Épreuves anticipées [Malwina]

Aidan marchait innocemment dans la rue, un discret paquet jaune et rouge de chez Bad Dragon récupéré à un point relais dans les mains, quand soudain, une Malwina sauvage surgit. Aidan essaya tant bien que mal de cacher le paquet et son embarras mais celui-ci tomba par terre. Il se baissa, le ramassa, constata avec une gêne de plus en plus évidente que la jeune fille se dirigeait vers lui et agita stupidement la main en guise de bonjour en priant tous les dieux qui pouvaient bien régir ce monde qu'elle fasse demi tour. Peine perdue, elle n'était qu'à trois mètres. Peut-être n'était-elle pas là du tout pour lui, peut-être s'était-elle perdue et cherchait-elle son chemin, peut-être avait-elle vu quelqu'un qu'elle connaissait qui passait derrière lui mais Aidan ne laissa pas son destin à l'espoir et préféra lui adresser la parole.
Aidan prit son destin en main, voilà.

_ Bonjour mademoiselle Zeit, comment allez-vous ? Oh, vous n'imaginez pas comme je suis impatient de voir votre performance à l'harmonica pour le concert de Noël ! Quel morceau nous préparez-vous ?

La Malwina sauvage apparaissait avec le son des trompettes et les armées célestes. Ou quelque-chose comme ça. Elle aurait continuer son pas vers le Seigneur ton Dieu (en longeant le mur) pendant Lui-seul-sait combien de temps si son professeur ne l' avait pas rappelée dans le monde des créatures nées de la chair.
Elle s' arrêtait, aveuglant de son nimbe triomphant les élus qui la virent dans sa gloire. Aidan ne pouvait que respecter l' éclat adamantin, presque d' un autre monde, que Malwina trainant dans son dos comme un fantôme son boulet. Comme elle comme pour le Christ, cette divinité, ce trirègne d' héritage céleste, semblait parfois être un fardeau ; qu' elle acceptait, cependant.

...

Ou alors, c' était comme ça qu' elle payait les réparations de sa voiture.
Ou alors, elle s' était juste perdue. En tout cas, le paquet ne semblait pas l' interpeler. Il faut dire que les marques de sextoys ne lui parlaient pas vraiment.
Elle se sentait simplement plus proche de sa partenaire sans ça.

- Mmhbonjourmonsieurçavaetvous...

De quoi il parlait ? D' un spectacle ? Il y a ça de prévu ? Ah, oui, c' est vrai ! On en avait parlé à Malwina il y a quelques jours, elle a réfléchi pendant deux heures à la chose, puis a oublié l' histoire au profit d' une réflexion à propos de l' impôt trop élevée sur l' eau de source gazeuse. Vu qu' elle évitait généralement l' eau plate, l' impôt sur celle-ci était un moindre mal(wina).
Elle réfléchissait un instant, en essayant de garder les yeux entrouverts.

- Well... Je pensais à Für Elise, comme c' est joli... Si j' y arrive... Ou alors, je composerai peut-être quelque-chose. Si j' y arrive.

Vu comment elle disait ça, Aidan pourrait croire qu' elle s' en contrefoutait. Cependant, si ce qu' elle était capable de faire l' indifférait totalement, elle était plutôt contente de jouer quelque-chose sur scène.

Par contre, elle se demandait qui pouvait être ce vieil homme devant elle. Elle l' avait déjà vu, mais les souvenirs étaient confus, comme si il venait d' un rêve. En même temps, Aidan l' avait plus souvent assoupie qu' éveillée.

- Attendez un peu.

Malwina mit sa main dans une poche d' un cardigan rose clair et en retira son instrument, ainsi qu' un drôle de dispositif constitué principalement de tiges métalliques, qui lui servait à jouer pour encore moins d' efforts.
Elle passa une trentaine de secondes à jouer la mélodie principale de la lettre à Elise. Sur un tempo un peu trop lent et avec quelques fausses notes, mais c' était un début. Au moins, elle n' avait pas besoin de partition.

Doux Jésus.
Premièrement, c'était un carnage. Deuxièmement, le concert de Noël n'existait pas. Il eut un moment de doute en trouvant que sa vie ressemblait à un très mauvais scénario de série ou de jeux-vidéos ou la question bidon a un echo dans la réalité mais il avait beau faire le tour des discussions en salle des profs des dernières semaines, il n'avait jamais été question d'un concert de Noël. Il avait envoyé ça pour la faire paniquer, comme il aurait pu lui demander si elle avait bien révisé pour le devoir de demain, fictif lui aussi, mais il fallait croire que Malwina Zeit était suffisamment déconnectée de la réalité pour ne s'affoler d'aucune échéance. C'était bien sa veine.Ou alors il existait bel et bien un projet de ce type mais il en avait été tenu à l'écart, il s'en serait presque vexé.
Ou alors cette fille était complètement stone.
Ce qui, à bien y réfléchir...
Au moins était-il en sûreté pour l'instant.

_ Oh, je vois que vous avez déjà bien commencé vos répétitions ! fit-il semblant de s'enthousiasmé en hochant la tête dans une approbation dévote pendant qu'elle jouait. Je suis ravi de vous croiser ici, vous savez, nous n'avons guère l'occasion de discuter à l'intercours, vous êtes souvent.... assoupie. J'aimerais prendre le temps de discuter un peu avec vous, si vous n'êtes pas occupée et que cela ne vous dérange pas bien sûr. Vous accepteriez d'aller prendre un café avec un professeur.... ?

Quoi, ses répétitions ? Oh, oui, bien sûr. Les... Répétitions ! A part celle de la lettre z, pas vraiment. Mais Malwina pourrait peut-être jouer dans son sommeil ? Mieux vaut le faire seule. Mais la scène serait navrante. En tout cas, elle rangea son matériel pendant que Aidan lui parlait. Si l' harmonica avait eu des oreilles, il remercierait en silence sa propriétaire.

- Un café... Disait-elle en se frottant ses yeux avec la base de son pouce. Oui, pourquoi pas ? Vous connaissez des adresse ?

De toutes façons, un café ne pouvait pas lui faire de mal(wina). Ça pourrait même la remettre d' aplomb.

- Oh, mais il faudrait peut-être que vous rapportiez ça chez vous.

La demoiselle désignait d' un doigt accusateur le paquet d' Aidan.

Cette situation était de plus en plus embarrassante et Aidan voyait difficilement comment se débarrasser de Malwina. La remarque à propos du paquet lui fit légèrement monter le rose aux joues mais il conservait suffisamment d'aplomb pour que l'on puisse penser à un effet de lumière. Après tout, ce n'était pas comme si les néons du quartier en crachaient de multicolores dans discontinuer.

_ Hm, vous avez probablement raison, mais rien ne presse. Ma voiture est garée à quelques rues, accepteriez vous de m'y accompagner pour que j'y laisse mon paquet, après quoi nous irions boire quelque chose ? Sauf si vous êtes occupée bien entendue, je suppose que vous ne vous êtes pas perdue... ici, et il insista de sa voix et d'un sourcil suggestif, par hasard. Vous avez sans doute des choses à faire.

Et il souhaitait de tout son pauvre coeur que ce soit le cas.