▬ Oh regarde, tu étais tellement mignon que tu étais un bébé à peine né mon chéri !
▬ Maman, j'avais l'air d'un lardon périmé, j'étais pas mignon... soupira le jeune homme, excédé par les remarques de sa mère-poule.
▬ Mais non, mais non ! Et puis né un jour de tempête, ça aurait pu être pire, on aurait pu s'envoler vers d'autres cieux toi et moi !
▬ On est pas la Team Rocket, maman. Et puis c'est bon, t'exagères, Papa me dit toujours que c'était un peu de vent et de la pluie, normal en octobre.

Song Wei continuait de regarder l'album photo de ses premières années avec sa mère, qui adorait rabâcher toujours les mêmes histoires, surtout quand ses copines de bridge étaient là. Il allait finir par réciter son pedigree par coeur à force : né le 2 octobre dans la Grand Pomme par un jour de tempête - même s'il ne saurait jamais le fin mot de l'histoire, - après huit heures de travail de la part de sa mère "parce que tu étais bien au chaud et que j'étais confortable !" et à chaque fois qu'elle le disait, il devait se retenir de se taper la tête contre un mur.

La femme tourna la page et le sourire de Song revint rapidement en voyant deux nouveaux lardons sur une photographie. Jiang et lui à la crèche, déjà ensemble parce que leurs mères se connaissaient et s'étaient passé le mot pour les coller tous les deux dans le même établissement. Il trottait à quatre pattes après le copain qu'il s'était fait avec un hochet, apparemment se bidonnant aux éclats vu la tête qu'il avait sur la photo. Cette expression n'avait pas beaucoup changé, en une vingtaine d'année, mine de rien. Toujours ce même sourire d'abruti heureux.

Sur le cliché d'après, les deux familles réunies, les Chen et les Yang, en train de célébrer un quelconque événement. Sûrement la réussite d'un mariage, se dit Song. Son père était organisateur de mariages depuis bien avant la naissance de son fils et puisqu'ils habitaient à Chinatown, la clientèle était majoritairement chinoise. Alors les parents restaurateurs de Jiang Li et ceux de Song s'associaient très souvent et se retrouvaient après un mariage bien ficelé, pour arroser le tout. Et les deux loupiots jouaient ensemble, fatalement.

Ils avaient grandis ensemble tous les deux, et dès qu'il fut en âge de se proclamer comme tel, Song Wei se fit protecteur officiel de Jiang. Tout ça parce qu'à chaque fois qu'ils étaient tous les deux, il se prenait déjà la tête avec les autres gamins du voisinage et ça retombait souvent sur son pauvre ami. Encore la morve au nez et Song se faisait déjà des ennemis…

Quand sa mère tourna la page et éclata de rire, le jeune homme grogna aux cinq photos qui se trouvaient sur la page. Si elles étaient là, c'était la faute de son abrutie de soeur, parce que c'était elle qui avait attiré Jiang Li vers la gymnastique quand ils étaient petits. Ou plutôt la faute de Song, qui avait invité son ami à une représentation de sa soeur et celui-ci avait été fasciné, mais le héros de l'histoire était de mauvaise foi alors il a toujours mis ça sur le dos de sa soeur. Et là, ils apparaissaient en jolie tenue, un justaucorps noir et blanc. Il avait testé pour la forme mais non, rien n'y faisait, tout dans ce sport n'était pas fait pour lui, trop dans la grâce et la retenue. C'était peut-être beau, mais chez les autres. Alors il avait rapidement abandonné Jiang à ses cabrioles pour se tourner vers plus brutal, un sport qui lui permettrait d'extérioriser toutes ses humeurs : le kung fu.

▬ Heureusement que tu respectes les principes du kung-fu, hein ?
▬ Bah ouais, je m'en sers que pour me défendre. C'est comme la politesse, vous m'avez appris à dire merci, bonjour, au revoir,  je respecte ça ! répliqua-t-il avec un grand sourire.

Oui, Song respectait le principe du "c'est seulement pour la défense", mais ça ne l'empêchait pas de commencer une bagarre avec un "simple" poing sans aucune technique. À cause de ça, il s'était fait renvoyé deux fois de deux écoles et une fois de l'université… De toute façon, son enfance s'était passé essentiellement dans le bureau des directeurs, professeurs et autres conseils de discipline parce que le gamin était turbulent, répondait vulgairement et séchait les cours.

Sur la même image, plus grande qu'eux, il y avait sa soeur. Depuis qu'ils étaient petits, ils se prenaient la tête sans cesse, pour absolument rien. Elle avait même fini par demander à aller en internat pour ne plus supporter son petit frère. Il fallait dire que les deux avaient un caractère explosif et les parents des deux enfants terribles s'étaient même demandé si ce n'était pas de la jalousie de la part de la jeune femme, comme cela pouvait arriver parfois. Et les deux ne s'étaient jamais rendu la vie facile, l'un en étêtant les poupées de l'autre et l'autre en faisant accuser l'un de toutes les bêtises qu'elle faisait. Même avec l'éloignement de l'internat, rien n'y avait fait, même encore à ce jour. Ils se prenaient la tête dès qu'ils s'accrochaient du regard. Et elle était devenue horrible aux yeux de Song Wei. Il avait beau avoir une grande gueule, il appréciait difficilement les personnes comme lui et elle... Elle parlait fort. Elle rigolait fort. Elle baignait dans le parfum, avait des manières, se peinturlurait la face comme si elle allait faire le trottoir... À chaque fois qu'il lui disait qu'elle était carrément plus jolie avant, avec un peu de khôl sous les yeux et c'était tout, elle l'envoyait chier alors à quoi bon ? Tout ça pour agrandir son tableau de conquêtes...

Son téléphone vibra un bref instant, détachant son attention de l'album et Song regarda la notification qu'il avait reçu. Son écran de verrouillage le fit sourire comme un imbécile en se disant que Jiang avait bien changé, en si peu de temps. Depuis qu'il était revenu de Floride, il avait fait un total 180°, physiquement et mentalement et Song l'adorait encore plus comme ça. C'était Jiang d'ailleurs, qui venait de lui envoyer un SMS, pour savoir s'il l'accompagnait toujours à Volfoni. Evidemment qu'il irait avec lui, pas la peine de poser la question. De toute façon il s'était fait viré de l'université il y avait peu de temps...

Depuis que Jiang était revenu, ils s'en étaient dit des choses. Ils avaient fini par se consoler différemment d'avant. Plus tendrement. Consoler le coeur et l'esprit par la chair, quelle méthode brillante... Mais ça ne se serait jamais passé comme ça si son ami n'avait pas changé physiquement au moins. Song Wei le préférait largement comme ça, parce que désormais, il ressemblait à un vrai mec. Le jeune homme était gay et il le savait depuis un bout de temps, sauf que les efféminés, il n'aimait pas beaucoup ça. Même pas du tout, parce que s'il aimait les hommes, c'était justement pour leur côté masculin.

Il se dirigea dans sa chambre, laissant sa mère a ses souvenirs en papier et attrapa son ordinateur. Lui aussi s'était senti nostalgique tout d'un coup et il eut envie de voir ses propres photos avec ses potes. Ceux qu'il avait réussi à conserver sans trop se prendre littéralement la tête avec eux bien sûr. Etrangement, sa bande de copains était un patchwork d'horizons différents, des gars aux intérêts divers et qui s'étaient regroupés parce qu'ils se sentaient bien ensemble. Et ils étaient deux sur la dizaine à s'être fait virer de différentes écoles.

Song passa un premier album "Amis" à la flèche droite, s'arrêtant seulement pour se marrer comme un abruti quand ils faisaient les imbéciles sur un terrain de basket ou au skatepark. C'était là-bas d'ailleurs qu'il avait ramassé sa cicatrice au flanc, en faisant du BMX. L'année de ses seize ans, le gamin avait voulu faire le fier-à-bras sur une rampe et avait fini sur une bouteille de verre éclatée, pas loin de la barre de fer. Une fois de plus ses parents l'avaient amené à l'hôpital, sa mère se faisant un sang d'encre et son père grognant qu'il devrait être plus prudent la prochaine fois mais soulagé, au fond, que ça ne soit pas une bagarre.

C'était à cause de petites bastons répétitives que Song s'était fait exclure de sa seconde école - la raison de la première exclusion était une accumulation de réponses colorées à ses professeurs. Deux fois à la high school, deux années consécutives, il avait du se trouver un nouvel établissement en urgence, parce que mine de rien, il voulait étudier. C'était sûrement pour ça que ses parents le soutenaient, après lui avoir passer des savon : parce qu'il espérait quand même arriver à quelque chose dans la vie, malgré la mauvaise volonté qu'il y mettait. "C'est pas ma faute si les gens me font chier et que je leur réponds !" qu'il disait souvent. Ses parents et Jiang, les trois grands piliers humains de sa petite vie qui débutait à peine.

Quant aux piliers "matériels et conceptuels", Song comptait beaucoup sur le kung fu, autant pour se vider l'esprit que pour se ressourcer pendant les périodes de méditation un peu spéciales que dispensait son club. Il aimait tellement ce sport qu'il avait participé à quelques compétitions. Quelques seulement parce qu'il ne supportait pas l'idée de perdre, alors il s'était vite fait une raison. Le pratiquer simplement avec ses camarades de cours, c'était très bien. Et puis il y avait la musique, celle qui bougeait, qui était violente sans pour autant être du vomi vocal. Toujours pareil, ça canalisait ses émotions. Il n'avait jamais essayé de faire d'un instrument parce la patience n'était pas son fort mais il appréciait quand quelques uns de ses copains jouaient ensemble, il tapait du pied en rythme en souriant comme un benêt.

Un bruit venant de son ordinateur fit sursauter Song, qui ouvrit les yeux brusquement, regardant le mail qui venait d'apparaître. Un prospectus électronique pour une nouvelle expo au MET sur des antiquités . C'était sa mère qui l'avait ouvert à ce monde de toile, d'huile et d'argile, quand il était petit. Même s'il était déjà turbulent, l'atmosphère des musées avait réussi à lui faire ferme sa petite bouche, sûrement parce qu'on lui avait dit que si les gens parlaient trop, les squelettes de dinosaures se réveilleraient et les mangeraient tous. Depuis, il avait grandi et n'y croyait plus, mais c'était bien le seul endroit où il se tenait tranquille sans faire trop de vague. Et il avait toujours y emmener Jiang, même s'ils glandouillaient souvent devant un seul tableau, à parler de n'importe quoi. Les miracles existaient bien...

Avant de s'endormir comme une grosse larve, Song se leva et commença à préparer sa valise. Il s'était déjà trouvé un petit bouiboui où crécher, pas trop cher si on considérait le cours de l'immobilier en Floride, le temps qu'il prépare son dossier pour Volfoni et que Jiang se remette de ses émotions. Mais ça, son meilleur ami ne le savait pas, c'était la surprise du chef.

Spontané Song parle et cogne, puis il réfléchit. Sauf dans les cas où il sait qu'il doit réfléchir avant d'agir.

Franc S'il a quelque chose à dire, il ne tournera pas cent ans autour du pot et vous dira directement ce qu'il pense, que ce soit positif ou négatif. S'il vous aime bien ou vous trouve mignon(ne mais c'est rare), il vous le dira une "petite" (entendez assez violente) tape amicale.

Brute Peu importe qu'il s'agisse d'un geste agressif ou affectueux, il ne fait pas dans la dentelle. La tendresse, il en a bien un peu mais il la garde en réserve pour la bonne personne.

Colérique + Susceptible En plus de mal prendre la critique, Song Wei s'énerve pour pas grand chose. Il n'arrive pas à faire ses devoirs ? Il envoie les cahiers à terre dans un ballet de papier et de jurons. Il s'est cogné le petit doigt de pied dans un meuble ? Il va frapper le meuble et se faire encore plus mal. Oh wait... Beaucoup de gens font ça, grogner sur le meuble comme s'il était responsable.

Loyal S'il vous compte parmi ses amis, alors tant mieux, parce que malgré ses défauts, il tient à eux et jouerait des coudes dans une file d'attente pour vous faire passer en VIP devant tout le monde. Ou se prendrait un pain dans la figure à votre place, à voir. Il fait au cas par cas. Mais il vous laissera pas tomber, c'est sûr.

Hyperactif Pas dans le sens médical du terme mais plutôt parce que Song cherche toujours quelque chose à faire, même s'il doit passer l'aspirateur en faisant la cuisine. Même marcher dehors avec de la musique dans les oreilles, ça lui va.

Jovial Malgré sa tendance à s'énerver très vite, Song Wei fait rarement la gueule et sourit comme un imbécile presque H24. Les rares choses qui lui mettent le moral dans les chaussettes, c'est quand il n'a plus rien dans son frigo ou quand son entraînement de kung fu a été annulé à la dernière minute. Ou qu'il est en bad trip quand il a un gros coup dans le nez...

On pourrait dire de Song qu'il est grand, beau, fort et qu'il pourrait être un éphèbe, sauf que ce n'est pas aussi poussé, faut pas abuser hein. Il est grand, certes, puisqu'il fait près d'1m80 mais ça reste dans la moyenne américaine. (Aucune remarque sur les petits chinois, je vous entends déjà.) Il est plutôt physiquement intelligent avec ses cheveux noirs de jais et ses yeux en amande, bleus la plupart du temps. Par contre, ne vous faites pas avoir, ce sont des lentilles, parce qu'il trouve ses yeux très bizarres, puisqu'ils sont touchés d'hétérochromie centrale : marrons près de l'iris et ça part vers le vert à mesure qu'on s'approche de l'extérieur. Et puis son sourire colgate d'abruti a son charme aussi, donc quand il fait la gueule, ça se voit de suite. Il a bien un air cute de temps en temps, mais le plus souvent il a une bouille d'imbécile. Jusqu'à ce qu'il s'énerve, évidemment.

C'est loin d'être une crevette également, parce qu'il s'entretient en faisant un peu de musculation, à côté du kung fu. Quant à savoir s'il est fort avec ses petits biscotos finement dessinés et ses épaules carrées, venez vous prendre des claques et vous saurez. Il a quelques cicatrices sur la peau aussi, dont une assez grosse sur le flanc à cause d'une chute en vélo... Qu'il fait passer pour le résultat d'une baston. Qu'il est chou. Mais il en a quand même deux trois qui ont été faites parce qu'il se battait, sur les bras ou les jambes.

Et puis si on devait décrire son style vestimentaire, eh bien... Ce serait impossible. Bien sûr il a une préférence pour des vêtements amples qui lui permettent de bouger comme il veut, mais il met aussi des jeans, des chemises, des vestes en cuir... Bref, il n'a pas de style bien à lui.