Libby Callahan [Termi-fucking-née]

Pour sûr, Libby attire le regard des gens, et elle le sait parfaitement. Son langage corporel ainsi que la manière dont elle s’habille respirent l’assurance, un charisme à l’état brut et la provocation.

Son visage a un certain charme qui ne peut plaire à tout le monde – indubitablement féminin, mais en quelque sorte ombrageux, presque farouche. Sa mâchoire est légèrement prononcée et ses joues presque imperceptiblement creusées. Libby est pourvue de très grands yeux qui lui donnent parfois l’impression qu’ils vont sortir de leurs orbites. Leur couleur d’un bleu très clair et quasiment laiteux n’aide pas, elle les rend encore plus énormes. Elle ne cesse de se plaindre à leur sujet, et pourtant, la jeune femme porte des smoky eyes à chaque jour, ce qui produit un effet on ne peut plus intense. Des sourcils fortement arqués les soulignent, donnant à son visage un air de défi omniprésent. Son nez  est un peu large, mais tout de même droit, et elle n’enviera certainement pas les lèvres pulpeuses d’Angelina Jolie. Sa bouche invitant aux baisers est ce qu’elle préfère sur son visage, et elle la met en valeur avec du rouge à lèvres – parfois rouge vif, parfois bordeaux.

Libby aime changer la couleur de ses cheveux. Elle est constamment en crise capillaire et les change presque à tous les mois. Elle fait une rotation entre le roux, le blond, le brun, le noir et leurs variantes. Elle évite toutes les couleurs non naturelles qui nécessitent trop de décolorant : ils lui arrivent dans le bas du dos, sont légèrement vagués et étant fière de leur longueur considérable, elle n’ose pas les briser. La seule modification corporelle qu’elle a est un anneau du côté droit de son nez qu’elle met parfois. Sa peau est blanche et blafarde. Aucune chance pour elle de bronzer, elle se balade toujours avec soit une ombrelle ou un chapeau très ample et utilise des tonnes de crème solaire. Malgré tout, elle adore le soleil, elle en profite et ne cache surtout pas son corps aux courbes très avantageuses. Toute en chair, elle est consciente d’être tout à fait appétissante. La nature l’a dotée de jambes interminables, d’une poitrine généreuse et de hanches rebondies. Elle est consciente de ses attributs et s’hésite pas à s’en servir. Côté fringues, elle adore les bustiers de toutes sortes, les crop tops, les tank tops et porte merveilleusement bien les jupes et leggins moulants. Évidemment, elle ne dira pas non à une paire de shorts et lorsqu’elle n’enfile pas ses classiques Converses, elle ne jure que par les talons hauts ou les plateformes. Sans être incroyablement extravagant, son style décidément sexy a une légère touche alternative qui lui va à ravir.

Libby sait qu’elle intimide parfois les gens, mais la première chose qu’on doit savoir d’elle, c’est qu’elle n’est pas du tout méchante et n’essaie même pas de s’en donner l’air. Au fond, elle a le cœur en guimauve et fait partie de ces idéalistes qui aimeraient faire du monde un endroit meilleur, qui font inlassablement ces discours pour tenter de changer les mentalités, d’ouvrir les yeux de la populace. La jeune rockeuse aime les gens et leur présence, est très à l’écoute, prendre soin d’eux et se sert de sa popularité pour aider dans la mesure du possible son entourage. Présentement, elle tente même de mettre sur pied un programme contre l’intimidation et l’abus dont plusieurs élèves de l’académie sont victimes. Elle milite activement pour le droit des animaux, est végétarienne à temps plein et végétalienne à temps partiel. Évidemment, les produits testés sur ces pauvres bêtes sont le plus possible bannis de sa vie. Normalement, si vous mangez de la viande, Libby n’ira pas vous faire chier avec ça : c’est votre choix. Par contre, n’allez pas vous foutre de sa gueule pour ses choix alimentaires, sinon, vous risquez une bonne engueulade suivie d’arguments dignes d’un documentaire démontrant pourquoi son choix et plus censé que le vôtre.

Évidemment, son ouverture d’esprit est remarquable : généralement, la jeune femme vous acceptera tel que vous êtes et tente de juger le moins possible. La liberté et le respect sont des valeurs à lesquelles elle tient mordicus. Bien sûr, elle n’est pas parfaite, et elle a beaucoup de personnes dans le collimateur, c’est-à-dire tous ceux qui ne prennent même pas la peine de montrer un minimum de respect envers le reste des êtres humains. Racistes, sexistes et homophobes, prenez gare aux mots qui sortiront de votre bouche, car si les regards tuaient, Libby vous aurait probablement déjà assassiné et ressuscité cinquante fois de suite seulement avec ses yeux. Oui, elle est idéaliste et vachement sympa, mais elle n’est pas non plus naïve et peut également se transformer très vite en vilaine harpie, si on la fait trop chier. Elle a une grande gueule, n’hésite jamais à dire son opinion souvent controversée et à ajouter son grain de sel partout, ce qui crée souvent des discordes. Bien malgré elle, elle a du mal à ne pas juger – voire mépriser – les filles excessivement crédules ou frivoles. Son opinion envers les mecs machos qui profitent de la naïveté de ces filles est encore pire. Concernant lesdits mecs machos et profiteurs, elle n’a pas peur d’affirmer haut et fort qu’elle est une féministe. D’ailleurs, lorsqu’on la traite de féministe enragée, elle répond «je le suis seulement lorsque t’es un trou du cul ignorant et misogyne». Libby ne tolère pas le sexisme sous toutes ses formes – autant envers les femmes que les hommes – et déteste les rôles qu’on applique encore traditionnellement à un sexe ou à un autre.

La jeune femme a une sexualité plutôt épanouie. Bien sûr, elle aime le sexe et ne s’en cache pas, mais elle ne couche pas avec n’importe qui. Elle choisit soigneusement qui entre dans son lit et établit ses propres règles. Il n’est pas question qu’elle fasse quoi que ce soit à contrecœur. Non, elle ne joue pas à la sainte nitouche et ses vêtements sont très sexy. Elle considère qu’elle n’a pas à avoir honte et se cacher sous prétexte qu’elle a des formes qu’on pourrait reluquer. Elle assume son corps et en est fière. Pourtant, la pauvre a quand même une petite réputation de fille facile, ou carrément d’une salope. Comme quoi, peu importe ce qu’on fait, on ne peut être irréprochables. On se fait toujours juger, cracher au visage. C’est pourquoi elle ne se casse pas la tête et fait ce qui lui plaît. Son ouverture d’esprit lui a fait découvrir sa véritable orientation sexuelle souvent incomprise de la masse. En effet, Libby se considère pansexuelle, c’est-à-dire qu’elle aime réellement quelqu’un pour sa personnalité et non pour son sexe, anatomique ou non, ou son genre. Femme, homme, travesti, transgenre, elle s’en balance complètement. Comme on dit, l’amour n’a pas d’âme. Elle n’a pas honte de ce qu’elle est réellement, et ça suscite de très nombreuses réactions pas nécessairement positives. Pour les ignorants, elle aime simplement se taper tout le monde.

Tous ces petits détails font d’elle une femme charismatique et très sûre d’elle. C’est entre autres ce qui l’a rendue si populaire. Libby, on l’aime ou on la déteste. On l’admire ou on la trouve incroyablement chiante. On la trouve belle et sexy ou on dit qu’elle est la pire des putes. On la trouve intéressante ou on croit qu’elle a une trop grande gueule. Ce qui est sûr et certain, c’est qu’elle ne laisse pas indifférent. Elle est dotée d’une détermination qui fait presque peur, tente de ne pas se laisser abattre par les discours haineux. Ses immenses yeux bleus pétillent lorsqu’elle parle de sa passion pour la musique ou lorsqu’elle vous fait ses speechs de défenseuse des animaux et des droits humains. Elle est fière, trace son chemin dans la vie la tête bien droite. Peu importe les douleurs qu’elle enferme, peu importe les cris et les larmes qu’elle verse, la batteuse a décidé qu’elle allait toujours afficher ses vraies couleurs. Parce qu’au fond, même si elle aime les gens, elle ne peut vivre pour eux, et elle le sait.

Je regarde nerveusement le bout de mes chaussures, me tortillant inconfortablement sur ma chaise en cuir bizarre et tout mou. Je compte les carreaux du plancher en céramique, je détaille chaque tache, j’entortille mes cheveux autour de mes doigts. Tout pour ne pas regarder le psy dans les yeux. Je déteste les psys. Je déteste qu’on analyse mes moindres actes et émotions.

-Si c’était une agression, pourquoi n’as-tu pas réagi? Tu devais sûrement savoir qu’avoir une relation avec un homme plus âgé que toi de neuf ans pouvait être dangereux?

Pourquoi est-ce qu’on me pose toujours ces mêmes questions? Vous croyez tous que je n’ai pas assez honte de moi-même? Que je ne mets pas déjà toute la faute sur mes propres épaules? Que je n’ai pas envie de pleurer et de crier à chaque fois que je me vois dans un miroir? Ce corps, je le déteste. Cette naïveté, cette stupidité qui sont miennes, je les hais encore plus. Me faire remarquer pour mes formes, ça me donne confiance. Ça me donne l’impression que le monde m’appartient, qu’il tourne autour de moi. Et j’aime ça. Et vous savez le pire, dans tout ça? C’est que si on m’accordait encore un peu d’attention, un peu d’amour, je m’y accrocherais désespérément. Même si c’est un mensonge, même si c’est une illusion et qu’on doit me poignarder dans le dos par après. Je veux qu’on me dise que je suis belle, que je suis sexy, que j’ai de la valeur. Je veux qu’on me regarde comme le plus pur des diamants. Je ne peux m’en empêcher, c’est pour ça que je suis conne. C’est pour ça que je souffre, qu’on profite de moi. C’est pour ça que je suis une salope. Mais je ne dis rien de ça au psy. Oh non, rien.

-J’sais pas. Peut-être que c’était pas une agression, en fait. Je savais dans quoi je m’embarquais.

Voilà, j’ai dit ce qu’il voulait entendre. Et à quelque part, je le pense. La vérité, je la connais au fond de moi, et je ne me l’avoue même pas complètement. J’ai réagi comme une poupée de chiffon parce que j’étais terrorisée. J’étais sûre que si je protestais, ça allait être pire. Que les coups n’allaient pas tarder à fuser. Je me suis dit que si j’étais inerte, tout allait se passer plus vite. Que je pourrais oublier par après, faire comme si rien ne s’était passé. Continuer à vivre. Je fais toujours ça. Un petit bout de mon cerveau me crie que ce n’est pas de ma faute. Que je suis jeune, naïve, brisée, et qu’il est le connard qui en a profité. Mais si c’est le cas, si le blâme repose réellement sur lui, pourquoi est-ce qu’on ne cesse de me répéter que ce sont mes choix qui m’ont menée à ça? Que je suis la seule responsable?

-Non, Libby. Je ne veux pas entendre ça, je veux que tu m’expliques le pourquoi du comment.

Mais ta gueule, merde! Bien sûr que c’est ce que tu veux que je dise. J’ai enfin la force de lever les yeux et de le regarder. Je le fixe longuement sans rien dire, et rapidement, des larmes commencent à brûler mes grands yeux. Je les essuie rageusement en me levant d’un coup. Mes mains sont tachées du mascara qui a coulé de mes cils.  Une colère noire balaie complètement ma honte et ma culpabilité, comme si ces émotions ne m’avaient jamais habitée.

-Je n’ai pas d’explications à faire! J’en ai marre, marre, marre de tout! Si on m’avait fiché la paix, j’aurais déjà tout oublié et on ne me harcèlerait pas avec ces putains de conneries!

Je sors du bureau en catastrophe et je claque la porte comme une enragée. Je me fous que ma mère doive aller me chercher dans trente minutes, j’ai simplement besoin de respirer. Je sors dans l’air estival étouffant de la Floride et je cours le plus loin possible, jusqu’à en perdre haleine. J’aimerais que cette course me distancie de mes démons, mais c’est impossible. Je sais pertinemment que je ne peux me fuir, mais ça ne m’empêche pas d’essayer de toutes mes forces. Je finis par m’écrouler sur le banc d’un parc, épuisée, en nage, vidée. On me lance des regards inquisiteurs, mais je les ignore tous. Je n’ai pas envie de rentrer à la maison. Je n’ai pas envie de revivre les pleurs de ma mère et mon père qui gueule en arrière. Ils se demandent comment leur petite princesse toute pure a pu devenir une pute. Moi-même, je n’en ai aucune idée. Je me mets à m’analyser – c’est toujours mieux que le psy.

J’imagine que j’ai toujours aimé qu’on m’adule, qu’on me remarque. Papa et maman ont toujours été là pour moi. Je suis chouchoutée depuis le premier jour où je suis atterrie sur cette planète, je n’ai jamais manqué de rien. J’ai dû y prendre goût, devenir accro aux regards qu’on me lance, à l’attention qu’on me donne. Je crois que tout a commencé pour la seule et unique raison que les mauvaises personnes se sont mises à me convoiter. J’ai eu envie de plaire d’une autre manière. Être bonne au lit, ça me donne de la confiance, de la valeur. Traîner et coucher avec des personnes beaucoup plus vielles que moi me donne l’impression d’être plus mature, d’être plus importante que les milliers d’autres mômes de dix-sept ans. Je fume trop, je bois trop, et trouve sincèrement que j’ai la classe. Oui, je suis dérangée. Je le sais. Je m’en rends compte. Je suis seulement incapable d’en faire quoi que ce soit. Je respire un bon coup, et je vais m’asseoir à l’ombre, sous cet arbre. Je voudrais retourner chez moi et pleurer dans les bras de ma mère. M’excuser sans arrêt jusqu’à briser ma voix. M’excuser de leur faire honte, à tous les deux. Taper sur ma batterie en criant jusqu’à ce que toute cette rage me quitte. Mais je suis orgueilleuse. J’ai peur. Peur qu’on me m’aime plus. J’ai peur qu’on me trouve trop stupide pour me prêter attention. J’avale un sanglot et tire sur mes longs cheveux châtains pour me faire taire. La douleur m’aide, parfois.



Je soupire et passe mes mains dans ma chevelure interminable. Elle est cuivrée, ce mois-ci. Je regarde le psy dans les yeux – plus jamais je ne regarderai le bout de mes foutus pieds. Je n’ai plus dix-sept ans. Plus jamais je n’aurai honte.

-Ce soir de juin, je suis rentrée chez moi lorsque je croyais que mes parents dormaient, trop effrayée de leur parler. Je m’en rappelle comme si c’était hier. Bien sûr, ils étaient là, assis dans le salon. Ils m’avaient attendue, furieux contre moi - et avec raison. J’ai conscience que j’ai tout pour moi, mais parfois, je crois qu’on a besoin de foncer dans un mur de briques à cent milles à l’heure pour s’en rendre compte. Évidemment, je me suis fracassé la figure sur ce mur. J’ai souffert, et parfois, j’ai encore l’impression d’avoir causé mes malheurs. Parfois, j’ai encore l’impression que j’aurais pu me secouer, faire quelque chose, arrêter d’être une chiffe molle. Mais peu importe, les choix que j’ai faits m’ont emmenée à être la jeune femme épanouie que je suis aujourd’hui. J’ai appris à la dure qu’il ne faut pas vivre pour le regard des autres. C’est s’empoisonner, se condamner à ne jamais être heureux. Ça suce la moindre parcelle de personnalité et de volonté propre qu’on peut avoir. Ça nous donne l’impression d’être vivant alors qu’en réalité, on n’est qu’une coquille vide. Ma naïveté passée a fait de moi une fille forte, déterminée et passionnée. J’ai dû me rouler dans la boue pour que je devienne une personne à la fierté inébranlable. J'ai appris à m'aimer et à m'assumer. Et finalement, après cinq ans, me voilà. Libby Callahan.

Il me sourit et approuve. Après toutes ces années, j’ai enfin pu dire le pourquoi du comment, et je me sens libérée. Je n’ai plus envie de me cacher pour quoi que ce soit.