Forgive me for staring || Sooleawa Capps

Un peu de noir sur les yeux. Un peu de rouge sur les lèvres. Un peu de poudre sur le nez et les pommettes. Glissant une lèvre contre l’autre, elle s’observa dans le miroir. Pas de coulure. Pas de tache. Pas d’erreur. Basculant la tête en avant, elle secoua ses cheveux ondulés et se redressa d’un seul coup. Quelques remises en place de cheveux. Elle remarqua l’éclat un peu vitreux de ses yeux mais ne pouvait rien y faire. Elle remit d’un même coup son bustier noir et son soutien-gorge en place. Elle tira sur le haut de ses cuissardes, vérifia l’état de son short en jean et de ses collants noirs. Nickel.

En sortant de la salle de bain, elle fut à nouveau surprise par la chaleur. La musique pulsait par les enceintes, et le peu d’air frais qui rentrait sentait la cigarette. Jetant un regard autour d’elle, Azylis ne revit pas la tête brune qu’elle cherchait. Arborant un petit sourire en coin, elle se perdit au milieu des danseurs et ondula à son tour, rigolant avec un ami, improvisant une chorégraphie avec la suivante. Peu importait après tout, non ? L'alcool coulait dans son sang. Elle avait l'impression d'être la reine du monde alors que ses gestes n'étaient surement pas aussi précis que prévu.

Ayant besoin d’une nuée d’air frais, elle se fraya un chemin jusqu’à la fenêtre ouverte. Là, elle fit un sourire au gars qui fumait sa clope, qui lui en tendit presque aussitôt une. Elle déclina l’offre, mais se pencha par la fenêtre et ferma les yeux, laissant la brise fraiche caresser son visage et soulager sa nausée. Elle se retourna, pour voir la précédente tête brune entrer dans la cuisine. Parfait. Elle lui emboita aussitôt le pas. Personne d’autre. C’était désespérément parfait. Le plus silencieusement possible, elle se posa dans l’embrasure de la porte, l’épaule appuyée contre le chambranle, la main posée sur la hanche basculée sur le côté. Un petit sourire en coin étira ses lèvres tandis qu’elle parcourut son interlocutrice du regard, savourant ce qu’elle pouvait en voir. « Je ne savais pas que tu étais invitée. » Souffla-t-elle simplement, alors que la brunette avait encore le dos tourné.

Elle ne se retourne pas tout de suite, et Azylis en profite pour la détailler. Elle ne peut que deviner les courbes, dont ses souvenirs sont encore vifs, dissimulées derrière cette jupe qui semble frôler sa peau. Elle caresse du regard ses hanches, sa taille, ses cheveux négligemment remontés en chignon. Et elle ne peut s’empêcher un sourire en le voyant aussi brouillon, aussi sauvage. Parce que Sooleawa n’est pas vraiment le genre de femmes à s’acharner durant des heures à faire tenir la moindre mèche de cheveux dans un chignon tiré à quatre épingles. Et ça la fait sourire. Parce qu’elle lui a toujours envié cette fraicheur que Soo semble posséder si naturellement.

Finalement, la native se tourne vers elle, et souris aussitôt en prononçant son nom. Et son sourire grandit un peu plus. Parce que malgré tout ce qui a pu se passer, malgré qu’elle ne soit plus à elle, elle garde pour son ex une affection certaine. Et elle ne peut s’empêcher de ressentir un certain amusement à remarquer la tache sur son chemisier. Parce que c’est Soo. Juste parce que c’est elle. « Je savais pas que t'étais là non plus ! What's up ? » Qu’elle demande alors en souriant toujours. Il y a un certain malaise entre elles. Mais qui ne parvient tout de même pas à gâcher la sorte de tendresse qu’elle a conservée envers Soo.

« Hmm… Je ne suis pas certaine d’être en état de te donner beaucoup de détails, actuellement. » Sa phrase est cohérente, miracle. Malgré tout, elle hésite à se détacher du chambranle de la porte, qui lui apporte toute sa stabilité. Alors elle la regarde jouer avec une mèche de ses cheveux, ce qu’elle suppose être un signe de gêne. Et elle profite de cet instant où elle ne la regarde pas pour s’approcher, et s’adosser contre le comptoir de la cuisine – son nouveau pilier. A présent séparées de quelques dizaines de centimètres, Azylis la détaille un peu plus, une lueur au fond du regard. « Et toi ? Du nouveau ? A part ton penchant pour combattre des briques de multifruit. » Qu'elle termine, un petit air moqueur.

Forgive me for staring

Elle sourit, et Azylis ne peut pas la quitter des yeux. Peut-être parce qu’elle ne la hait pas. Peut-être parce qu’il n’y a pas eu de rupture nette. Comment le savoir ? En revanche, elle ne put s’empêcher de remarquer qu’elle baissait les yeux et semblait éviter de la regarder trop longtemps. Intéressant. Elle lève les yeux au ciel, et Azylis sourit. Elle est tellement mignonne. En réalité, Azylis n’écoute qu’à moitié ce qu’elle lui répond. Parce qu’elle est incapable de se concentrer sur deux choses à la fois en l’état. Et qu’elle n’est en rien focalisée sur ce que Sooleawa est en train de lui expliquer. Oh non. Il y a bien plus intéressant à observer.

Elle est fascinée par son visage, et par le fait qu’elle la regarde sans vraiment l’oser, cachée derrière ses cils – comme si cela allait dissimuler un quelconque intérêt. Souriante, Azylis se décolla du comptoir et tendit la main pour récupérer le verre des mains de son ex, et d’un sourire, le tourna pour boire un peu, les lèvres sur la trace des siennes. Puis elle le repose derrière elle, sur le comptoir. Et elle sourit de nouveau, le regard un peu vague. « Hmm… Tu parles trop. » Puis elle se penche un peu en avant, tenant miraculeusement bien sur ses talons hauts. « J’ai du mal à rester concentrer sur ce que tu dis… plutôt que sur tes lèvres. »

Puis elle fronce les sourcils. Elle a vraiment dit ça ? Elle ne peut s’empêcher de rire aussitôt, parce que ça ne lui ressemble tellement pas. Distraitement, elle laisse courir l’index sur la joue de Sooleawa, avant d’en dessiner la mâchoire du bout des doigts. « Est-ce que ça te plairait de me servir de modèle ? Tu pourrais devenir ce que tu veux… On ne l’a jamais fait. » Puis elle s’approche d’un pas, la seconde main encore sur le comptoir par sécurité. « Qu’est-ce que tu voudrais devenir, Soo ? » Hmmm. Alcool et question existentielle. Le combo attendu.

Forgive me for staring

Elle rit, et aussitôt Azylis esquisse un sourire à son tour. Parce qu’elle aime toujours autant la voir sourire. Puis Azy secoue doucement la tête, avant de lâcher un gloussement – chose qu’elle ne ferait pas en temps normal. « Je ne vais pas tomber. Je suis née avec des talons. » Ce qui était peut-être une exagération, mais pas si éloignée que ça de la vérité.

Et ouais. Okay. Azylis est d’accord, sa phrase était aussi pourrie que celles des dragueurs à deux sous qui te sifflent dans la rue puis crient une grossièreté. Comme si ça allait leur permettre de marquer des points. Et elle passe aussitôt une main dans ses cheveux, en se mordillant la lèvre inférieure. « Je crois que… je suis juste un peu embrou.. emburmée… embrumée ! » Elle secoue la tête, puis rit. « Il est dur à dire ce mot. » Ou simplement la fonction ‘language’ de son cerveau est un peu trop alcoolisée. Ce qui est plus probable.

Azylis regarde alors sa main, reposée sur le comptoir. Hmm. Elle reste même bloquée une bonne dizaine de secondes dessus. Le temps qu’elle comprenne que oui, c’était un refus. Puis finalement, la belle aux cheveux gris débloque à 'robe de princesse'. Et elle sourit aussitôt en coin. « Faudra qu’on se voit pour que je prenne tes mesures, alors… » oh oui. Puis prendre les mesures, ça se fait pas tout habillé. C’est bien connu. « Je pourrais même faire de toi une elfe. Ou une nymphe. Ca ne te tenterait pas d’être une fée ? Peut-être une princesses guerrière, non ? » Et là, la partie 'fantasme' de son cerveau n'a rien d'alcoolisé ou de ralenti. Du tout.