t’faire de mal, ouais. Des fois, on n’a pas le choix de se botter l’cul.

Ce serait utile d’avoir une machine à s’auto botter le derrière. T’as qu’à appuyer sur un gros bouton rouge, et c’est parti. Même pas besoin de l’énergie ou de la motivation pour se bouger un peu. J’en aurais bien besoin, parfois. Je souris, un peu parce que je suis content que Summer accepte ma proposition, un peu parce que mon idée de machine à s’auto botter les fesses m’amuse. Je me relève, enfilant mes vieilles Converses qui ont maintenant séché au soleil tapant.

-Bon ben, on y va alors. Même pas besoin de se faire chier à prendre le bus, j’ai une voiture depuis peu. Et le parking est plus près que l’arrêt de bus ; un point pour la flemmardise.

Je n’ai pas dépensé une fortune pour, non plus. Elle est usagée, propre et pas trop mal. Et surtout, elle est verte. Ce n’est pas le grand luxe, mais le principal, c’est qu’elle aille du point A au point B. Et que je n’aie plus jamais à prendre le bus. Puis, de l’usagé, ça fait moins mal au portefeuille lorsque ces putains de racailles s’amusent à rayer les bagnoles avec leurs clés. Je m’arrête, me demandant si elle avait voulu dire qu’on y allait immédiatement ou plus tard.

-J’ai p’têtre l’air con, mais tu voulais bien y aller là? C’est juste pour être sûr.

Dim 27 Juil - 15:29

Summer ne s'offensa pas pour Heather. Elle avait bien la carrure de la fille clichée après tout, c'est vrai, elle ne pouvait pas le nier. Elle était moins superficielle qu'elle n'y paraissait cependant, par exemple, généralement, on ne s'attend pas à ce que ce genre de fille sache parfaitement latter les plus relous.

« Non, je vois ce que tu veux dire. Blonde plantureuse, cheerleader, toujours à la pointe de la mode... »

D'ailleurs, elles s'étaient un peu éloignées depuis l'accident. C'était un peu triste mais le temps avait continué pour Heather pendant qu'elle était clouée au lit, elle avait eu le temps de se faire d'autres amis, d'autres connaissances, alors qu'elle reprenait un peu tout à zéro. C'était déjà gentil de sa part de vouloir rester dans le même bungalow, elles verront bien comment les choses évoluent.

Summer se leva pour aller remettre ses chaussures également, des sandales, ça séchaient vite, du coup elle n'a pas eu trop de problème à les enfiler. Se botter le cul comme disait Adriel, c'était toujours plus simple de le faire pour les autres que pour soi-même. Pourtant elle n'avait pas vraiment le choix, elle allait devoir se bouger. Au besoin Adriel serait son botteur de cul personnel.

...

Ça sonnait bizarre dit comme ça.

« Parfait alors. Je dois avoir cette maladie incurable depuis que je suis née, la flemmardise aiguë, c'est un vrai fléau ! »

Tout dépendant de ce qu'elle devait faire ceci dit. Elle s'était toujours investi à fond dans son club ou certaines matières de son cursus par exemple. Mais dès qu'il s'agissait de sortir faire les courses ou faire la vaisselle, remplir des papiers administratifs ou quoi, c'était galère. Elle suivit donc Adriel jusqu'au parking et ne put s'empêcher de rire.

« Oui oui ! Je pensais à y aller maintenant ! Sauf si t'avais un truc de prévu, dans ce cas là on peut remettre à plus tard. »

Mer 27 Aoû - 3:30

J’hoche légèrement la tête en souriant. Son énumération est exacte ; Heather donne réellement cette impression. J’évite de trop râler contre les gens qui me jugent sur mon apparence. Moi aussi, je suis humain. Moi aussi, il m’arrive de juger d’un simple coup d’œil et de me tromper lourdement.

-Je ne la connais pas trop, mais bon, elle est sympa. Les apparences peuvent être trompeuses.

Et je le pense. Elle est loin d’être une mauvaise personne, je le sais parfaitement. Ce n’est pas de sa faute, j’ai juste une dent contre les gens qui me donnent l’impression d’avoir eu tout cuit dans la bouche. Encore là, c’est un jugement facile. Qui suis-je pour évaluer les épreuves vécues par les autres personnes? J’en ai conscience, mais ceux qui ont eu la vie facile tende à me porter sérieusement sur les nerfs. On dirait qu’une petite catastrophe ne leur ferait pas de mal, et mon ego se porterait un peu mieux. Ouais, j’suis horriblement égoïste.

-Tu parles! Si on faisait de moi le roi de la flemmardise, je repousserais le couronnement jusqu’à la dernière minute juste pour pouvoir glander encore.

Et le pire, c’est que c’est vrai. Ça n’arrivera jamais, mais c’est ce que je ferais. Et puis, y’a toujours pire que soi-même, je suis loin d’être l’exemple de flemmardise le plus flagrant. Disons que je fais de la procrastination ciblée. Tout ce qui n’est pas mes devoirs d’arts plastiques, mes dessins, mes jeux vidéo et ma lecture personnelle sont relégués à plus tard. Je m’arrête près de ma voiture, un sourire vague aux lèvres en entendant le rire de Summer. Ça paie, faire sortir la merde. On peut avoir la paix pour un court moment.

-Si j’avais quelque chose de prévu en ce moment, j’t’aurais sûrement pas cherchée, non? Allez, j’te kidnappe!

Je me débats quelques instants avec le trousseau de clés que je garde dans ma poche gauche. Je ne me rappelle jamais laquelle est laquelle, et pourtant, la plupart me sont familières. Je lâche tout bas un juron en français avant de trouver la bonne et de déverrouiller ma bagnole. Comme toujours, une vague de chaleur digne du Sahara en sort. J’ouvre immédiatement l’air clim en soupirant.

-J’sais pas comment tu fais pour toujours te sentir à l’aise dans une température pareille, on dirait le Mordor. Moi j’suis habitué à des hivers de six mois qui vont jusqu’à moins quarante.

C’est pas qu’ils me manquent vraiment, mais même les rudes hivers canadiens ont parfois leur charme. Parfois. Pas trop souvent.

Ven 29 Aoû - 15:11

Summer ne ne pouvait qu'approuver. Parfois les apparences étaient trompeuses. Par exemple, Adriel n'était pas le boucher psychopathe émo et sataniste qu'elle avait imaginé au départ. Elle ne savait plus trop pourquoi elle avait pensé ça de lui en réalité, ça lui paraissait complètement absurde maintenant qu'elle le connaissait. C'était peut-être même le type le moins violent de ses connaissances.

« C'est vrai oui, heureusement d'ailleurs. C'est stupide de baser tout le caractère d'une personne à la manière dont elle s'habille. »

L'habit ne fait pas le moine, comme dirait l'autre. Cependant, parfois, c'était plus fort qu'elle, Summer jugeait les gens sur leurs apparences. Disons qu'une fille lambda se balade avec un t-shirt imprimé du visage de Justin Bieber... Difficile de ne pas avoir un avis sur le caractère de ladite fille. Évidemment, il se pouvait parfaitement que la demoiselle soit tout à fait gentille, intelligente et qu'elle ait de meilleurs goûts musicaux, mais tout de même. Pour une première impression, ça n'était pas terrible.

« Haha, oui, je vois totalement le genre ! 'Quoi, un couronnement ? Non, pas envie, trop galère.' »

Elle admirait les gens qui étaient tout le temps en mouvement à dire vrai. Certes, quand tout le monde s'activait autour d'elle alors qu'elle ne faisait rien, Summer se sentait comme un lion en cage. Mais elle ne disait pas non à des grasses matinées ou des soirées télé à manger de la pizza et boire du coca. Le monde entier avait parfois besoin d'être "flemmard" pour se détendre. Voilà.

Oui bon, c'était typiquement le genre d'excuse que sortirai un flemmard pour flemmarder en paix.

Summer sourit et ouvrir la portière une fois qu'Adriel vint à bout de son périple contre le trousseau de clé et sa serrure. La climatisation lui fit du bien également à vrai dire. Oui, elle était habituée aux hautes températures, mais un peu de vent frais était toujours agréable. Elle rit un peu.

« Je mourrais à moins quarante ! Jamais je ne me rendrais dans le Mordor en période hivernale. A Hawai, même en hiver, la température la plus basse est autour de 18°C, et la plus haute vers 28°C, donc bon... »

Rien que de s'imaginer sous une température de moins quarante lui donnait des frissons.

Dim 7 Sep - 4:12

Je lui lance un regard lourd de sens avant d’éclater de rire lorsque Summer déclare que juger quelqu’un sur sa manière de s’habiller est complètement con. Faut pas parler trop vite, ma p’tite vahiné!

-C’est toi qui me dis ça? Tu me regardais comme si j’allais sortir un cutter de ma poche, t’égorger froidement avec, te pendre par les pieds pour recueillir tout ton sang que j’aurais offert à Satan dans un rituel de magie noire pour ensuite réfrigérer ton cadavre et le manger avec un cerveau de bébé mort et une coupe de vin rouge. Rouge pour me consoler de ne pas avoir pu boire ton sang, t’sais.

J’avoue, c’est une façon de regarder quelqu’un assez précise, mais elle saisit quand même l’idée. La première fois que je lui ai vraiment parlé, c’est lorsqu’on a été jumelés en classe pour notre projet qui a eu un succès fou. J’étais simplement un peu irrité de devoir travailler avec quelqu’un, et Summer avait du mal à aligner deux mots tellement je la faisais flipper. Elle faisait presque pitié à voir.

-Tu sais, j’suis assez sûr que le Mordor n’a pas d’hiver. Je crois que l’œil de Sauron gèlerait et il peut pas se le permettre. Faudrait qu’il se mette des lunettes de ski ou un truc du genre, ça fait pas très vilain de Lord of the Rings tout ça. Mais bref, nos hivers font chier, mais on s’adapte. Et puis, l’été, on peut facilement atteindre les 30º C.

Ouais. On passe l’hiver à râler qu’il fait trop froid, et l’été, on se plaint qu’il fait trop chaud. On n’a jamais dit qu’on était logique. Je m’assois, ferme la portière et branche mon Android avant de démarrer. Je choisis minutieusement la musique – je me doute que Summer n’aime pas particulièrement le metal. Je choisis de mettre Beastmilk, du death rock s’inspirant du vieux punk. C’est particulier, mais elle ne mourra pas d’une crise cardiaque.

-Bon ben on est partis pour un café. T’inquiète, j’ai pas pris mon permis dans une boîte de Cracker Jack.

Lun 15 Sep - 23:17

Summer éclata de rire face à la description d'Adriel, qui, somme toute, ne s'éloignait pas de ce qu'elle avait effectivement pensé de lui la première fois qu'elle avait su qu'elle allait collaborer avec lui.

« J'avais entendu des rumeurs... Donc je pensais que tu risquais de me couper la langue avec un hachoir ou que tu allais me fracasser la mâchoire si je prenais le risque de te contrarier ! »

Ce qui était plutôt ridicule d'ailleurs, parce que se balader avec un hachoir, d'une part, ça se remarquait, et ensuite, c'était ni pratique ni légal. Mais oui, elle avait eut totalement la trouille en voyant le look d'Adriel quand on lui avait imposé de travailler avec lui, et c'était pour ça qu'elle lui parlait à peine au début, et encore, c'était souvent par monosyllabes.

« Oui mais c'est bien ce que je dis, les apparences sont parfois trompeuses. Mais je suis sûre qu'en fouillant ta chambre au Canada, je trouverai un bocal avec du formol où flotte les langues de tes victimes. »

Qu'elle lui dit avec un air tout à fait sérieux à la Sherlock Holmes.

Summer l'écouta un peu parler du climat de son pays, rigolant à sa référence du Seigneur des Anneaux. Puis elle entra dans sa voiture — est-ce utile de préciser qu'elle avait elle-même ouvert la portière ? — et s'installa côté passager en attachant sa ceinture. En tout cas, niveau style musical, c'était exactement ce qu'elle s'imaginait. Pas le genre de chose qu'elle écoutait d'habitude mais elle était loin de détester, ça faisait du bien de changer un peu de temps en temps des derniers hits populaires et ça envoyait bien.

« Oooh, me voilà rassurée. Tu l'as gagné à la fête foraine alors ? »

Elle sourit en sachant pertinemment qu'il ne semblait pas du genre à aller à une quelconque fête foraine. Et les voilà qui se dirigèrent donc vers le fameux café.

[ LA SUITE : ICI ]

Ou là.Who knows.

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Spoiler:

» Ceci n'est pas un café [Summer Weilana & Adriel Lespérance]
» SUMMER WEILANA - XXX-XXX-XXX
» Summer Weilana •• Volfoni 2.0
» Le dégel [Summer Weilana & Robin Dubois]
» Oh you so NASHty ! •• [Kai Nash & Summer Weilana]

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