Prudence. | [Jake Viel & Salvatore Kimimichi]

Je me dirige vers la serre et me promène à l’extérieur, cherchant l’entrée comme le perdu que je suis.  Elle semble afficher plusieurs types de plantes différentes. Je me disais que ça pouvait être intéressant de voir ce que l’école offrait comme variété. Disons que je ne m’attendais pas à trouver des plants de marijuana. J’ai de la difficulté à cacher mon ébahissement et mon amusement. C’est quoi cette école de fou? Adriel m’en avait parlé alors que j’étais encore au Québec, mais les quelques anecdotes qu’il me racontait dressent un bien piètre portrait de la vraie chose. Et au vu de la taille des plants, ils ne datent pas d’hier! Pourquoi l’école ne fait rien?! Perso, ce n'est pas moi qui va aller faire le paladin, c’est juste que ce n'est pas commun et que ça me fait péter du cerveau.

Ça va teeeeellement aller sur reddit.

C’est une drôle de journée  que je qualifierais d’horriblement chaude pour un hiver. J’ose pas imaginer l’été, bienvenuedansl’anusdesatan.com. Je suis encore tout déboussolé, je viens de changer de pays après tout. Et je n’ai pas choisi l’état d’à côté! Je ne suis toujours pas habitué à entendre de l’anglais partout, langue tolérée au Québec à contrecœur pour certains, alors qu’ici, le français est une légende urbaine. Quoique pas tant que ça, Didrioune a un peu cassé la glace sur ce sujet. Elle est tellement énorme cette école/université/etpeuimportequoid’autre. Juste essayer de me retrouver dans ce labyrinthe m’occupe bien assez, heureusement qu’Adriel m’abrite, il me sauve le cul. Je n’ai même pas eu besoin de chercher d’appartement! Bien sûr, j’aurais toujours pu habiter chez des mexicains, ils sont habitués à vivre à 15 dans un taudis, mais tout ce que je sais dire dans la langue des sombreros, c’est tequila et taco. Mais je squat Didriel, qui lui parle la langue de l’alcool, étant Amérindien. Le retour dans son existence a été très awkward dans les débuts, mais notre vieille complicité est vite revenue. Je ne sais ce que j’aurais fait sinon. Je n’aurais eu de choix que de travailler sans relâche à la reconstruire. Je suis venu dans cet endroit douteux que pour lui. Et parce que mon père me disait que je n’en étais pas capable. J’aime bien lui prouver le contraire. Mais il avait en effet raison sur un point : j’ai sous-estimé à quel point c’est stressant se relocaliser. Je suis encore en train de faire mon éclaireur pour me trouver quelques repères un peu partout (dans Volfoni du moins). D’où pourquoi je me trouve devant la serre en train de fixer un plan de pot tout en réprimant un fou rire prodigieux.

Je suis en train de prendre une photo avec mon cellulaire quand j’me fais interpeller par un restant de ce qui avait été un être humain. Il a plus l’air d’avoir été passé au broyeur et raccommodé à la brocheuse. Il fait un peu pitié à voir. Si on exclut son escorte qui n’ont pas l’air à être là pour des raisons sexuelles, avec leurs battes de baseball. Je pouffe intérieurement en imaginant s’il s’agirait en effet de prostitués et l’utilisation de leurs battes réinventés.  Mais sur tout son corps, plus que les multiples fractures qu’il doit souffrir et l’armada de bleues qui semblent peupler sa peau comme un essaim d’immigrants, je crois que c’est son fond de teint. Je le vois bien, même à cette distance, les multiples erreurs de son application. J’ai beaucoup trop traîné avec des drag queens. Je l’admets.

Salvatore Kimimichi? Oh putain, c’est le pékinois-garou! Alors c’est lui? Ça explique les golems, maintenant à une distance respectable. J’aime bien parler avec les gens sans me sentir étouffer par la testostérone d’autrui. Ça me fait vraiment étrange d’être assistant, je ne sais jamais comment agir avec les élèves. Surtout lui, c’est un cas particulier. En plus il me dit poliment de câlisser mon camp.

«Enchanté. Jake Viel» dis-je en lui serrant la main. J’ai l’impression que je viens de faire un contrat avec le diable. Ou de vendre mon rein. Son petit sourire ne fait rien pour améliorer mon impression. C’est qu’il est mielleux le fielleux. T’embellir? Yeah right. Quoiqu’avec leurs gueules de cons il est vrai que tu dois avoir l’air bien mieux que seul. La conversation avec ce type me déplaît d’emblée. Même s’il est petit, pour ne pas dire minuscule, il réussit à me regarder de haut. Chapeau. Souris Jake. Un petit sourire, légèrement bienveillant et amical. Oui, comme ça. «Que puis-je pour toi?» Je suis éternellement reconnaissant à l’anglais d’avoir enlevé la distinction entre le tu et le vous. Plus de cassage de tête avec ça.