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▷Introduction : Naissance heureuse.
Trente-et-un octobre, la nuit des morts. Pourtant, c'est bien une vivante qui, cette nuit-là, a fait son entrée dans ce monde obscur et difficile, et ce dans la jolie contrée qu'est l'Italie.
Caleigh Vittore Febo Da Fozca. Joli bambin aux cheveux déjà bien visibles d'un noir de jais et aux paupières encore closes qui révéleront plus tard des iris aux tons bleus qui rappellent le ciel estival. Cette petiote a fait le bonheur d'un couple, leur octroyant un troisième enfant, qui serait, l'espérèrent-ils, adorable. Une fillette qui jouerait paisiblement avec sa grande sœur à la poupée, et qui se ferait doucement embêter par son grand frère. Une enfant qui écouterait au doigt et à l'oeil ses parents, qui suivrait sans discuter le chemin qu'ils lui avaient déjà tracé, et qui deviendrait une fort sage et belle personne.
Caleigh s'est toujours vantée d'être née le soir d'Halloween.
▷Chapitre Premier : Enfance tourmentée.
Caleigh semblait bien partie pour entrer dans une enfance agitée. Déjà toute petite, elle multipliait les âneries. Renverser toutes sortes de vases précieux, dessiner sur les tableaux ancestraux, renverser sa nourriture sur le sol pour diverses raisons … Elle refusait aussi de faire la sieste, et n'hésitait par à répondre à ses parents. Une gamine qui ne pouvait s'empêcher de bouger, qui devait bouger. Elle respectait grandement sa sœur aînée, Vitalis, l'admirait même. Elle avait su dire non au projet de leurs parents, avait su s'imposer. Elle jouait souvent avec elle, et malgré les disputes, tenait beaucoup à sa sœur, même si elle ne l'aurait jamais avoué, quand bien même serait-elle torturée.
Son frère aîné aussi était important pour elle. C'est d'ailleurs avec lui qu'elle commença ses premiers cours d'équitation lorsqu'elle était âgée de sept ans, obligée par ses parents exaspérés de la voir s'agiter de manière si peu productive. Bien qu'elle ait largement protesté au début, elle se découvrit un talent pour l'équitation et se lança dans la course d'obstacle. Elle était douée, et elle aimait bien cela, aussi continua-t-elle longtemps, et aujourd'hui encore.
A l'école, c'était toujours la même phrase qui apparaissait sur les bulletins. « A les capacités mais ne fait aucun effort. » Ils n'avaient pas tord. Caleigh avait une bonne mémoire et une facilité de compréhension non négligeable, aussi se débrouillait-elle toujours pour avoir au dessus de la moyenne sans vraiment se fatiguer. Mais, visiblement, ce n'était pas assez pour ses professeurs. Qu'ils aillent se faire voir.
Et puis … Son rayon de soleil a percé à travers les nuages. Otello est né.
Dès la première fois où Caleigh l'a vu, encore rouge et fripé, elle a craqué. Elle est véritablement tombée sous le charme de l'enfant, et s'est jurée de se donner corps et âme pour devenir une grande sœur exemplaire.
Elle sur-protégeait le bébé et ne laissait personne y toucher. Elle était d'une douceur extrême avec lui, impressionnant son entourage qui avait l'habitude de la voir courir et casser tout ce qu'elle tenait entre les mains.
▷Chapitre Second : Adolescence compliquée.
Enfin, vint son tour de voir son avenir dicté par ses parents. Déjà qu'elle ne s'était jamais vraiment entendue avec sa mère, voilà que celle-ci l'obligeait à devenir ingénieure, avec l'appui de son père. Elle refusa purement et simplement, et les liens précaires qu'elle entretenait avec eux basculèrent. Leur parlant à peine plus que le nécessaire, Caleigh commença à fréquenter des gens peu recommandables. Elle était jolie et n'avait pas de mal à se faire des amis, parce que tout de même, le physique compte beaucoup au premier abord. Elle était particulièrement proche des garçons, les filles n'appréciant pas vraiment son caractère trop impersonnel, ses manières osées de se coller aux gens ou ses blagues aussi idiotes qu'inutiles. Pendant cette période, c'est surtout avec Milo qu'elle restait le plus souvent.
Milo c'était un gamin qui vivait seul avec sa mère veuve. Un peu déboussolé, il a trouvé en Caleigh un modèle, une amie, et peut-être même plus que ça. Tous deux étaient très proches et s'amusaient à faire de nombreuses bêtises pas vraiment graves. De temps en temps, ils se faisaient enguirlander par la police nationale, mais rien de bien alarmant.
Elle traînait souvent tard le soir, ignorant les recommandations de son père et les cris de sa mère. Elle s'habitua à sortir de plus en plus tard, ne rentrant parfois même plus, préférant dormir chez Milo dont la mère se noyait dans l'alcool, souvent trop saoule pour ne serait-ce que remarquer la présence d'une jeune fille dans sa demeure. Ses parents ont sûrement lâché l'affaire, décidant de plutôt se préoccuper des enfants qui en valaient la peine. C'est peut-être à partir de ce moment là que Caleigh commença à porter des vêtements typiquement masculins : parce qu'elle savait que sa mère n'aimait absolument pas cela.
Milo lui donna le goût des jeux vidéos et se révéla y être plutôt douée, les jeux de guerre devenant sa seconde passion après l'équitation. Elle s'était même fait faire les même piercings que le jeune homme : deux points qui prenaient la direction du bas, aux coins de ses lèvres inférieures. Plus garçon manqué que jamais, c'est surtout pendant son adolescence qu'elle acquit le goût du risque.
▷Chapitre Troisième : Le dérapage de trop.
Et ce goût du risque, elle l'expérimenta de nombreuses fois. Sous la directive de Milo qui devenait bientôt plus influent qu'elle, elle commença à apprendre à conduire alors qu'elle avait environ quinze ans, et ce, bien entendu, sans permis. Elle se servait d'un des voitures de ses parents pour se rendre régulièrement à toutes sortes de fêtes où en général, fumée et alcool se mélangeaient dans un mélange qu'elle commençait à apprécier. Passant facilement pour majeur à cause de sa grande taille et de son franc charisme, elle entre certainement trop tôt dans le monde des grands. Trop tôt dans le monde de ceux qui sont coupables.
A côté de cela, elle s'occupait toujours d'Otello. Élève brillant, il ne suivait heureusement pas l'exemple de son aînée et évitait Milo et toute sa bande. Caleigh, elle, voulait lui faire découvrir les joies de la fête, rien qu'une fois.
C'était une nuit de décembre qu'Otello accepta enfin la proposition de la jeune fille. En un tour de clef, ils se retrouvaient dans la voiture, musique à fond pour rejoindre la soirée où ils étaient conviés. Habituée de la route, Caleigh conduisait à la perfection. Il n'y avait aucun risque.
Sauf si une voiture arrivait en contresens. Sauf si cette voiture percutait la sienne avec pertes et fracas.
Et c'était ce qui s'était passé. Caleigh resta dans le coma quelques jours. Quand elle se réveilla dans cette chambre d'hôpital blanche, elle ne comprit pas. Mais son premier mot, premier cri plutôt, fut celui de son frère.
En plus des trois fractures ouvertes, pas jolies du tout à voir, elle tomba de haut quand elle apprit la nouvelle. Otello, paraplégique. Son petit frère qu'elle aimait tant, qui perdait l'usage de ses jambes par sa faute, et uniquement sa faute. Elle s'en était tant voulu.
▷Chapitre Dernier : Les traces indélébiles de la culpabilité.
Caleigh avait été profondément choquée par l'accident. Elle s'en voulait, s'en voulait comme pas possible. Elle pleurait dès qu'elle voyait son frère, n'arrivait pas à le regarder dans les yeux. Tout était de sa faute, et les tentatives d'Otello pour lui assurer le contraire restèrent vaines.
Elle comme lui s'enfermèrent dans une bulle protectrice qui les empêchait d'être atteints par quoi que ce soit d'autre. La jeune fille s'éloigna progressivement de son frère, n'arrivant pas à se pardonner ce qu'elle lui avait fait.
Elle s'éloigna aussi de Milo, sans que celui-ci n'y comprenne rien. Elle devint violente, sans gêne. Elle volait dans les magasins, menaçait les passants pour obtenir de l'argent, faisait partie de nombreuses bagarres. Les foudres de la police Italienne lui tombèrent bientôt dessus, et c'est de nombreuses fois qu'elle se retrouva derrière les barreaux en garde à vue.
Elle avait visité de nombreuses écoles spécialisées pour les cas difficiles. Seulement visité parce que même inscrite, elle n'avait pas fait long feu et s'était fait exclure rapidement et de nombreuses fois.
Ses parents, au bord du désespoir, prirent la sage décision de l'envoyer à l'Académie Volfoni.
Même si ses débuts furent difficiles, surtout pour ses professeurs et autres employés, elle s'assagit rapidement. Les professeurs à l'écoute, les élèves tous bien uniques en leur genre, et même des gens comme elle, catalogués dans le groupe des « racailles » comme ils disaient.
Caleigh devint rapidement influente. Des résultats satisfaisant, une bonne aptitude à l'équitation, et un caractère bien trempé … Elle forma rapidement autour d'elle un petit groupe qu'elle appréciait et qui l'appréciait. Sa seconde famille, comme elle disait. Bien que le rôle de maman poule la gênait, elle l'avait accepté depuis longtemps. Elle pouvait les protéger.
Sa grande sœur Vitalis l'avait rejointe peu de temps après, à la rentrée suivante même. Suivant le cursus artistique dans la musique, elle venait trouver réconfort et protection auprès de Caleigh, très fière et très heureuse que les rôles se soient inversés. En contrepartie, elle la laissant jouer avec elle pendant leurs heures perdues, à la coiffer ou bien à la maquiller, ou encore à lui faire essayer toutes sortes de costumes. C'est à partir de là que Caleigh commença à vouer une passion sans borne à ses cheveux qu'elle entretenait parfaitement. Beaucoup d'hommes la désiraient, d'ailleurs.
Mais c'est sur ce petit gars qu'elle avait craqué. Tran Yo. Au fond, il lui faisait penser à Otello. Plutôt petit et maigrichon, il se croyait plus influent qu'il ne l'était, et sa stature peu imposante lui vallait souvent railleries et moqueries. Caleigh pouvait voir dans ses yeux qu'il en voulait. Qu'il voulait la reconnaissance.
Aussi, elle l'avait adopté. Au fond, même si elle l'embrassait et le câlinait, c'était simplement une manifestation d'une sorte d'amour fraternelle puissante. Pour le moment du moins.
Et puis, soyons sincères : sa place de petite-amie de Tran Yo la rendait plus influente encore, peut-être. Elle avait affaire à des énergumènes qu'elle ne connaissait pas avant et qui avaient prit pour habitude d'embêter son copain, se faisant un nom parmi d'autres groupes de racailles. Et puis, ça faisait bien, d'avoir un copain plus petit, plus faible. Cela la rendait, elle, plus impressionnante encore.
Son but désormais ? V i v r e s a v i e a u j o u r l e j o u r.