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 Bouches béantes [Enora Clifford & Summer Weilana]

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Le ciel, en dépit de l'été qui approchait à grands pas, était étouffé cet après-midi par un épais voile de grisaille. De lourds nuages le traversaient, qui semblaient perpétuellement sur le point d'éclater en grosses averses printanières. Mais le vent les chassait de l'horizon avant qu'ils n'aient le temps de mener à bien leurs plans orageux. Un temps pareil était une aubaine, pour Enora. Elle dont la peau si fragile craignait mortellement le soleil, elle savait que c'était peut-être l'un des derniers jours avant longtemps qui lui permettrait de profiter du parc. Bien sûr, elle pourrait toujours s'y balader avec une ombrelle, après avoir copieusement enduit sa peau d'une couche grasse et désagréable de crème solaire. Mais elle ne serait pas aussi à l'aise.
Et puis, bien sûr, resterait le problème de la chaleur. Le style vestimentaire d'Enora n'était pas forcément très adapté aux températures estivales. Aujourd'hui, par exemple, elle portait un serre-taille noir par-dessus une robe à longues manches d'un violet très profond. Et encore, c'était remarquablement coloré, pour elle, elle avait fait une petite folie, ce matin. Elle se souvint qu'elle avait toujours adoré le violet. Comme celui qu'elle posait sur ses yeux, tous les matins. Mais ça ne valait pas le noir.
Alors qu'elle était absorbée dans ses pensées colorées - si l'on peut appeler ça de la couleur - elle se dirigea un peu distraitement vers le bassin au fond du parc, entouré de petits rochers ronds, où des carpes koï nageaient paresseusement. Arrivée au bord, elle posa son sac et se lança dans la contemplation des poissons, sans même remarquer qu'une autre étudiante était déjà assise dans l'herbe non loin. La danse des carpes l'avait trop vite absorbée.
Enora choisit un poisson qu'elle suivit du regard jusqu'à ce qu'il revienne à son point d'origine. Encore une fois. Puis une autre. La carpe effectuait toujours le même petit tour, inlassablement. Enora se sentit un peu triste, pour elle. Surtout, elle avait l'impression de connaître ce sentiment. Toujours tourner en rond. Être incapable de trouver une issue. Revenir sur ses pas sans même s'en rendre compte... Puis, un objet minuscule, fragment de feuille, graine ou caillou, porté par le sifflement du vent, vint dessiner une onde sur la surface du lac. Aussitôt deux carpes proches, convaincues qu'il s'agissait là de quelque nourriture, écartelèrent leurs bouches pour essayer de s'en emparer. Ca aussi Enora connaissait, les faux espoirs.
Quelque chose, cependant, dans le spectacle de ces gueules béantes, l'happa. Elle se souvint subitement d'un livre qu'elle avait lu quelques années auparavant, The Character of the Rain, par la française Amélie Nothomb. Le titre original était parfaitement adapté : Métaphysique des tubes. C'était bien ce qu'Enora avait sous les yeux : un tube, un tube sans fond apparent, sans dents, à l'intérieur mouillé et visqueux. Un tube dégoûtant. Amélie Nothomb se lamentait de la laideur des carpes, elle les trouvait affreusement disgracieuses. Enora n'était pas d'accord. Certes, il y avait quelque chose de dérangeant dans cette vue plongeante à l'intérieur de ces corps si creux. Mais, quelque part, cela faisait aussi leur beauté. Comme une balafre peut donner du caractère à un visage. Cette monstruosité faisait des carpes des animaux fascinants.
Alors, Enora sortit son carnet à dessin de son sac. Armée d'un fusain, elle tenta de cerner d'un coup de crayon cette silhouette presque difforme qu'est celle d'une carpe. A son grand étonnement, elle eu milles difficultés à tracer cette courbe étrange, et dû s'y reprendre à cinq ou six fois. Finalement, elle finit par donner vie sur le papier à l'esprit d'une carpe, auquel ne manquaient plus que les détails de la vie. Elle lui donna un œil, noir comme la nuit, pour sonder l'ombre de l'eau d'un regard absent. Puis de courtes nageoires, qui la guideraient vers les espoirs vains de la surface. Fait assez rare, elle sortit un pastel coloré de son sac, pour lui donner quelques tâches floues d'un orangé vif, car son modèle était une Kohaku. Elle posa son dessin, songeuse. Elle n'était pas sûre que ce soit une amélioration. Elle qui avait toujours l'habitude de travailler en monochrome - ce qui se voyait à ses pastels presque intacts - avait de rares élans colorés qu'elle regrettait presque immédiatement. Pourtant, c'était sans doute plus attrayant, ainsi. Et puis, cela ferait plaisir au psy. Il la lâcherait peut-être un peu, comme ça.
Mais que faire du dessin ? Le garder pour le regard condescendant du psy et tout recommencer au fusain ou à l'encre de Chine, ou continuer à travailler sur la couleur. C'était quand même joli, comme ça, non ? Elle n'était pas toujours obligée de n'utiliser que du noir. Ce noir qui recouvrait son cahier de visions horrifiques. Pour une fois qu'elle avait choisi de représenter un objet réel, elle pouvait bien lui être infidèle, non ? En fait, elle avait besoin d'une opinion extérieure. Mais elle n'avait pas envie que quelqu'un critique son dessin. Surtout, elle n'avait pas envie qu'on l'encourage à utiliser plus souvent la couleur. Hors de question de demander à un professeur, ou un camarade d'art plastique, qui connaisse ses représentations habituelles.
C'est alors que, levant les yeux, elle aperçut la jeune fille qui se tenait près du lac depuis son arrivée. Elle l'avait déjà aperçue, à deux ou trois reprises, mais ne lui avait jamais adressé la parole. C'était une de ces filles qui avait toujours l'air débordante de joie, que les gens appréciaient et qui le leur rendait généralement bien. Pas vraiment le genre de personne à qui Enora aurait eut envie de s'adresser en temps normal. Mais elle était là. Et elle était là seule, surtout, ce qui la rendait moins insupportable que quand elle était entourée de ces amis qu'Enora ne comprenait pas pouvoir être aussi collants. Pour Enora qui était tout ce qu'il y a de plus solitaire, l'idée d'être en bande était presque effrayante. Elle se leva donc et s'approcha de l'autre fille, qui semblait avoir la tête un peu ailleurs. Arrivée à son niveau, elle ne dit rien, se contentant de la fixer en silence, son dessin à la main, en attendant qu'elle engage la conversation. La situation était un peu gênante, elle serait bien forcée de réagir. Est-ce que ça serait amusant ?
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Summer soupira. Elle qui espérait qu'il fasse beau aujourd'hui, c'était raté. Foutu Minnesota et ses foutues averses ! On était au moins de Mai, où était le soleil dans tout ça ? Certaine qu'à Hawaï, le temps serait au beau fixe, elle recommença à avoir le mal du pays. L'été approchait et cette saison, bien qu'elle soit sa préférée, était loin d'être la même ici que dans son pays natal. Elle pensait que sortir prendre l'air dans le campus l'aiderait à se sentir mieux, mais au final, ça la déprimait encore plus. Pourtant, elle ne pouvait pas montrer son désarroi à quelqu'un. Une journaliste, ça doit être irréprochable. Summer perdrait toute crédibilité si le moindre petit scandale autour d'elle venait faire surface. Son job, c'était de trouver des scandales, pas d'en créer !

La jeune femme chercha donc un endroit tranquille où se poser. On était l'après-midi et elle n'avait pas cours, elle en profiterait donc pour réfléchir un peu à ce qu'elle allait écrire pour cette semaine. Traversant le portail, elle se dit que le parc répondrait sûrement à ses attentes. Il faisait gris, mais il y avait tout de même quelques éclaircies, et les bancs devaient être encore sec... Du mois, elle l'espérait. Après quelques minutes de marches, Summer s'extasia un instant devant les magnolias. Ils avaient complètements fleuris et apportaient un peu de couleur dans cette étendue verte et grise. Quelque part, c'était rassurant : ça voulait dire qu'on était bien en Printemps.

Une fois s'être lassée des fleurs, elle reprit sa marche un peu au hasard, croisant de temps en temps deux ou trois personnes de sa connaissance. En fait, il était presque impossible pour elle de ne connaître personne de l'académie. Depuis son arrivée, elle avait réussie à se procurer la liste de tous les élèves, et à chaque nouvelle année, elle se procurait une nouvelle liste au besoin. Et chacun avait un dossier dans son ordinateur, plus ou moins remplis. Ces dossiers, c'étaient un peu comme ses enfants : elle s'en occupait tous les jours, les nourrissait, les regardait grandir, et quand ils n'avaient plus lieu d'être, elle avait énormément de mal à s'en séparer. En trois ans, Summer n'avait réussi à effacer aucun dossier, malgré les élèves qui étaient déjà partis ou qui avaient obtenus leur diplôme. Quelque part, elle espérait qu'ils serviraient encore un jour.

Finalement, au bout d'une dizaine de minutes, la brune parvint à trouver un banc. Il était placé en face d'un bassin étonnement bien entretenu, dans lequel barbotaient quelques carpes colorées. Summer jugea que l'endroit était suffisamment tranquille et calme pour qu'elle puisse s'y installer, et prit place sur un banc. Assise les jambes croisées sur un banc, carnet et stylo en main, elle retranscrit avec soin toutes les rumeurs qu'elle avait entendues aujourd'hui. Certaines commençaient à se répéter, d'autres s'étaient étoffées, et quelques unes étaient toutes nouvelles. Chacune pouvait potentiellement faire partie de la rubrique de la semaine, pourtant, il n'y en aurait qu'une d'ici quelques jours qui l'emportera. Rien n'était encore joué. En trois ans d'expérience, il lui arrivait souvent de ne dénicher que the scoop qu'au tout dernier moment. Toutes informations étaient précieuses donc.

Perdue dans ses réflexions et triant chaque nouvelle de manière dont elle seule arrivait à le déchiffrer, Summer faillit en lâcher son carnet de stupeur en voyant que quelqu'un s'était placé devant elle.

« Eeeek ! »

Refermant rapidement son carnet par réflexe, elle se rendit compte que son comportement était totalement exagéré et s'excusa.

« Pardon, je ne t'avais pas vu ...»

Détaillant l'inconnu de haut en bas, elle la reconnut presque immédiatement. Disons que cette demoiselle gothique aux cheveux blancs était le genre de personne qu'on remarquait directement. De ce dont elle pouvait se rappeler, elle n'avait que très peu d'information sur elle, si ce n'est qu'elle est albinos et pas très sociable.

« Hmm... Tu es... Enora, c'est ça ? Je m'appelle Summer. Je peux t'aider ? »

Elle lui sourit. La brune ignorait depuis combien de temps elle l'observait, ou si elle venait tout juste d'arriver, en tout cas, si elle était restée plantée devant elle, c'est qu'elle avait quelque chose à lui demander, non ?

Et puis, c'était l'occasion d'étoffer l'un de ses dossiers !
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La jeune fille n'avait pas tardé à remarquer Enora, mais sa réaction avait été tout ce qu'il y avait de plus satisfaisante. Un étrange petit cri de surprise, et un carnet fermé d'un coup, comme si la brune avait quelque chose à cacher. Enora ne put réprimer un petit sourire, même si elle n'était pas sûre d'être vraiment amusée. Pourquoi aimait-elle mettre les gens mal à l'aise ? S'était-elle seulement déjà posé la question sérieusement ? Sans doute était-ce par lassitude, et un peu par moquerie. C'était un peu frustrant, de voir les autres mener leur petite vie, où chaque geste était calculé, prémédité, où la convention rendait tout facile et prévisible. La briser de temps à autres par un élément incongru, c'était une petite victoire sur l'artificialité des rapports sociaux. A laquelle Enora ne manquait pas de contribuer allègrement à d'autres moments.
La jeune fille s'excusa de n'avoir pas vu Enora plus tôt. Si ce n'était pas le comble de l'ironie ! C'était Enora qui venait se planter devant, de façon totalement socialement incorrecte, et c'était elle qui s'excusait ! Bien sûr, là encore, il s'agissait de la convention, la fille n'avait sans doute pas réfléchit avant de lancer ça. Il n'en restait pas moins que cela, c'était sincèrement amusant.

« Hmm... Tu es... Enora, c'est ça ? Je m'appelle Summer. Je peux t'aider ? »

Il y eut un moment de blanc. En l'espace d'une phrase, la situation s'était inversée, et à présent voilà que c'était Enora qui était mal à l'aise. Comment cette fille connaissait son nom ? Ah, bien sûr, il n'y avait qu'une albinos vestimentairement extravagante à Volfoni. On devait se passer le mot. Parler d'elle dans son dos. A cette idée, Enora serra les dents. Si on parlait d'elle, c'était forcément en mal, n'est-ce pas ? Cette fille est bizarre. Tu as vu ses cicatrices ? Il paraît qu'elle a essayé de poignarder un type, une fois, tu crois que c'est vrai ? Enora eut un rictus nerveux. Finalement, ça aussi, c'était plutôt drôle. Les gens devaient avoir peur d'elle, si ça se trouvait. C'était un pouvoir, en quelque sorte.
Summer, la fille, donc ? Qu'est-ce que c'était que ce nom ? Une fille de hippies, certainement. En tout cas cette fille aimait fourrer son nez un peu partout, a priori. Enora n'était plus très sûre d'avoir envie de lui parler. Oh et puis si, après tout. Au contraire, même. C'était amusant, de faire gober des trucs à ces gens-là. Pourquoi elle était là, déjà ?

- Ah, euh, bonjour Summer. Dis-moi... excuse-moi, je suis un peu gênée de te demander ça mais... j'aurais voulu te demander ton avis sur un dessin que j'ai fait...


Elle avait pris la voix la plus innocente possible, en se tordant les doigts comme une petite fille timide. C'était sans doute un peu trop, et alors ? Elle tendit le dessin à Enora comme si elle en avait honte. En plus, cette fille n'était pas en arts plastiques, du coup elle s'extasierait sûrement devant, comme tous ceux qui sont incapables de dessiner un truc à figure humaine.

- Désolée, je sais que c'est un peu bizarre parce qu'on ne se connait pas, mais... J'ai vraiment du mal à juger, vu que c'est moi qui l'ai fait, j'ai toujours l'impression que c'est raté. Ca fait pas trop moche cet orange ? Il est un peu vif, non ?

Pendant qu'elle tendait son dessin à Summer, elle en profita pour l'étudier de plus près. Elle était plutôt jolie. Rien d'exceptionnel, mais sans doute elle avait du charisme, c'était sûrement le genre de fille dont la compagnie était appréciée. Elle n'avait pas l'air méchante, et pas si superficielle, même s'il était trop tôt pour en juger ; mais Enora ne pouvait s'empêcher d'avoir de l'aversion pour de telles personnes. Tout à fait le genre à vouloir l'aider seulement pour se sentir mieux. Non ? Peut-être pas, après tout... C'était dur à dire, il y avait quand même quelque chose qui l'intriguait...

- C'est pour quoi, le carnet ? Toi aussi tu dessines ?

Bien sûr, Enora avait eu le temps de voir qu'il ne s'agissait pas d'un carnet à dessin. Du peu qu'elle en avait vu, il y avait des écritures assez embrouillées, une mise en page... très personnelle. En fait, on aurait un peu dit les notes de son psy, à la différence que celui-ci avait la manie de dessiner des petits arbres un peu partout dans les marges... Bref, ce n'était pas en disant ça qu'elle inciterait Summer à lui répondre. Si elle avait refermé ce carnet si vivement, c'était sans doute qu'elle ne tenait pas à faire étalage de son contenu.
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Elle semblait l'avoir mise mal à l'aise. Ou peut-être était-ce juste dans son caractère d'être timide ? Ou bien le fait qu'elle connaisse son nom ? Ah... Ça devait être ça. Summer oubliait souvent que si elle connaissait la plupart des gens, ça n'était pas forcément réciproque. Du coup, Enora a du la prendre pour une espèce de stalker ou de fouine... Certes, ça n'était pas très loin de la réalité, mais au moins, elle avait le mérite d'être discrète. Et puis, elle préférait le titre de reporter. C'était déjà moins dégradant.

Pendant que la demoiselle rassemblait son courage pour lui demander ce qu'elle voulait, Summer la détailla. C'était amusant de voir que physiquement, elles étaient totalement opposées. Enora avait la peau très claire et de longs cheveux blancs très raides qui tombaient en cascade sur ses épaules. Ses vêtements sombres contrastaient avec sa figure de poupée et ses yeux rouges, bien qu'à première vu, assez surprenant, ne retiraient rien à son charme. Il n'était pas trop compliqué de deviner qu'elle sortait rarement, et que le soleil devait lui faire prendre ses jambes à son cou. La brune ignorait si c'était uniquement à cause de son albinisme ou si c'était parce qu'elle détestait réellement ça, mais elle trouvait ça dommage qu'elle ne puisse pas en profiter, elle qui adorait l'été.

- Ah, euh, bonjour Summer. Dis-moi... excuse-moi, je suis un peu gênée de te demander ça mais... j'aurais voulu te demander ton avis sur un dessin que j'ai fait...

Enora lui tendit nerveusement le dessin qu'elle tenait jusque là. Un peu surprise, la journaliste lui sourit et le prit, prenant soin de ne pas poser ses doigts sur le crayon. Elle reconnu ces espèces de carpes koi qu'on voyait dans le bassin d'en face, un dessin en noir et blanc, avec une touche orangée. Sans trop de surprise, il était bien fait. Évidemment, si ça n'avait été qu'un gribouillis informe, elle doutait fortement qu'une personne comme Enora lui demanderait son avis, à elle ou à qui que ce soit d'ailleurs. Le trait était bien, la carpe était réaliste, et de ce qu'elle en connaissait, les proportions étaient bien respectées, mais il aurait été mieux sans la pastel, en fait... Pas qu'à cause de ça, la beauté du dessin était atténuée, mais la couleur était effectivement trop vive par rapport au noir du fusain. On sentait qu'elle était plus à l'aise avec le noir et blanc qu'avec les couleurs.

Sachant pertinemment que, n'étant pas une professionnelle, elle n'était pas en position de faire une critique constructive, elle réfléchit à un moyen de lui donner son avis de manière détournée. Elle n'aimait pas spécialement critiquer les gens et encore moins leurs oeuvres, mais elle voulait un avis franc non ? En tout cas, quand sa mère lui montrait ses dessins, elle exigeait toujours plus qu'un "j'adore" ou d'un "j'aime pas", sans doute pour ça qu'elle n'avait plus l'habitude de mâcher ses mots quand on lui demandait son avis. Peut-être qu'il valait mieux mentir et s'extasier dessus comme une idiote ? Non... Ça ne servirait à rien, et c'était pas son genre. Tant pis, quitte à paraître grossière... Lui rendant son dessin, elle lui sourit.

« Je pense que l'aquarelle rendrait mieux que la pastel, mais j'imagine que se balader avec son matériel de peinture n'est pas très pratique... En tout cas, il est bien fait ! »

Lui rendant son dessin, elle lui sourit. Dit comme ça, peut-être que ça passerait mieux ?

- C'est pour quoi, le carnet ? Toi aussi tu dessines ?

Summer baissa les yeux sur son carnet, qui ne ressemblait pourtant pas à ces espèces de grands cahiers remplis de pages blanches cartonnée au format A3. Elle secoua légèrement la tête.

« C'est juste un cahier de notes. J'écris un peu n'importe quoi dedans, au cas où j'oublierai des choses... »

Ce n'était pas tout à fait un mensonge. Il y avait bien des notes, et c'était réellement pour ne pas oublier. Summer se doutait que si elle répondait au tac au tac que c'était là qu'elle résumait toutes les informations de la semaine, Enora se méfierait. Elle passait toujours pour la fille qui ferait tout pour trouver un nouveau scoop, mais elle avait bien le droit de se faire des amis non ?

Elle changea de sujet.

« C'est rare de te voir à l'extérieur... Tu avais envie de prendre l'air, ou tu cherchais de l'inspiration ? »

Les artistes avaient des devoirs personnels à faire aussi, ça incluait également les photographes, donc elle pouvait comprendre que la jeune femme aux cheveux blancs soit sortie un peu dehors pendant qu'il ne faisait pas encore très chaud.

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Enora leva un sourcil étonné lorsque Summer lui répondit. De l'aquarelle ? Comment pouvait-elle en juger ? Cette fille n'avait pas de formation en arts plastiques, à sa connaissance. D'ailleurs, il lui semblait qu'elle suivait un cursus en photographie, or Enora songeaient souvent que les photographes n'étaient que des demi-artistes, sensibles à la beauté mais incapables de la retranscrire. D'un autre côté, Summer n'était pas idiote au point de la féliciter bêtement sans être capable de lui donner une opinion. Qu'elle soit constructive ou non, c'était une autre affaire, Enora n'aimant pas du tout travailler avec du matériel de peinture, mais au moins la brune ne tombait pas dans la flatterie facile. Enora en fut à la fois satisfaite et contrariée. Elle se contenta de balbutier, les sourcils froncés :

- La peinture c'est pas trop mon truc, j'aime quand le trait est net et sec.

Elle reprit son carnet d'un geste un peu brusque, jetant un rapide coup d'œil à son croquis. Non, il n'était pas si mal. C'était vraiment la couleur qui gâchait tout. Aucune importance. Elle recommencerait. Il n'y a pas de trait porté par la chance ou la grâce divine, c'est une croyance païenne que de penser un coup de crayon inspiré. Il n'y a que le travail, acharné, et ingrat. Elle se souvint ces quelques vers de Verlaine :
Ce qu’il nous faut à nous, c’est l’étude sans trêve, / C’est l’effort inouï, le combat nonpareil, / C’est la nuit, l’âpre nuit du travail, d’où se lève / Lentement, lentement, l’Œuvre, ainsi qu’un soleil !
Elle voulut immédiatement se détacher de cette conversation pour retourner s'asseoir au bord de l'eau et dessiner les carpes, mais à ce moment-là Summer lui parla de son carnet et la curiosité la retint. Au cas où elle oublierait des choses ? Elle avait un problème de mémoire, ou quoi ? Enora ne comprenait pas ces gens qui cherchaient à tout prix à se raccrocher à des souvenirs, elle qui aurait tant voulu oublier sa vie à elle, cette vie pleine de naïveté purgée par une telle violence. A ses yeux, la mémoire n'était qu'un tombeau dans lequel s'étouffaient tous les espoirs. Elle resta un long moment silencieuse, absorbée par sa propre amertume. Puis elle revint à la conversation et à son air d'innocence :

- Ah ? Pourquoi, tu en fais quelque chose après ? Je veux dire... Ce que tu notes, c'est comme un journal intime ou ça t'inspire, après ? Comme des idées pour plus tard...

Non, vraiment, Enora avait du mal à concevoir l'utilité du carnet de Summer. Ca rendait cette fille encore plus louche. Pas besoin de prendre des notes, en photo, si ? On saisit un instant, on l'a ou on l'a pas, mais une fois que c'est passé, c'est passé... C'était du moins comme ça qu'elle voyait les choses. De l'instantané. Un déclic. Et c'est tout. Alors ce carnet, ça ne pouvait pas être des idées de mise en scène, si ? C'était forcément de l'observation, ou de la réflexion, mais pas pour son travail en tout cas. Elle passait son temps à espionner les autres ou quoi ? Si ça se trouvait, dans son carnet, il y avait quelques commentaires bien secs sur Enora. Ce ne serait pas la première... Ah, et apparemment, cette fille avait aussi repéré qu'Enora ne sortait pas beaucoup. Décidément, il fallait s'en méfier.

- L'inspiration, j'en ai pas tellement besoin...

Enora se rendit compte aussitôt que son ton paraissait un peu abrupt. Elle reprit plus doucement, avec un léger sourire qui n'avait pas grand-chose de naturel :

- Je veux dire, il y a tellement d'images à représenter... Non, simplement, je crains beaucoup le soleil, alors quand il n'y en a pas comme aujourd'hui, j'essaie d'en profiter pour me balader. Tu comprends, ma peau est fragile, et même avec de la crème je préfère ne pas prendre de risques...

Oui, enfin dans les faits, ça comptait peu par rapport à sa propre haine du soleil. Elle n'avait jamais aimé la lumière dans les yeux, ni la sensation insidieuse des rayons sur sa peau, qui chauffaient sans qu'elle s'en aperçoive jusqu'au moment où cela devenait soudain insupportable. Et puis, il lui semblait que le monde était plus beau quand les ombres étaient plus longues. Mais bon, en rejetant ça sur son albinisme, elle s'assurait qu'on la plaignait. Elle décida d'ailleurs d'en rajouter une couche :

- C'est pas souvent que j'ai l'occasion de sortir, à cette saison. En général je dois plutôt attendre l'hiver, donc je ne vois pas souvent les fleurs... C'est dommage, pourtant, quand elles éclosent, c'est le plus beau moment de l'année... Tu ne trouves pas ?

Les fleurs, et puis quoi encore ? Il ne manquait plus que les petits oiseaux... Elle ne détestait pas les fleurs non plus, mais leur éclatement de couleurs et de senteurs au printemps saturait l'air et l'horizon. Elle préférait la floraison hivernale des hellébores. Oui, en fin de compte, l'hiver n'était pas une mauvaise saison. Il y avait même les pensées, qu'elle adorait, sur la fin. Et, bien sûr, les marguerites d'automne... Ce n'étaient certes pas les plus belles, mais Enora avait toujours aimé le spectacle des chrysanthèmes fleurissant les tombeaux à la fin du mois d'octobre. Les seules à bien vouloir veiller les morts, les seules à rester auprès de vous. Mais la plupart des fleurs n'ont que de brèves floraisons égoïstes. Elles sont bien les enfants de ce monde.

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Enora lui arracha presque son dessin des mains, pas très satisfaite. Summer fronça les sourcils. C'était quoi son problème ? Elle voulait son avis, et elle lui en a donné un... Il manquerait plus qu'elle ait été trop honnête ! Si elle s'attendait à ce qu'on lui jette des fleurs, il aurait fallut demander à quelqu'un d'autres. Et puis merde, elle avait quand même dit que c'était réussi non ? C'était pas une raison pour être aussi désagréable. Elle se força quand même à sourire.

« Le trait est réussi, c'est sûr. »

Elle se retint de dire qu'il était clair qu'en coloriant avec de la pastel, elle n'aurait jamais un résultat "net et sec", mais se dit qu'il était inutile de rajouter un commentaire qui pourrait être désagréable. D'autant plus qu'elle répondit à sa question. Summer se détendit un peu et continua la conversation.

« Je les relis parfois, oui. C'est comme tes dessins, quand tu les fais, tu les laisses pas prendre la poussière, tu les regardes de temps en temps pour te souvenir ou trouver l'inspiration. Pour mes notes, c'est pareil ! »

A vrai dire, elle n'avait systématiquement besoin de les noter. C'était juste une habitude qu'elle avait gardée depuis longtemps et une tendance à se stresser de peur d'oublier ne serait-ce qu'un détail. Bien que la plupart des informations restent dans sa tête, ce carnet lui permettait de s'organiser et honnêtement, elle ne sait pas très bien si elle arriverait à écrire un article décent sans l'ouvrir de temps en temps. Sûrement, elle finirait bien par aboutir à quelque chose, mais ça prendrait plus de temps et ça serait perturbant.

Par ailleurs, la photographe ne croyait pas un seul instant que le demoiselle n'avait pas besoin d'inspiration. Sa propre mère avait emménagé à Hawaï justement pour trouver l'inspiration. Que ça soit pour un artiste ou un journaliste, sans inspiration, le résultat est creux. Du moins, c'était sa vision de la chose. Enora avait tout à fait le droit de penser qu'elle n'avait pas besoin d'inspiration !

Summer regretta même qu'elle ne puisse pas sortir plus souvent à cause de sa maladie. Elle avait raison, l'éclosion des fleurs était l'un des plus beaux moments de l'année. Le moi de Mai lui faisait d'ailleurs penser qu'elle avait manquer à nouveau le Lei Day.

« Si, c'est vrai... »

Elle marqua une pause, puis reprit.

« Je ne pense pas que tu aies l'occasion de voir ça un jour, mais à Hawaï, on célèbre ça le jour du premier Mai. Les habitants portent tous un lei autour du coup, ou parfois les femmes mettent des fleurs dans leur cheveux. C'est un évènement très convivial et ça m'attriste de rater cette fête pour la... septième fois consécutive. »

Elle soupira. Bien qu'elle allait sur son île pendant les grandes vacances, elle ne pouvait pas se permettre de faire des allers-retours pour chaque célébration. Pas assez d'argent, ni de temps.

« J'imagine que je pourrai faire ça ici, mais j'aurai l'air ridicule ! »

Elle pouffa en s'imaginant au milieu d'un amphithéâtre avec un lei autour du cou. Sa réputation en prendrait un coup et c'est sur elle qu'elle devra rédiger son prochain article...

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Enora écoutait désormais Summer d'une oreille distraite. Elle avait eu la réponse qu'elle voulait à propos de son dessin, et ne tenait pas particulièrement à prolonger la conversation maintenant. Elle trouvait que la jeune fille s'exprimait avec trop de légèreté, comme si ses mots étaient parfaitement interchangeables. Elle se trompait peut-être, mais quoi qu'il en soit, ça ne l'intéressait pas. Elle hésita. Le plus simple était de directement tourner les talons. Ce serait impoli, mais elle n'en avait pas grand-chose à faire. Seulement, elle se demanda si c'était le genre d'événements que Summer notait dans son carnet. "Aujourd'hui, j'ai parlé avec Enora, elle m'a tourné le dos et s'est cassée en plein milieu de la conversation. Cette fille est vraiment bizarre et asociale." De plus, Enora était certaine que c'était tout à fait le genre de fille à faire circuler des rumeurs. Est-ce qu'elle avait envie de ce genre de réputation ? Cela méritait réflexion. Tout dépendait de comment cela était dit...
Et la réponse de Summer concernant ses notes n'était en rien satisfaisante. Cela ne lui révélait rien du contenu du carnet, et si ça se trouve elle était totalement à côté de la plaque, elle écrivait seulement des idées pour des nouvelles, ou de la poésie... Après tout, elle avait bien parlé d'inspiration. En quoi une fouine avait-elle besoin d'inspiration ? Enora s'était peut-être tout simplement fait des idées. Et à ce stade-là, ça ne coûtait plus rien de demander. Summer l'avait de toute manière déjà engagée dans une conversation indésirable.

- Ah, je vois... Tu écris ? Je veux dire, tu essaies d'écrire un livre ?

Elle se figurait mal la jeune fille en romancière, mais après tout, les apparences sont parfois trompeuses - pas dans son propre cas, certes, mais c'était par choix. Summer lui semblait trop étourdie, pas assez posée, mais après tout elle n'avait aucune preuve pour étayer cette intuition. C'était juste l'idée qu'elle se faisait de tous les gens qui aiment rire et courir. Mais elle aussi riait, parfois. Peu de choses arrivaient à lui arracher un sourire sincère, mais elle avait quand même ses moments.
Ah, et voilà que Summer commençait à lui raconter sa vie. Décidément, ça devenait vraiment agaçant. Enora ne parvenait pas à s'expliquer pourquoi cette fille l'énervait autant. Bien que n'étant pas particulièrement friande de contact humain et vite agacée par ce qui relève de l'anecdotique, elle était généralement plus tolérante que cela. Ce n'était pas le monstre asocial que l'on peignait parfois. Peut-être était-ce simplement un mauvais jour, le fait de se trouver dans un cadre peu familier - l'extérieur - peut-être seulement un pressentiment d'incompatibilité. Mais il faut dire, honnêtement, qu'est-ce qu'elle pouvait en avoir à foutre des cérémonies hawaïennes ? Elle avait une gueule de vahiné peut-être ? Enora n'avait pas pensé que parler de fleurs porterait autant à conséquence. Bon, d'un autre côté, c'était elle qui avait initié cette conversation, même sans le vouloir. Peut-être que si elle faisait un effort, elle serait capable de mieux apprécier Summer. Elle n'était vraiment pas méchante après tout.
Elle se prit aussi à imaginer Summer en tenue de cérémonie, et l'image la fit sourire. Pour essayer de réchauffer l'ambiance, elle décida d'exagérer ce sourire en gloussement, et hocha la tête d'un air amusé.

- Oui, en effet, je pense que ce serait assez cocasse comme spectacle. Et amusant à dessiner.

Cette dernière affirmation l'étonna elle-même. Ce n'était pas du tout son genre d'esquisser des spectacles de ce genre, et elle détestait tout particulièrement représenter des formes humaines. Peut-être qu'elle pourrait réinterpréter la scène à sa façon... Ca ferait surement prendre à l'hawaïenne ses jambes à son cou ! Elle pouffa en pensant à ce qu'elle pourrait représenter, au changement radical d'ambiance qu'elle insufflerait.
Elle laissa passer un moment silencieux. Peut-être que la politesse l'incitait à répondre à son tour avec une anecdote personnelle. Politesse, anecdote, personnelle. Trois mots dont elle avait horreur. Mais un souvenir lui revint en mémoire, qu'elle eut tout de même envie d'évoquer.

- Moi, ce qui me manque, ce sont les mince pies qu'on mange à Noël. En Angleterre, je veux dire. Je trouve ça excellent, mais ça fait des années que je n'en ai plus mangé. C'est un peu de ma faute, j'imagine, ma mère en fait pourtant - mais bon, elle est plutôt moyenne comme cuisinière.

Enora fronça les sourcils. Pourquoi en était-elle venue à parler de sa mère ? Cela l'énervait, elle se sentait vraiment embarrassée maintenant. Elle n'avait vraiment pas envie de parler de sa famille. De quoi que ce soit qui ait à voir avec ses anciens proches. Elle n'en avait plus grand-chose à faire, maintenant, elle voulait juste nier leur existence. Ses parents lui avaient donné naissance - c'était peut-être un tort - et il n'y avait rien d'autre à en dire. Tout le reste était soit ennuyeux, soit douloureux. Elle ne pouvait pas laisser cette porte ouverte.

- Mais bon, c'était il y a longtemps.

Sont ton avait été, espérait-elle, suffisamment sec pour décourager toute reprise du sujet. Mais il ne manquait plus que Summer soit du genre à vouloir savoir ce qu'elle cachait... Peut-être était-ce plus maladroit qu'autre chose, maintenant si Summer s'engageait sur cette voie, elle ne pourrait plus éluder la question l'air de rien.

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Ecrire un livre ? Non, Summer n'y avait jamais pensé. Elle aimait simplement retranscrire des faits de la réalité par écrit, en les embellissant parfois, ou au contraire, en les dégradant. Tout dépendait d'elle après tout. Mais écrire un roman était autre chose, ça demandait plus de temps, d'imagination et d'originalité... La journaliste préférait largement se délecter d’œuvres plutôt que d'essayer d'en rédiger, c'était plus sûr !

« Ah non, je préfère lire le travail des autres, c'est plus intéressant... »

Elle sourit quand Enora s'imagine le spectacle. Qui aurait cru qu'elle avait de l'humour ? La gothique semblait plutôt du genre à garder un visage impassible à la moindre plaisanterie. Pas que son sourire soit désagréable à regarder, au contraire, mais ça paraissait tellement inhabituel.

Un petit silence s'installa, pendant lequel Summer se contenta de fixer les motifs de son carnet. L'ambiance était étrange. Elle l'était déjà un peu depuis le début, mais là, ça empirait. Elle hésitait entre partir ou rester jusqu'à ce que la demoiselle trouve quelque chose à dire. Tout bien réfléchi, elles n'étaient pas tout à fait faites pour s'entendre à merveille. Sans doute qu'elles ne se reparleraient plus jamais après cette entrevue.

Elle était sur le point de trouver un prétexte pour partir lorsqu'Enora prit la parole. Surprise, elle se tut, l'écoutant parler de ce qui lui manquait. Elle avait entendu parler des "mincepies", mais n'en n'avait jamais goûté personnellement. Quelque part, Summer se sentait presque flattée que l'albinos se soit un peu confiée à elle. Ce sentiment de satisfaction s'en alla très vite suite au ton un peu sec qu'elle prit pour couper court à sa propre parole.


« Je vois...  »


Sentant qu'il valait mieux ne pas insister là-dessus, la photographe se leva. Il n'y avait plus grand chose à dire, elle ne tenait pas vraiment à raconter sa vie à quelqu'un qu'elle connaissait à peine, et sentait que c'était réciproque. On ne peut pas plaire à tout le monde !

« Bon, Enora, je vais te laisser, j'ai un rendez-vous dans dix minutes...  »

Ce qui était vrai, un élève à interviewer, encore.


« Ravie d'avoir pu parler un peu avec toi. A la prochaine !  »

Elle lui fit au revoir de la main et se dirigea vers le lieu de rendez-vous, un peu déçue de cette rencontre, mais pas assez pour catégoriser Enora comme une personne non fréquentable.




Spoiler:
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Enora sentait que le malaise montait entre elle et la jeune fille. Elle n'était pas très sûre d'avoir envie de continuer sur cette voix. Lorsque Summer lui confia qu'elle aimait lire, elle se contenta d'acquiescer, pensive, plutôt que de lui dire que c'était une passion qu'elle partageait. Elle aurait aimé, sans doute, lui parler des auteurs qu'elle affectionnait. Il y en avait beaucoup. Mais elle savait bien qu'au final, elle et Summer n'auraient sans doute pas les mêmes goûts, et ça ne serait pas un drame. Ca se voyait bien qu'elles étaient incompatibles, non ? Summer n'était pas prête à entrer dans le jeu d'Enora, et cela l'agaçait, plus encore que si elle l'avait fait. Bien sûr qu'elle se serait montré désagréable avec elle, si elle avait cherché à l'aider, à la plaindre, mais au moins elles auraient pu communiquer ensemble, sur le mal-être d'Enora. Un tableau artificiel qu'elle lui aurait peint, loin de la réalité de ses démons, mais elle aurait eu son attention, n'est-ce pas ? Cela ne marcherait pas. Summer se vexait peut-être trop facilement, ou bien elle voyait clair dans son jeu, ou encore il se pouvait qu'elle n'en ait sincèrement rien à foutre. Quoi qu'il en soit, ça ne mènerait nulle part.
Aussi Enora fut-elle soulagée lorsque Summer lui annonça son départ. Soulagée, et agacée tout de même, car elle aurait voulu se réserver le luxe de décider de la fin de l'échange. Ceci dit, c'était elle, par son attitude, qui l'avait provoquée, sans doute, alors cela revenait au même. Cela était même encore plus fin. Enora ne put réprimer un sourire. Il disparu vite alors qu'elle cherchait quelque chose à répondre. Elle n'avait plus besoin d'être sèche, mais ce n'était pas une raison pour être sympathique pour autant. Cet échange, il ne fallait pas se leurrer, n'avait été un plaisir pour personne. En fait, ça avait relevé du calvaire pour Enora, comme bien souvent lorsqu'elle s'adressait à une personne ayant un minimum de confiance en elle. Ces gens-là qui se croient tout permis, ou bien qui ne lui croient rien permis, juste parce qu'elle est peu sociable. La méchanceté devrait être un droit, non ? Et encore, elle n'en avait pas abusé... Elle avait juste fait comprendre ce dont elle n'avait pas envie de parler. A quoi cela sert-il, de discuter avec quelqu'un, s'il risque à tout moment d'empiéter sur votre territoire émotionnel ? Mieux vaut mettre les points sur les i dès le début. Aussi, ne sachant quel commentaire donner en réponse à Summer, elle se contenta d'un bref :

- Tant mieux.

Les mots pouvaient paraître abrupt, mais le ton ne l'était pas. Il s'agissait juste d'une constatation. Il ne servait à rien de poursuivre, les deux filles étaient extrêmement mal à l'aise, et elles n'avaient rien à se dire. Elle savait que Summer comprendrait le sens de cette réponse - et si ce n'était pas le cas, après tout, qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Elle n'appréciait pas cette fille, de toute façon.
Elle ramassa ses affaires, arracha à son carnet le dessin qu'elle avait fait des carpes et, après un dernier coup d'œil à son croquis, le froissa et le jeta par terre. Elle leva les yeux vers le ciel et constata que le soleil commençait à se montrer à travers son écharpe de nuages. Oui, cela tombait vraiment bien.

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